En politique, l'important, c'est d'être d'accord avec le patron de bistro d'autant que son métier consiste essentiellement à taire ses désaccords avec les clients.
En salle
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01 mai 2009
Vincent Peillon n'a pas d'iPhone : il blogue a posteriori
Vincent Peillon a oublié que les manifestations se terminaient dans l'après-midi et que pour twitter en direct, il faut un iPhone. Notez bien l'heure en bas à droite.
Proche de Ségolène Royal, Vincent Peillon a été l'un des principaux acteurs du congrès du PS. En cas de victoire de Ségolène Royal, il pourrait devenir premier secrétaire délégué du PS. Nos amis du Plan B ont enquêté dans le "Vimeu rouge" où Vincent Peillon s'est présenté et a été battu.
Les médias l’adorent mais ses électeurs le rejettent. Intrigué par ce paradoxe de la démocratie, Le Plan B a démarché l’ancienne circonscription du télévangéliste PS Vincent Peillon, dans les terres ouvrières de la Somme. Quand Stéphane Paoli reçoit Vincent Peillon sur France Inter, comme ce 21 avril, les tasses de thé ont rendez-vous avec la pince à sucre. « Je ne vous présente pas Raphaëlle Bacqué, du Monde, ni Thomas Hugues, de i-télé », susurre l’animateur. « Bonsoir Raphaëlle, bonsoir Thomas », pépie le socialiste. Le portrait que brosse Paoli de son convive n’est pas d’une cruauté extrême : « Battu de 143 voix aux dernières législatives, il n’a pas retrouvé son siège de député de la Somme perdu en 2002. Comme si le souvenir de ce jour d’avril 2000 où il avait fallu l’intervention d’un hélicoptère de la gendarmerie pour le sauver de la colère des chasseurs pesait encore sur la décision de certains électeurs. »
Vincent Peillon, victime de la sauvagerie des chasseurs ? La question mérite examen car, hormis sa qualité d’élu au Parlement européen de Strasbourg, rien ne semble justifier son omniprésence sur les ondes. À moins, bien sûr, que sa non-élection en 2007 ne soit le fruit d’un déni démocratique qu’il conviendrait de réparer par l’attribution d’un mandat médiatique permanent.
« Carrément absent »
Pour en avoir le cœur net, Le Plan B a sondé son ancienne circonscription ouvrière, le « Vimeu rouge », dans la Somme. Au premier étage de la Bourse du travail de Friville-Escarbotin, Gilles Humel, le secrétaire de l’Union locale CGT, montre une feuille portant une liste de noms surlignés au Stabilo : en orange les préretraités, en bleu les déplacés. Il s’agit du personnel de la serrurerie Laperche, récemment fermée sur ordre du groupe Assa Abloy, numéro 1 mondial du secteur. On les compte par paquets, ici, les boîtes de métallurgie rachetées par des fonds d’investissement et délocalisées sans faire d’histoires. « Vincent Peillon était carrément absent sur cette bataille, indique Gilles Humel. Des déclarations générales, si, il en a fait : “Le Vimeu sinistré… le Vimeu doit innover…” Mais concrètement, rien. Il s’est contenté d’en appeler aux fonds européens pour gérer la fermeture.
– Mais est-ce qu’il a livré une analyse des bouleversements qui se produisent dans le Vimeu ? – Non, je n’ai pas trace de ça. J’essaie de me souvenir. Mais non. – Il n’a jamais proposé de solution ? Des barrières douanières, par exemple ? – Non. Le seul qui tient ce discours-là, c’est Maxime Gremetz. Mais, au PS, on n’a pas de retour sur nos propositions. Jamais ils n’ont initié une réunion de travail, même avec le conseiller général d’à côté. – Est-ce que Peillon est déjà venu s’expliquer ici, avec vous ou d’autres ? – Pas une seule fois. Il ne connaît pas la couleur de nos locaux. »
Vincent Peillon, qui tutoie « Thomas Hugues de i-télé », n’a jamais mis les pieds à la Bourse du travail de sa circonscription. Ses camarades socialistes trouvent-ils cela normal ? « Non, c’est une aberration, s’exclame Christian Decayeux, un ancien secrétaire du PS dans la Somme. Si vous ne rencontrez pas les acteurs qui peuvent avoir une influence, c’est perdu. Vincent s’est complètement désintéressé de la vie locale. » Les adhérents de sa section confirment : « Il venait assez peu aux réunions, ou alors pour faire des discours de tactique sur les autres dirigeants socialistes, façon commère de Solférino. – La situation de la métallurgie, il en parlait ? – Il s’en foutait. Un jour, des ouvriers l’ont évoquée et il leur a dit : “Faites-moi une note là-dessus”, comme s’il se trouvait dans un cabinet ministériel. C’était pareil sur tout. »
La morgue de Peillon envers sa « base » lui a d’ailleurs joué un tour à la veille des dernières législatives, lorsque le tribunal d’Amiens, constatant qu’il ne résidait pas dans sa circonscription, a rayé le candidat PS des listes électorales. « Quand on ne peut même pas voter là où on se présente et qu’on glisse son bulletin à Paris, ça dit tout, commente Decayeux. Avant le scrutin, il a sorti un tract : “Si je ne suis pas élu, je ne viendrai plus !” Comme si c’était le messie et que les gens allaient le retenir… »
Il y a donc un suffrage au moins dont la perte n’est pas imputable aux chasseurs : le sien. Pour le zébulon du « Nouveau Parti socialiste », c’est pourtant le peuple qui est défectueux. « Je trouve dommage que le Vimeu n’ait pas été capable de se ressaisir suffisamment », pestait Peillon au soir du second tour, cependant que « le Vimeu » rigolait : « On s’est bien moqués de lui, se souvient un syndicaliste dans une manif. Je lui ai dit : “Même une vache avec un chapeau aurait été élue.” » À condition qu’elle se montre…
Socialisme tendance stock-option
Sur son site Internet, pas la moindre trace d’une activité politique dans la Somme ou d’une proposition au Parlement européen. Y sont en revanche dûment répertoriées toutes ses prestations dans les médias : « “Une victoire utile pour préparer l’avenir” : retrouvez l’interview de Vincent Peillon par Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1 » ; « “Nous avons des valeurs à défendre” : sur France 2 dans “Mots croisés”, consacrée à la polémique autour des JO de Pékin » ; « “La gauche française doit sortir de ses crispations et se remettre en mouvement” : interrogé cette semaine par Le Nouvel Observateur. » Et cetera.
Qu’un parachuté socialiste soit à la fois arrogant et nul, ce n’est pas une surprise. Qu’il se fasse battre à deux reprises sur des terres prolétaires par un notable local de l’UMP, avocat d’affaires légumineux mais qui habite sur place, cela se conçoit. Mais de quelle légitimité peut se targuer Peillon pour s’exprimer au nom de « la gauche française » ? Car ses déboires électoraux n’ont nullement ralenti le flux de ses épanchements médiatiques. Au contraire : moins il a d’électeurs, plus il a d’intervieweurs.
Il est vrai que Peillon a touillé toutes les couleurs du lavis socialiste, d’Emmanuelli à Strauss-Kahn, de Jospin à Royal. Bien que n’exerçant aucune fonction de porte-parole au PS, il campe le parfait portrait-robot du socialiste rénové. Opposé au Traité constitutionnel européen de 2005, il soutient en 2007 la déclinaison sarkozyste de ce même traité. En 2002, il tonne contre « le très grand danger de la dérive sociale-libérale » et courtise la mouvance altermondialiste. Cinq ans plus tard, en pleine affaire Airbus, il rectifie : « Moi, je ne suis pas du tout pour la suppression des stock-options, je pense qu’elles ont un rôle. » Son ennemi d’aujourd’hui ? « Les gauchistes et tribunitiens », qui « à force de trouver la gauche pas assez à gauche ont installé durablement la droite au pouvoir ». Finis, les tracas d’un « terrain » grouillant de chômeurs, de précaires et de salariés délocalisables. Plus besoin de s’encombrer des ouvriers de Laperche, ni de les convaincre que leurs malheurs sont dus aux « gauchistes » : la démocratie médiatique supplée avantageusement au bourbier électoral.
Le 19 mai, Peillon paradait à nouveau dans « Mots croisés » sur France 2, où il représentait « l’opposition » face à la ministre Valérie Pécresse. La suppression de 10 000 postes dans l’Éducation nationale ? Le tricard du Vimeu est « pour ». L’attaque contre le droit de grève des profs ? Ce « n’est pas dérangeant », concède-t-il. Yves Calvi jubile : « Si successivement vous nous dites que vous êtes d’accord sur le service minimum et sur les réductions d’effectifs, alors là, je dois dire, la gauche est en train de beaucoup évoluer dans ce pays ! – Écoutez, ça me semble une évidence », fanfaronne « l’opposant ». Évidence pour évidence, le Parti de la presse et de l’argent (PPA) a trouvé en Peillon la « gauche » qui lui ressemble.
Source : Le Plan B n°14 Article paru dans le numéro de juillet-septembre 2008
La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...
Il a du passer un coup de fil à un de ces sbires...
RépondreSupprimerTrés instructif concernant Peillon.
RépondreSupprimerProche de Ségolène Royal, Vincent Peillon a été l'un des principaux acteurs du congrès du PS. En cas de victoire de Ségolène Royal, il pourrait devenir premier secrétaire délégué du PS. Nos amis du Plan B ont enquêté dans le "Vimeu rouge" où Vincent Peillon s'est présenté et a été battu.
Les médias l’adorent mais ses électeurs le rejettent. Intrigué par ce paradoxe de la démocratie, Le Plan B a démarché l’ancienne circonscription du télévangéliste PS Vincent Peillon, dans les terres ouvrières de la Somme.
Quand Stéphane Paoli reçoit Vincent Peillon sur France Inter, comme ce 21 avril, les tasses de thé ont rendez-vous avec la pince à sucre. « Je ne vous présente pas Raphaëlle Bacqué, du Monde, ni Thomas Hugues, de i-télé », susurre l’animateur. « Bonsoir Raphaëlle, bonsoir Thomas », pépie le socialiste. Le portrait que brosse Paoli de son convive n’est pas d’une cruauté extrême : « Battu de 143 voix aux dernières législatives, il n’a pas retrouvé son siège de député de la Somme perdu en 2002. Comme si le souvenir de ce jour d’avril 2000 où il avait fallu l’intervention d’un hélicoptère de la gendarmerie pour le sauver de la colère des chasseurs pesait encore sur la décision de certains électeurs. »
Vincent Peillon, victime de la sauvagerie des chasseurs ? La question mérite examen car, hormis sa qualité d’élu au Parlement européen de Strasbourg, rien ne semble justifier son omniprésence sur les ondes. À moins, bien sûr, que sa non-élection en 2007 ne soit le fruit d’un déni démocratique qu’il conviendrait de réparer par l’attribution d’un mandat médiatique permanent.
« Carrément absent »
Pour en avoir le cœur net, Le Plan B a sondé son ancienne circonscription ouvrière, le « Vimeu rouge », dans la Somme. Au premier étage de la Bourse du travail de Friville-Escarbotin, Gilles Humel, le secrétaire de l’Union locale CGT, montre une feuille portant une liste de noms surlignés au Stabilo : en orange les préretraités, en bleu les déplacés. Il s’agit du personnel de la serrurerie Laperche, récemment fermée sur ordre du groupe Assa Abloy, numéro 1 mondial du secteur. On les compte par paquets, ici, les boîtes de métallurgie rachetées par des fonds d’investissement et délocalisées sans faire d’histoires. « Vincent Peillon était carrément absent sur cette bataille, indique Gilles Humel. Des déclarations générales, si, il en a fait : “Le Vimeu sinistré… le Vimeu doit innover…” Mais concrètement, rien. Il s’est contenté d’en appeler aux fonds européens pour gérer la fermeture.
– Mais est-ce qu’il a livré une analyse des bouleversements qui se produisent dans le Vimeu ?
– Non, je n’ai pas trace de ça. J’essaie de me souvenir. Mais non.
– Il n’a jamais proposé de solution ? Des barrières douanières, par exemple ?
– Non. Le seul qui tient ce discours-là, c’est Maxime Gremetz. Mais, au PS, on n’a pas de retour sur nos propositions. Jamais ils n’ont initié une réunion de travail, même avec le conseiller général d’à côté.
– Est-ce que Peillon est déjà venu s’expliquer ici, avec vous ou d’autres ?
– Pas une seule fois. Il ne connaît pas la couleur de nos locaux. »
Vincent Peillon, qui tutoie « Thomas Hugues de i-télé », n’a jamais mis les pieds à la Bourse du travail de sa circonscription. Ses camarades socialistes trouvent-ils cela normal ? « Non, c’est une aberration, s’exclame Christian Decayeux, un ancien secrétaire du PS dans la Somme. Si vous ne rencontrez pas les acteurs qui peuvent avoir une influence, c’est perdu. Vincent s’est complètement désintéressé de la vie locale. » Les adhérents de sa section confirment : « Il venait assez peu aux réunions, ou alors pour faire des discours de tactique sur les autres dirigeants socialistes, façon commère de Solférino.
– La situation de la métallurgie, il en parlait ?
– Il s’en foutait. Un jour, des ouvriers l’ont évoquée et il leur a dit : “Faites-moi une note là-dessus”, comme s’il se trouvait dans un cabinet ministériel. C’était pareil sur tout. »
La morgue de Peillon envers sa « base » lui a d’ailleurs joué un tour à la veille des dernières législatives, lorsque le tribunal d’Amiens, constatant qu’il ne résidait pas dans sa circonscription, a rayé le candidat PS des listes électorales. « Quand on ne peut même pas voter là où on se présente et qu’on glisse son bulletin à Paris, ça dit tout, commente Decayeux. Avant le scrutin, il a sorti un tract : “Si je ne suis pas élu, je ne viendrai plus !” Comme si c’était le messie et que les gens allaient le retenir… »
Il y a donc un suffrage au moins dont la perte n’est pas imputable aux chasseurs : le sien. Pour le zébulon du « Nouveau Parti socialiste », c’est pourtant le peuple qui est défectueux. « Je trouve dommage que le Vimeu n’ait pas été capable de se ressaisir suffisamment », pestait Peillon au soir du second tour, cependant que « le Vimeu » rigolait : « On s’est bien moqués de lui, se souvient un syndicaliste dans une manif. Je lui ai dit : “Même une vache avec un chapeau aurait été élue.” » À condition qu’elle se montre…
Socialisme tendance stock-option
Sur son site Internet, pas la moindre trace d’une activité politique dans la Somme ou d’une proposition au Parlement européen. Y sont en revanche dûment répertoriées toutes ses prestations dans les médias : « “Une victoire utile pour préparer l’avenir” : retrouvez l’interview de Vincent Peillon par Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1 » ; « “Nous avons des valeurs à défendre” : sur France 2 dans “Mots croisés”, consacrée à la polémique autour des JO de Pékin » ; « “La gauche française doit sortir de ses crispations et se remettre en mouvement” : interrogé cette semaine par Le Nouvel Observateur. » Et cetera.
Qu’un parachuté socialiste soit à la fois arrogant et nul, ce n’est pas une surprise. Qu’il se fasse battre à deux reprises sur des terres prolétaires par un notable local de l’UMP, avocat d’affaires légumineux mais qui habite sur place, cela se conçoit. Mais de quelle légitimité peut se targuer Peillon pour s’exprimer au nom de « la gauche française » ? Car ses déboires électoraux n’ont nullement ralenti le flux de ses épanchements médiatiques. Au contraire : moins il a d’électeurs, plus il a d’intervieweurs.
Il est vrai que Peillon a touillé toutes les couleurs du lavis socialiste, d’Emmanuelli à Strauss-Kahn, de Jospin à Royal. Bien que n’exerçant aucune fonction de porte-parole au PS, il campe le parfait portrait-robot du socialiste rénové. Opposé au Traité constitutionnel européen de 2005, il soutient en 2007 la déclinaison sarkozyste de ce même traité. En 2002, il tonne contre « le très grand danger de la dérive sociale-libérale » et courtise la mouvance altermondialiste. Cinq ans plus tard, en pleine affaire Airbus, il rectifie : « Moi, je ne suis pas du tout pour la suppression des stock-options, je pense qu’elles ont un rôle. » Son ennemi d’aujourd’hui ? « Les gauchistes et tribunitiens », qui « à force de trouver la gauche pas assez à gauche ont installé durablement la droite au pouvoir ».
Finis, les tracas d’un « terrain » grouillant de chômeurs, de précaires et de salariés délocalisables. Plus besoin de s’encombrer des ouvriers de Laperche, ni de les convaincre que leurs malheurs sont dus aux « gauchistes » : la démocratie médiatique supplée avantageusement au bourbier électoral.
Le 19 mai, Peillon paradait à nouveau dans « Mots croisés » sur France 2, où il représentait « l’opposition » face à la ministre Valérie Pécresse. La suppression de 10 000 postes dans l’Éducation nationale ? Le tricard du Vimeu est « pour ». L’attaque contre le droit de grève des profs ? Ce « n’est pas dérangeant », concède-t-il. Yves Calvi jubile : « Si successivement vous nous dites que vous êtes d’accord sur le service minimum et sur les réductions d’effectifs, alors là, je dois dire, la gauche est en train de beaucoup évoluer dans ce pays !
– Écoutez, ça me semble une évidence », fanfaronne « l’opposant ». Évidence pour évidence, le Parti de la presse et de l’argent (PPA) a trouvé en Peillon la « gauche » qui lui ressemble.
Source : Le Plan B n°14
Article paru dans le numéro de juillet-septembre 2008