Je suis toujours frappé de l’ignorance des gens quand je parle politique ailleurs que dans les blogs ou avec mes copains de bistro politisés.
A la cantine, ce midi, un collègue nous racontait qu’il avait eu un tract, le matin, pour la campagne de Valérie Pécresse. Comme ils savent que j’ai toujours deux ou trois anecdotes en stock, il est coutumier qu’ils se tournent vers moi quand on parle politique. Je leur raconte donc les deux âneries d’hier, dont l’automatisation de ligne 14. Nous étions quatre. Un seul des trois autres était au courant.
Un autre, me demande « Au fait ! Il fait quoi Huchon, il se représente ? ». Je lui confirme et un autre intervient : « Ah mais non ! C’est dans mon coin qu’il se présente, il ne peut pas se représenter chez toi. » dit-il en s’adressant à l’autre. Moi : « Heu ! Ben si, ce sont les régionales. » « Ben oui ! Il est Président de ma région, la San à Sénart ». Heu… Moi : : « Je ne sais pas, peut-être, mais toujours est-il qu’il est Président de la Région Ile-de-France. » Lui : « Ah ! Bon… »
Cette discussion n’est pas inutile. J’ai fait une recherche Internet pour découvrir que ce n’est pas la San mais le SAN et que Jean-Paul Huchon n’est pas là-bas.
Toujours est-il que mon collègue, heureux citoyen électeur, basait une réflexion politique sur un événement totalement faux. Toujours est-il, également, qu’au moins deux collègues sur trois ne lisent pas un seul journal… (ce que je comprends très bien, par ailleurs, bien qu’il soit assez facile de lire dans les transports en commun).
Nous autres, blogueurs et twitteurs acharnés, avons parfois tendance à l’oublier…
La suite de la discussion n’offre aucun intérêt d’un point de vue politique mais je la raconte néanmoins, tant elle est évocatrice de cette tendance à parler sans savoir…
Nous parlions ainsi de politique régionale et la discussion s’est naturellement orientée vers les transports, plus précisément vers les « Pass Navigo ». J’informe les touristes qu’il s’agit des cartes qui nous permettent d’emprunter les transports en commun à condition de les rendre ensuite.
Un des collègues nous a alors annoncé que le prélèvement pour la carte de sa copine n’était pas passé et que la carte avait été désactivée. Une longue conversation en a découlé, à propos des moyens de remplacement et de la politique de la RATP (et de ses collègues) « en général » pour ce qui concerne l’évolution des titres de transport. Chacun a alors émis différentes supputations sans rien y connaître ce qui est bien normal. Une cantine est une sorte de bistro…
Ce genre d’échange qui ne sert à rien est toujours amusant à observer. D’ailleurs, si on ne pouvait dire que des choses intelligentes, les bistros fermeraient (voire la devise de ce blog) et on ne pourrait pas commenter chez Didier Goux.
Ainsi, je les écoutais parler, en confirmant certains propos, en en corrigeant d’autres, en expliquant quelques détails, … Un seul des trois à compris que mes positions étaient trop précises pour que je puisse être totalement innocent dans cette histoire (effectivement, j’ai passé trois mois à travailler presque à temps plein sur le sujet, vers 2006 ou 2007, ce qui ne fait pas de moi un spécialiste mais aide bien dans les bistros).
A un moment, le ton est monté à propos d'une bricole. Je disais un truc et mon collègue était persuadé que j’avais tort. J’essayais de lui démontré que j’avais raison, il essayait de démontrer que j’avais tort. Il construisait des théories sur du vide, s’enflammait,… Un bonheur.
Si ! Je vous assure ! On peut s’engueuler avec des collègues de bureau en parlant de Navigo… On peut s’engueuler sur tout, ça donne du sel… La différence entre les blogs et les cantines, c’est que je n’y insulte pas un interlocuteur qui raconte une connerie et qui continue à s’enfoncer.
Au pire, j’aurais pu répondre : « Hé ho, j’ai raison, c’est moi le chef. » mais je n’aime pas abuser d’une position hiérarchique intelligemment attribuée par une direction visionnaire alors, j’ai dit, calmement : « Dis donc, Maurice ! » [ndlr : les prénoms des zigotos ont été modifiés pour garantir l’anonymat] « Tu te rappelles, à telle période, quand nous étions dans le même bureau, sur quoi je bossais ? » Lui : « Ah ! Oui… » Alors, plutôt que de reconnaître ses torts, il s’est empressé de les justifier…
Je comprends mieux, maintenant, le comportement de mes trolls…
Y en a marre des experts et des sachants, bordel !
RépondreSupprimerC'est drôle parce que cela m'est arrivé et m'arrive toujours régulièrement.
RépondreSupprimerLes gens, proches, collègues, relations, parlent sans parfois vraiment connaitre les choses et c'est encore plus flagrant en matière politique.
Parfois amusant mais parfois désespérant.
Melclalex,
RépondreSupprimerOui, ça m'arrive souvent dans mon coeur de métier, mais là, dans un "métier connexe", avec des collègues de bureau, c'était très drôle...
Discuter de politique à la cantine ? Purée (oui, c'est fait exprès...), rien que d'y penser j'ai envie de me pendre après avoir vomi tout mon quatre-heures !
RépondreSupprimerDidier,
RépondreSupprimerPareil, en fait. Je n'aime pas trop les discussions de cantine. En fait, j'aime bien quand on parle boulot, au moins on avance... Mais la politique est un moindre mal par rapport "aux préparations des valises pour les enfants qui vont en colo", car ça tourne souvent autour des mômes.
Le travail est une vaine tentative de socialisation de l'homme ( et de la femme ).
RépondreSupprimerOn serait mieux au bistro à ce socialiser la gueule.
RépondreSupprimerA cause de ce manque de culture politique presque générale, j'ai arrêté d'en discuter. J'écoute les conneries et je dis oui oui avec la tête, même si je chauffe à l'intérieur !!!
RépondreSupprimer:-))
[Comment Didier Goux peut-il manger dans une cantine qui ne sert même pas de quinoa en verrine ? La vie sociale est un mystère ! :-)) ].
Poireau,
RépondreSupprimerOui, mais je suis passionné !
Je crois que les gens un peu cultivés et informés (comme toi par exemple) sont terriblement complexogènes.
RépondreSupprimerLes "ignorants" qui provoquent les engueulades, sur des sujets futiles et avec mauvaise fois, ne veulent pas te convaincre.
Ils sont juste énervés de se sentir en infériorité et auront vite fait de te trouver "arrogant"... sauf si tu es "légitimement supérieur" (par exemple : responsable syndical).
Voilà, j'espère n'avoir complexé personne avec ma brillante analyse psychologique.
Thierry,
RépondreSupprimerTu as peut-être raison, au moins partiellement.
Mais je sépare bien l'ignorant (le premier exemple de mon blog, il ne sait pas qui est Huchon mais croit savoir) de la personne de "mauvaise foi" qui ne sait pas et invente au fur et à mesure d'une discussion toute une théorie... alors qu'il sait qu'il est ignorant et devrait deviner que l'interlocuteur ne l'est pas et surtout qu'il pourrait le prouver facilement.
Nicolas, ce que tu as repéré est un des postulats de départ d'une partie des sciences politiques contemporaines (celle dans laquelle je fais de la recherche en tout cas), qui considère que la majorité des citoyens ont peu de connaissances politiques et les élaborent au besoin, s'ils abordent ce sujet dans la discussion ou si on les interroge lors d'une enquête. D'où la propension comme tu dis à inventer des théories plutôt que de reconnaître son ignorance ...
RépondreSupprimerRomain,
RépondreSupprimerc'est d'ailleurs ce que je fais dans mon billet : parler d'un truc sans connaitre.
Mais ce que je voulais plus ou moins souligner, c'est que nous autres, blogueurs, l'oublions parfois.
" Le responsable syndical, légitimement supérieur" ne descend pas du singe, lui .
RépondreSupprimerLe Navigo, c'est ce truc qui remplace la carte orange et qui permet à la RATP de savoir (il paraît) où se trouve n'importe qui?
RépondreSupprimerJe n'ai rien compris au billet, et encore moins aux commentaires. Je ne m'en sens pas plus malheureuse pour autant, même si j'ai manqué un grand moment de philosophie active.
RépondreSupprimerSuzanne,
RépondreSupprimerCe n'est pas très grave.
Le Coucou,
Non, le Navigo est anonyme, je crois. C'est le pass Intégral qui est nominatif. Mais ça n'est pas très grave. Qu'un type avec une cravate verte sache où je suis rentré dans le métro n'est pas vraiment dérangeant.
Captain,
Quoique... A la RATP...
Moi aussi j'ai des trolls de cantine.
RépondreSupprimerCa me rappelle une époque (jusqu'en 2004) où je mangeais tout seul ou avec un ou deux collègues dont j'étais proche. J'avais trouvé un excellent prétexte pour éviter les groupes de collègues... Depuis 2004, je suis coincé !
RépondreSupprimer