Le Parisien, à propos des bistros : « Dans les années 1960, on en comptait 200 000. Il en reste 35 000, à peine un par commune en moyenne. L’an dernier, en Ile-de- France, 2 000 d’entre eux ont mis la clé sous la porte. Chaque jour, en province, deux baissent le rideau. »
J’ai beaucoup parlé de bistro dans mes blogs, comme en 2009 à propos de la baisse de la TVA.J’ai eu beaucoup de commentaires complètement à côté de la plaque de braves gens confondant le bistro de quartier avec la grande brasserie d’un quartier touristique de Paris. Elle, elle n’est pas en danger. Ces mêmes braves gens qui la fréquentent en pleurnichant contre l’augmentation des tarifs ont déserté le café du coin, celui en bas du bureau où on va se jeter un petit noir, avec les collègues, le matin. Celui où on mangeait un « entrée plat dessert » pour 10 euros, le midi...
Ils vont prendre un café à la machine à café de l’entreprise pour 30 centimes et mangent pour 7 euros au « Restau Inter Entreprises ».
Et les bistros ferment. Et les commentaires tombent, dans mon blog. Les analyses persistent, toujours à côté de la plaque.
Et ce type, dans le Parisien, qui nous dit : « On ne peut plus servir du liquide s’il n’y a pas de solide. Avec le petit verre de vin, on doit proposer des tapas ou du saucisson. »
Peut-on penser qu’on continuera à fréquenter les bistros pour des tapas ? Qu’on pourra trouver une bière à 2€50 si le patron est obligé de payer un cuistot et un serveur pour améliorer « la qualité du service » ? Un professionnel de la profession : il se trompe. Il n’y a pas la place pour 35000 bars à tapas ou à sauciflard en France.
Le chiffre d’affaire d’un bistro ne se fait pas le soir, entre 17 heures et 19 heures les jours de travail et, un peu plus tard le dimanche.
Le Parisien cite des raisons de fermeture des bistros : « La faute, pêle-mêle, à l’exode rural, aux tarifs des « conso » qui ont grimpé en flèche, aux loyers qui ont flambé dans les métropoles, aux campagnes de prévention sur l’alcoolisme ou à l’interdiction de fumer. »
Il a oublié ma machine à café et mon RIE. Il a oublié le prix exorbitant des fonds de commerce. Il a oublié la main mise des brasseurs sur les bistros pour garantir les monopoles. Il a oublié la concurrence des sandwicheries, des fast food, des supermarchés, …
Il a oublié le chômage qui grimpe, la smicardisation de la société, la perte de pouvoir d’achat. Il a oublié la disparition des autres petits commerces, la désertification des centres villes au profit de zones commerciales, de centres commerciaux, …
Mais non. Le professionnel de la profession cite ce qui l’emmerde ! Le loyer imposé par le proprio, les campagnes contre l’alcoolisme et l’interdiction du tabac. Le professionnel de la profession est sans doute propriétaire de son fond de commerce, dans un quartier touristique ou aux quatre temps, à la Défense. Lui, le grand libéral ! Et si on l’interrogeait sur la libéralisation des licences, sur les horaires de fermeture imposés en banlieue, … ?
Mais non ! Il donne son avis. Il aime bien donner son avis. « Il est incroyable qu’en 2007, 60 % des cafetiers ne vendaient toujours pas de Coca Light ! » Mouarf ! Depuis quand un rade de quartier va rembourser sa licence en vendant du Coca Light ?
« Les cafés doivent évoluer, devenir des espaces d’événements. En faisant, par exemple, le café à 1 € le matin » Mouarf ! Depuis quand les gens vont préférer le bistro à 1€ à la machine à café à 30 centimes ?
« ou en diffusant un match de foot. » Mouarf !
J’imagine un match de foot à l’Aéro ! Et le patron qui fout tout le monde dehors à 22 heures parce que la réglementation locale le lui impose. Et la loi lui impose des taxes pour diffuser des matches pendant que TF1 gagne de l’oseille avec la publicité à la mi-temps…
J’imagine, une fois par semaine, 50 demis vendus en plus. 200 euros de marge en plus par semaine. En 100 ans, il aura remboursé le fond de commerce… Mais il craquera avant, ne pouvant payer les intérêts au brasseur qui l’a « aidé » à acheter l’affaire. Alors, des professionnels de la profession, salariés du brasseur, « rachèteront » le fond de commerce. Ils prendront un gérant en lui disant que « c’est d’la balle » et financeront quelques travaux. Au bout d’un an, ils vireront le gérant pour en épuiser un autre. Le suivant s’en sortira un peu mieux, parce qu’il le faut bien et aura renoncé à s’octroyer deux soirées par semaine.
Et le professionnel de la profession continuera à toucher son loyer. Mais il parle dans le journal. Dénoncer le loyer pour les murs, pas celui pour les fonds...
Les bistros crèveront de l’évolution de la société, de la concentration du capital, du manque de revenu des mecs qui y bossent, des législations et réglementations favorisant les grandes affaires.
Comme nous, quoi…
Mais 80% des patrons de bistro continuent à voter à droite. Au moins, ça me fait rigoler. Mais bientôt, je n’aurais plus que le blog chez Google pour le faire. Mon comptoir aura disparu. Remplacé par un Pizza’s Burger avec des salariés à mi temps payés au SMIC le midi et au pourcentage le soir…
Qui n’iront plus au bistro, faute de bistros et de moyens.
Qui voteront à droite parce qu’on leur aura dit « travailler plus pour gagner plus ».
Joli billet.
RépondreSupprimerAmusant, j'allais commencer la lecture d'Aujourd'hui En France, et la Une m'a fait penser à toi...
Le plus juste serait que chacun se débrouille pour gérer son bistrot, que chacun puisse servir ce qu'il veut, à l'heure qu'il veut, au prix qu'il veut, à qui il veut...s'il a des clients tant mieux, s'il n'en a pas, tant pis.
RépondreSupprimerFalconHill,
RépondreSupprimerQuoi ? Tu associes mon nom aux bistro ? De quoi ça vient ?
Tzatza,
Je dois avoir un fond libéral... Je suis d'accord avec toi...
Beau billet !
RépondreSupprimerL'approche des journalistes est encore à côté de la plaque. C'est un peu comme Aubenas qui vit la vie d'une femme de ménage, ça parait extraordinaire alors que c'est le boulot de journaliste d'aller sur le terrain. Ici, visiblement, le gars a bossé un dossier. Tristes journaux…
A mon avis, pour les bistrots, il y a essentiellement la baisse du pouvoir d'achat qui est en cause !
:-))
Poireau,
RépondreSupprimerMerci !
Il y a un tas de raisons. La baisse du pouvoir d'achat en est une, mais c'est aussi une conséquence des autres : l'évolution de la société...
Nicolas : je ne connais pas les stats ici mais visiblement les bistrots ça reste dans la culture belge. Ils y a souvent du monde et c'est familial !
RépondreSupprimer:-)))
[Cela dit, ils n'appliquent toujours pas les lois européennes anti fumeurs et c'est tant mieux ! :-)) ].
Poireau,
RépondreSupprimerY compris à la campagne ?
Parce qu'en Belgique il y a une proportion de belles villes impressionnantes !
Nicolas : je ne sais pas, je ne suis pas encore beaucoup sorti de Bruxelles ! :-))
RépondreSupprimerCe qui marche bien ce sont les bars confortables avec effectivement des trucs à grignoter, style bistros ou style salons. Dans le Marais le dimanche il est même difficile d'y trouver de la place tellement ils sont pleins.Voir aussi le succès des Starbucks auprès des jeunes.
RépondreSupprimerLes gens ont donc bien envie de se retrouver dans les bistros mais c'est le style du bistro qui compte. Et pour couper du saucisson ou servir des olives et des chips c'est pas la peine de recruter un cuisinier.
Polluxe,
RépondreSupprimerOui, mais comme je dis dans mon billet, il n'y a pas la place pour 35000 bars à tapas (ou à autre chose) en France.
Par ailleurs, il faut bien quelqu'un pour préparer "les planches".
Dans mon billet, je parle de Pizza's Burger, j'aurais pu parler de Starbucks.
Et le Marais n'est pas Bicêtre...
Excellent cher Nicolas, voilà un billet qui me fait chaud au coeur (et froid dans le dos de par cette dure réalité) !
RépondreSupprimerPluton,
RépondreSupprimerMerci ! (si j'arrive à convaincre tous les lecteurs de Didier Goux...).
(ah oui, c'est normal, j'y déplore l'évolution de la société).
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe travaille juste à côté de votre chère Comète et j'y déjeune de temps à autre, comme à l'Amandine d'ailleurs ; pour l'Aéro, je crois que je n'ai pas le profil. bref, il y a deux ans, on pouvait encore l'avoir son déjeuner à 10 € à la Comète ; maintenant ce n'est plus possible et je ne suis pas sûre que ce soit la faute de la droite ou de la gauche d'ailleurs. et pas sûre non plus qu'il y ait du monde au KB pour un bar à tapas. et comment les bistros du KB vont-ils résister au centre commercial ?
Bel article… Au village, nous avons de la chance, il nous reste deux bistro… Enfin, un sur les deux est un cercle associatif, mais bon…
RépondreSupprimerJe suis patron de bar... en province dans une ville touristique certes mais endormie comme toutes les bonnes préfectures de notre nation...
RépondreSupprimerJe ne suis pas du tout d'accord avec le texte finalement très "parisien" de notre hôte.
On peut bien tout politiser mais pourtant l'histoire est là pour dire que les périodes de crises ont justement favorisé les débits de boisson. "Boire pour oublier" reste encore un palliatif à la misère ou à l'insécurité sociale.
En revanche ce qui tue nos bistrots , c'est simplement la modification profonde de notre société : la télévision et son corolaire internet, le "confort" des appartements, des habitudes de consommation d'alcool à domicile et la concurrence tarifaire au moins des grandes surfaces.
Lors de l'écriture de la fameuse loi sur l'alcoolisme, après guerre, les bistrots et cafés représentaient plus de 90% de la consommation d'alcool de notre pays. Aujourd'hui nous en sommes péniblement à 15%... Le reste c'est Leclerc, Auchan ou Carrefour qui le vendent !
Je crois encore en l'avenir du bistrot de quartier, mais plus confortable, plus cosy, servant des produits que l'on a pas l'habitude de boire chez soi. Des bières rares, des alcools originaux, des cocktails... Sans pour cela augmenter les prix car contrairement à ce que l'on croit, ces produits ne sont pas plus chers que d'autres. mais cela nécessite de vraies formations, un investissement personnel que peu sont prêts à fournir.
Comme pour les dinosaures, ils nous faudra évoluer ou mourir... Crise ou pas crise, politique ou pas, il ne reste plus de chauffeur à la SNCF...
Jean-François,
RépondreSupprimerCe texte n'a rien de Parisien et votre commentaire a un fond grotesque puisque vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec moi mais qu'en suite vous dites comme moi : c'est de la faute à la transformation de la société.
Un bistro de quartier ne gagnera pas d'argent en faisant ce que vous préconisez, ou, plus exactement, les 35000 bistros appliquant cette recette ne gagneront pas d'argent.
Le Coucou,
Oui, les cercles associatifs ont du bon. Les municipalités ou des associations peuvent prendre en compte "les murs et le fond", charge à un gérant de s'occuper du reste... Et on en revient toujours au même : le coût élevé des fonds et murs, difficilement amortissable.
Athéna,
Faut passer me voir !
Les bistros résisteront bien au centre commercial, a priori. Par contre, l'ancienne Comète, à 10 euros, n'aurait pas résisté. Elle avait perdu 30% de sa clientèle en trois ans.
Pourquoi ne gagneraient ils pas d'argent ? J'arrive à en gagner avec cette méthode mais c'est vrai que c'est pour mon équipe et pour moi un investissement de tous les instants.
RépondreSupprimerComme dans tous les commerces, il faut maintenant aller chercher le client et ne pas attendre qu'il entre "comme avant" puisque nous sommes sur le registre larmoyant et nostalgique.
Quant au qualificatif de "grotesque", étant du Périgord, il me convient même s'il démontre une certaine agressivité dans le propos...
JF,
RépondreSupprimerIl n'y a pas plus d'agressivité dans mes propos que dans votre précédent commentaire.
Vous êtes dans une ville touristique, vous arrivez à gagner de l'argent : très bien.
Le registre larmoyant et nostalgique ? Peut-être. Si vous préférez aller bouffer dans un Buffalo Grill dans une zone commerciale plutôt que dans un bistro franchouillard en centre ville, c'est votre problème.
Ce n'est pas le fait d'être touristique qui remplit mon établissement en février ou en mars or je suis ouvert 365j/an et 18 heures par jour...
RépondreSupprimerEt il faudrait aussi se poser la question de savoir pourquoi le fameux bistrot franchouillard fait d'aussi mauvais sandwiches et accueille aussi mal sa clientèle dans des conditions d'hygiène parfois très limite... ? C'est aussi ça qui fait le succès par défaut d'autres établissements...
JF,
RépondreSupprimerOn risque de tourner en rond longtemps ! Dans mon blog, j'ai raconté comment trois des quatre bistros que je fréquente près de chez moi (en Centre Bretagne ou en banlieue parisienne) ont modifié leur façon de travailler ou investi pour développer leur activité.
Il n'empêche que le nombre de bistros a été divisé par 6 en 50 ans. Et encore, je suppose qu'une partie s'est transformée pour favoriser la vente à emporter de cuisine chinoise, en pizzéria ou autre...
Et je suppose aussi les mutations de la société vont se poursuivre... Si on ne fait rien pour favoriser les créations, les reprises de commerces, ...
le prix du café (chez moi il est à 1€) .. 90% des couts du proprio sont en loyer, électricité, taxes prof et salaires et charges si il y a du personnel.
RépondreSupprimeridem pour le sandwich.. seuls les grands établissements qui font du volume vont survivre.
La baisse de la TVA, va permettreà quelques milliers d'établissements de survivre. C'est 10 000 ou 12 000 personnes (employés et petit patrons),qui ne passent pas dans la catégorie "sans emploi".
Bien sûr les gros ne jouent pas le jeu et ils se gavent.
La question est la suivante, est ce que maintenir 3000 ou 4000 établissements au dessus du seuil de rentabilité en vaut la peine?
C'est une décision stratégique qui tient la route.. même si l'Etat ne peut pas vraiment se permettre trop de cadeaux fiscaux
LG,
RépondreSupprimerOui, il y a une telle démesure dans les "charges fixes" qu'il faut maintenant, pour un bistro, faire beaucoup de chiffre. Ce qui nécessite d'élargir les horaires d'ouverture et d'embaucher du personnel. Une éternelle fuite en avant puisque ça donne plus de valeurs au fond de commerce et donc aux murs...
Dans certains cas, oui, c'est nécessaire de maintenir des petits établissements, notamment dans les campagnes.
Ce sera aussi très dommage pour le touriste, qui aura quand même l'impression diffuse que "la bonne bouffe en France, ce n'est quand même plus comme avant"... Et effectivement: il existe certes de bonnes chaînes de restauration, qui assurent une qualité régulière et dont on peut même aimer les établissements, mais ce n'est pas la même chose...
RépondreSupprimerDF,
RépondreSupprimerOui, quelqu'un, plus haut, constatait ma nostalgie. Elle est réelle...