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En politique, l'important, c'est d'être d'accord avec le patron de bistro d'autant que son métier consiste essentiellement à taire ses désaccords avec les clients.
Laurence Parisot a bien évidemment donné son avis : « "Il peut y avoir une légitimité à ce que l'Etat pose ses conditions aux prêts, aux aides qu'il apporte aux entreprises", a-t-elle observé. "Il me semble tout à fait normal que les conditions soient négociées ou établies par celui qui prête", a-t-elle ajouté ».
Ce texte est en effet peut-être nécessaire, bien que, comme je le faisais remarquer mercredi, on a du mal à voir en quoi l’état peut mettre son grain de sel dans une relation contractuel entre une entreprise et ses dirigeants. A la limite, si le type sauve l’entreprise en obtenant une aide de l’état, pourquoi ne serait-il pas remercié ? Mon côté libéral qui ressort…
Ce décret n’est probablement qu’une miette lancée pour focaliser les esprits sur ces quelques chefs de grandes entreprises qui obtiennent des sous « immoralement ». Il y aura peut-être un autre truc contre ces traders de Natixis qui ont bénéficié de 70 millions de primes malgré leurs mauvais résultats. Ca laisse d’ailleurs rêveur ! Ces gugusses sont remerciés pour jouer avec le pognon et faire chuter le système… alors que les gens qui travaillent normalement peinent à terminer les mois.
Il n’empêche que ce décret ne nous fera pas oublier le reste et, surtout, ne nous fera pas croire que la moralisation du capitalisme se… décrète dans un bureau Parisien !
Avec des copains blogueurs de gauche, nous avons entrepris, la semaine dernière, une série de billets sur les droits de succession pour tenter de démontrer leur justesse et la nécessité de les rétablir. A l’heure où certains songent à supprimer le bouclier fiscal, il nous semble en effet intéressant de rappeler que ce n’est pas que le bouclier qui est néfaste mais tout le paquet fiscal. J’avais promis de faire un nouveau sujet pour aborder un des aspects négatifs des droits de succession : la possible obligation de vendre un bien pour payer les droits.
J’ai mis le temps à le faire (plus exactement, ceci n’est pas ma première tentative !), car il est complexe à aborder, car il touche au sentiment d’injustice qu’on peut ressentir !
Imaginons Paul-Marcel, 35 ans, qui vient d’acheter un appartement à Paris. Il vient d’hériter de la maison du grand-père à Trégastel-Mézières dans le Cantal, où il a passé toutes ses vacances quand il était petit, et doit s’acquitter de 5000 euros de droits de succession. Il est endetté jusque au cou pour rembourser son appartement et ne peut pas payer les droits. Que faire ?
Nous sommes avant le « bouclier fiscal ». Ces 5000€ représentent le montant à acquitter pour une succession d’environ 100 000 €. Notons au passage qu’ils ne représentent que 5% du montant : ce n’est pas la mer à boire et encore moins la moquette à fumer…
Faisons un odieux aparté : Il vient d’acheter un appartement à Paris (pour 200 000€, t’as plus rien)… on peut donc en déduire qu’il a un salaire et consomme le reste… Il s’acquittera environ de 3000€ de TVA par an (vous pouvez calculer !). Personne ne viendrait se plaindre s’il disait qu’il est obligé de vendre la maison du grand-père pour payer 30 ans de TVA !
Il n’empêche qu’il est obligé de vendre. Pareil pour un bougnat qui hérite d’un bistro familial d’une valeur de 500 000 euros pour lesquels il devra s’acquitter de 60 000 euros d’impôt. Pareil pour le dernier héritier d’une famille qui va recevoir l’hôtel particulier estimé à 25 millions et « l’état » qui lui réclamera 8 millions.
Par contre, objectivement, si un type qui hérite de 20 milliards (l’ordre de grandeur des plus grandes fortunes de France), composé à la presque totalité d’un portefeuille boursier, doit en payer 8, il lui en restera 12 pour finir ses fins de mois pendant 40 ans, on ne va pas le plaindre.
Obligé de vendre…
Si les droits de successions sont rétablis normalement (je ne parle même pas de passer au barème proposé par Dedalus), je propose qu’on pallie cette obligation de vendre par quelques garde-fous. Par exemple, si l’héritage est composé d’un « bien de production » (usine, … bistro, …), l’état rentre au capital, si l’héritier le souhaite, à hauteur maximale du montant des droits, l’héritier disposant de la durée de son choix pour vendre l’entreprise (l’entrée au capital est justifiée par la nécessité de contrôler la gestion pour vérifier que l’héritier ne boive pas l’héritage discrètement). Autre exemple, si l’héritage est composée de « machins sentimentaux » (maisons de famille, œuvres d’art, …), je propose qu’ils soient « hypothéqués » (ou un truc comme ça, pour empêcher la revente) et que l’héritier dispose d’un prêt « à taux ridicule », garanti par l’état, d’une durée relativement longue (pourquoi pas 20 ans) pour payer les droits.
On peut toujours s’arranger. Le législateur n’aura qu’à se débrouiller pour régler les cas particuliers. Prenons un type qui hérite d’une entreprise d’une valeur de 10 millions, d’une résidence de 3 millions et d’un portefeuille boursier de 4 millions, soit 17 millions. Il se retrouve donc avec 6 millions à payer. A lui de voir s’il veut payer 4 millions à partir de son portefeuille boursier ou garder des réserves et comment il veut s’acquitter du reste…
Soyons conciliant, ça évitera les jérémiades.
Pour ce qui concerne les portefeuilles boursiers, ça n’a rien à voir, mais je propose que la part de l’héritage correspondante soit directement transférée à l’état (si l’héritier le souhaite) sur la base d’un cours relativement favorable à l’état (ça évitera au pigeon de se faire enfumer en vendant des trucs en urgences et aux actions d’être rachetées par des fonds de pension Américain : vive l’état actionnaire !).
Soyons conciliant, mais pas trop… Le législateur n’a pas fini de rigoler mais il devra trouver pare-feux à tout ! Il y aura bien des joyeux lurons qui trouveront des trucs pour différer le paiement… Je vois très bien un type pousser ses parents de 90 ans à vendre leurs actions pour acheter des œuvres d’art.
Revenons à notre type qui « vient d’hériter de la maison du grand-père à Trégastel-Mézières dans le Cantal, où il a passé toutes ses vacances quand il était petit ». Il vient d’acheter une maison à Paris mais on lui donne les moyens d’acquitter les droits de succession sur 20 ans. On peut parier que dans les cinq ans, il sera obligé de vendre. D’ailleurs, dès la mort du grand père, voire même avant, il sera partagé… Aura-t-il les moyens d’entretenir cette maison ? Aura-t-il matériellement le temps d’y passer suffisamment de temps pour l’entretenir et en profiter ? Son épouse Calaisienne voudra-t-elle y passer quatre semaines de vacances par an ?
Revenons à notre « bougnat qui hérite d’un bistro familial d’une valeur de 500 000 euros ». Qui nous dit qu’il a envie de tenir un bistro ? Qui nous dit qu’il a les capacités de le faire ? Parmi les très nombreux bougnats partis à la retraite dans les années 90, combien de fils ont repris la brasserie montée dans les années 70 ?
Obligé de vendre pour payer les droits ? Heu… Dans combien de cas ?
A relire :
- le billet de Dedalus,
- le billet d’Eric,
- le billet du Petit Livre rose,
- mon premier,
- mon deuxième,
- mon interlude.