Epiphanie au bar

J’ai peut-être oublié de rappeler dans ce blog (ou dans l’autre) un événement de la plus haute importance. Le vieux Jacques est réconcilié avec Abdel, patron de l’Aéro. C’est bien pratique, le samedi c’est le seul lieu sympathique de la commune ouvert.

C’est grâce à moi. Ou à cause de moi.

Mardi, je faisais les mots croisés du Parisien avec Joël. Le vieux arrive et s’installe entre nous. C’est naturel probablement. Il y a uniquement deux types au comptoir, qui sont sur la même page du journal. Vous entrez dans le bistro et vous vous mettez à la seule place occupée.

La mauvaise humeur monte en moi. J’ai absolument horreur des types qui font ça. Et en plus j’ai absolument horreur des types qui veulent aider pour les mots fléchés. Pour moi, faire les mots croisés est une espèce de démarche anti-intellectuelle destinée à remplacer ce qui l’occupe après une journée de boulot par autre chose.

En plus, quand le mec en question voit mal (pas très mal, juste un peu mal) il se penche sur le journal pour rapprocher les définitions de son nez puis pointe son doit en dessous la case pour mieux lire. Pour ma part, je n’ai pas besoin de mes doigts pour lire, mais quand il y a un vieux penché et des doigts posés sur le journal, je n’arrive pas à me concentrer. Et ça m’énerve. Et ça énerve Joël, mais c’est un garçon très tolérant. D’ailleurs il est de gauche. Jacques est de droite.

Illustrons ça. Pour Jacques le code de la route est fait pour que les autres l’appliquent. Un peu comme pour les règles de savoir-vivre : avant de se mette entre deux types et de leur piquer leurs mots fléchés, il ne se demande pas si ça les emmerde. Moi, qui suis de gauche, je respecte le code de la route. Par exemple, ce matin j’étais très gêné quand j’ai grillé le feu par mégarde et quand j’ai vu qu’il y avait une voiture de police qui attendait dans le couloir de bus.

Ca aussi, ça m’énerve, je rédige un beau billet pour le blog et ma pensée s’échapper vers une description ridicule des différences entre la droite et la gauche. Alors que je suis que dans l’introduction du billet.

En colère, je quitte l’Aéro, je baguenaude dans ma commune quand je tombe en arrêt devant la boulangerie. La galette des rois : 16 euros. Pas la version familiale, celle pour 4 personnes, type 20 centimètres de diamètre !

Par « tombé en arrêt », il faut comprendre « resté sur le cul ». J’étais persuadé que ça se vendait 8 à 10 euros. Je fonce à la Comète (faut bien un prétexte), j’interroge quelques potes en faisant un sondage représentatif de 3 ou 4 personnes qui me confirment que le prix normal devrait être entre 8 et 10 euros. Dont le patron du bistro, qui s’y connaît, puisqu’il en vend lui-même à ses clients. Non, pas nous le soir, ceux du midi. Nous c’est plutôt saucisson…

Loïc, le boulanger du coin, que vous connaissez peut arrive alors au bistro. Je l’engueule. Monsieur trouve tout naturel de facturer 16 euros pour une galette des rois.

Ca m’énerve.

Cela dit, je m’en fous. Je n’ai pas un budget étriqué et surtout, je n’ai pas une famille à nourrir. Et en plus, je n’achète jamais de galette des rois.

Mais… Que les commerçants arrêtent de nous prendre des cons. 2 disques de pâte feuilletée, 50 g de sucre glace, 50 g de poudre d’amande, 50 g de beurre fondu mais pas chaud, 2 œufs, 1 cuil. à soupe de farine, quelques gouttes d’extrait d’amande amère de qualité, 1 pincée de sel d'Algarve, 1 cuil. à soupe de Rhum (facultatif), Dorure : 1 œuf battu en omelette et 1 cuil. d’huile de tournesol.

Ne faisant jamais de pâtisserie, j’ignore totalement le coût de la pâte feuilletée et avant de tomber sur cette recette avec google, je ne connaissais pas l’existence du sel d’Algarve. J’ignore d’ailleurs comment on fait une pâte feuilletée. De la farine et de l’eau m’apprend le machin !

Allez 3 euros au maximum de matières premières ! Je veux bien qu’on paye la qualité, le sourire de la vendeuse, mais trop, c’est trop.

Comparons autrement. Une pizza, dans une pizzeria, ça coûte environ 8 à 10 euros, avec un tas d’ingrédients pour la garniture. Elle est faite en direct, devant vous. Vous la mangez assise, à table. Le commerçant fait 6 à 8 euros de marge. C’est normal. Vous occupez ses chaises, il faut qu’il paye des serveurs, un cuisinier, … Mais vous imaginez la marge sur une galette des rois ? 15 euros… Pour des trucs faits à la chaîne dans le fournil et vendu par centaines par une seule vendeuse. J’ai toujours trouvé les pizzas hors de prix (faut dire que si je me tape un demi litre de rouge et un dessert, ça monte à 20 euros !), mais là, avec les galettes des rois, ça dépasse l’entendement.

Si des gens achètent des galettes des rois à 4 euros la part, les commerçants ont raison de les vendre. C’est la loi de l’offre et de la demande, comme on dit… Mais cessons de nous plaindre de la disparition des commerçants en centre ville, de la multiplication des « points chauds » et de la vente de pain en supermarché.

Ca m’énerve…