Moi, vous me connaissez ! Il y a une boisson, légèrement mousseuse, parfois, que je bois depuis plus de 44 ans tous les matins, avec la régularité d’une vache au pis, aller : le lait. Une goutte tous les matins dans mon café. En outre, nul n’ignore que je suis natif de Loudéac, dans le Centre Bretagne, là où se concentre l’essentiel de la production de lait.
J’ai donc toutes les qualités requises pour parler de lait. Les gens ne connaissent pas le lait. Ils s’imaginent avoir des vagues connaissances parce qu’ils ont des mômes : au mieux, ils ont compris qu’il valait mieux le commander avec Télémarket plutôt que de l’acheter au supermarché du coin.
Quand ils ont les cousins à manger à la maison, le samedi soir, ils achètent un brie plus cher que d’habitude au supermarché en question pour montrer qu’ils sont des gens raffinés. Ils ont oublié qu’ils avaient fait une raclette juste avant, la raclette étant parfaite pour la convivialité mais nulle à chier pour la gastronomie.
D’ailleurs, ils ne savent pas ce que c’est. Ils achètent, sous vide, des lames de fromage qu’ils font fondre dans un machin reçu en cadeau mariage en le déposant dans des espèces de coupelles. Pas un seul ne s’imagine que « raclette » vient du verbe « racler ». On dépose la demi-meule sous un machin qui chauffe (illustration en haut à droite) et quand le fromage fond, que la croute devient croustillante, la raclette légèrement dorée, on racle pour faire tomber cette espèce de crème mi liquide, mi croustillante dans son assiette, à un point que l’accompagnement, les patates et la charcuterie, devient annexe.
Décidément, je vire réactionnaire, moi.
Figurez-vous qu’il y a encore quelques années (maintenant, je ne sais pas), 20% de la raclette française était produite à Loudéac ! Incroyable, non ? Un pur fromage de Savoie. Les gens sont persuadés que le fromage est produit là où il y a des appellations contrôlées. Pas du tout. Il est produit là où il y a du lait. Et le lait vient généralement du pis des vaches. Le fromage vient donc des régions françaises où est produit le lait, ce qui se limite, en France, à peu près à la Bretagne et la Normandie. Et à la Hollande. Je ne connais pas les chiffres mais je suis à peu près sur qu’on produit plus de tomme de Savoie en Hollande que dans les Alpes.
Je suis donc un spécialiste du lait. D’ailleurs j’ai déjà vu une vache, une fois, ce qui n’est pas nécessairement le cas de la ménagère de moins de 50 ans qui déambule dans les allées de Leclerc pour trouver le meilleur yaourt avec un emballage vert pour montrer qu’il a un fond biologique et est bon pour la santé.
Vraiment réactionnaire…
Ainsi, il y avait une crise du lait, en France. J’ai écouté la radio en diagonale, ce matin, mais j’ai cru comprendre que les négociations avaient abouti. Elmone avait fait un billet à propos de cette crise du lait, récemment, mais je l’ai connu plus bavard et pédagogique. Lisez néanmoins, ça m’évitera d’en parler. En fait, je crois que je n’aime pas le lait. J’en mets une goutte dans mon café pour le refroidir, ça permet de le finir plus vite et de passer directement à l’apéro.
Quand il y a une crise du lait, l’électeur se dit « Ah le pauvre paysan, il ne gagne pas beaucoup d’argent, ce n’est pas de chance, c’est de la faute aux banques et à l’Europe » et il continue à errer dans les allées de Carrefour pour trouver le beurre sans matière grasse le moins cher parce que la commission Européenne a décidé de communiquer sur le fait que c’était meilleur pour la pensée. Au fait ! Je rappelle à mes aimables lecteurs que le lait est l’ingrédient principal rentrant dans la composition du beurre et non pas l’huile d’olive même si cette dernière est devenue à la mode, notamment dans ces périodes de ramadan.
Affreusement réactionnaire.
Non ! Que faut-il faire quand il y a une crise du lait qui ruine les paysans qui gueulent contre l’Europe alors qu’ils vivent de la PAC ? La seule réaction saine du consommateur trainant dans la crèmerie de chez Auchan est de laisser tomber le fromage et de passer directement au dessert, surtout des fruits produits méticuleusement par des paysans espagnols exploitant des journaliers portugais.
L’autre réaction sympathique sera de se foutre de la gueule des paysans, au prétexte, notamment, qu’ils votent à droite au point de fonder l’électorat de base de Jacques Chirac, même que si les socialos communiquaient vers eux, Nicolas Sarkozy aurait du mouron à se faire. Il faut dire qu’on l’imagine assez mal au salon de l’agriculture avec des bottes à tâter le cul des vaches. Alors que Martine Aubry… Allez savoir pourquoi…
Toujours est-il qu’il est d’usage de se moquer des paysans. Notamment quand je suis à Paris parce que quand je suis à Loudéac, je préfère parfois fermer ma gueule pour éviter de me la faire casser.
Les parents et grands-parents des paysans avaient créé des machins de gauchistes : des coopératives, ce qui leur permettait de mutualiser les moyens de ramassage et de transformation du lait. C’était une très bonne idée et c’était le bon temps.
Toujours réactionnaire…
Les paysans d’aujourd’hui ont vendu leurs coopératives à des groupes industriels qui ont accentué leur concentration au point qu’il n’en reste plus que deux ou trois en Europe (Lactalis, Nestlé, …).
Ils se sont fait baiser en croyant faire une bonne opération financière. Se foutre de leur gueule n’est que justice.
Ils se rassureront en se disant que leurs enfants feront pires. Les groupes industriels leur revendront leurs « coopératives » parce que gérer la circulation des camions de lait en Centre Bretagne depuis la City ou Amsterdam est vraiment trop chiant. En effet, n’oublions pas que les vaches n’arrêtent pas de produire si un camion tombe en panne.
Les fils de paysans seront alors fiers de se décréter « industriels » mais auront oublié que les seuls acheteurs possibles pour leur production sera la multinationale qui aura gagné le monopole de l’achat dans le secteur parce que c’est vraiment trop con de se partager un secteur géographique à plusieurs pour la production, seule la distribution permettant de gagner de l’oseille.
Les fils de paysans auront agi mais ne contrôleront en rien les prix. S’ils sont trop chers, les multinationales achèteront dans le secteur géographique d’à côté. Et les paysans devront parlementer longtemps avec leurs vaches pour qu’elles arrêtent de produire.
Moi, je fais fondre le fromage dans une poêle.
RépondreSupprimerLogique !
;^)
...Bô Pillet !
Gildan,
RépondreSupprimerMerci !
Mais dans la raclette, ce qui compte c'est la cuisson en profondeur du fromage et de la croute, pas un vulgaire machin fondu.
Cher Nicolas, vos jeux de mots à la con pour une fois rendent le lait tout à fait léger dans mon gosier dans le reste. Mais bon, ça fait quand même mal au ventre tout ça.
RépondreSupprimerCe qu'il faudrait faire, déjà, c'est boire plus de lait, mais hélas ! on ne peut pas décréter un truc pareil, d'autant que, par-dessus le marché, Pierre Mendès France est mort depuis longtemps.
dans mon gosier ET dans le reste
RépondreSupprimer(Pardon.)
Christophe,
RépondreSupprimerQuand le lait fermenté sera buvable, je ferai un effort.
Ce n'est pas que dans le lait, malheureusement. Idem pour le raisin. CObien d'agriculteurs ai-je croisé qui me disanent "je fais tout pour que mon gamin ne reprenne pas l'exploitation" ?
RépondreSupprimerLe dernier en date, le derneir viticulteur de la ville de Balaruc. en plus d'une activité, c'est un petit bout de patrimoine qui disparaitra.
Ju,
RépondreSupprimerEffectivement, ce n'est pas que le lait, mais le lait est "exemplaire", d'une part par les produits qu'il génère et d'autre part par la complexité des circuits de ramassage quotidien.
Cela dit, il y a énormément de vaches en Savoie et la plupart des fromages de ces contrées DOIVENT être fabriqués à partir de lait d'alpages.
RépondreSupprimerDidier,
RépondreSupprimerLa plupart des fromages n'ont qu'une AOC de pacotille et les fromages de ces contrées, en fait, doivent vieillir dans les caves là-bas, au moins une semaine...
Cela dit, effectivement, les "labels" se développent.
Il n'empêche que si vous achetez du Beaufort en Maurienne dans une petite boutique vous avez intérêt à bien l'étiquette pour être sûr qu'il n'a pas été fait à Loudéac...
L'AOC date de plus de 40 ans, il n'empêche que je ne prends pas cet exemple au hasard : quand j'avais une douzaine d'année (donc vers 1980), les parents avaient acheté du Beaufort en rentrant du ski, chez un petit "producteur". C'est en lisant l'étiquette, arrivés à la maison, qu'on avait vu qu'on ne faisait que ramener le frometon dans sa région de production : les usines agroalimentaires de Loudéac...
Bon bah, à part dire que j'adore les fromages de toutes sortes, et un bon beurre salé sur du pain maison, je n'ai pas d'avis sur la question...
RépondreSupprimerJ'ai pas trouvé l'intrus dans les illustrations ;(
RépondreSupprimerOcéane,
RépondreSupprimerDu pain maison ? Ca ne fait pas un peu bobo ça ? N'oublie pas que j'ai fait un billet réactionnaire.
Captain,
Y'en a pas...
Le Suisse la ramène...
RépondreSupprimer... pour signaler quand même que la raclette est une spécialité valaisanne, donc bien helvétique et certifiée AOC.
Pour en savoir plus:
http://www.valais-terroir.ch/fr/produits/raclette-du-valais-aoc-685-8948
La photo qui illustre le billet vaut le coup d'oeil...
Il y en a aussi ici:
www.raclette-du-valais.ch
DF,
RépondreSupprimerOui, tiens ! J'ai dit une connerie dans le billet mais Wikipedia dit bien que la raclette est de partout... y compris de Bretagne.
La photo est magnifique et c'est ainsi qu'on faisait les premières raclettes, à la maison, quand j'étais tout petit.
rectaficatif : 80% des vaches en France sont des (prims) holsteins qui produisent 3 fois plus de lait que les normandes et ce lait est 50% moins bon pour la santé!!
RépondreSupprimervachement breizh
http://www.primholstein.com/primolstein_fr/vie-des-syndicats/finistere-vachement-breizh-chez-glon-sanders.html
@unouveaucompte
Dire qu'il faut que les agriculteurs se réapproprient leurs outils de productions et de distribution, c'est réac ? C'est communiste, plutôt, non ?
RépondreSupprimerMais je suis d'accord sur tout, bien sûr...
Pour le Beaufort, il faut aussi faire attention à ce qu'il soit d'été et d'alpage et pour le reblochon, préférez le fermier...
Tout est dans les deux premières lettres de "réapproprient" pour distinguer les réacs des cocos...
RépondreSupprimerL'aoc français relativement fantaisiste va être remplacé par un label européen (dont le nom m'échappe à l'instant !) qui est beaucoup plus sévère dans ses appellations. Ainsi un jambon basque proviendra forcément d'un porc élevé et nourri au pays. Il était temps et l'Europe, pour une fois…
RépondreSupprimer:-))
[de bien belles mamelles sinon ! :-)) ].
Unnouveaucompte,
RépondreSupprimerVive nos vaches !
Poireau,
De toute manière, tout est dans l'emballage ! "Véritable jambon façon BASQUE". Et hop !
Nicolas : je crois que c'est Babybel qui fait une version "goût fromage de chèvre" !
RépondreSupprimerVive le lait crû !
:-)
le lait, le fromage, je connais un peu !... tu sais qu'il y a une autre appellation maintenant. Je crois que c'est AOP. elle est sensée certifier que le fromage est fait avec du lait provenant des alpages qui sont dans un territoire bien déterminé. Que quelqu'un me le dise si je me trompe !
RépondreSupprimerle cantal salers n'est fait qu'avec le lait des vaches qui ont mangé l'herbe des hauts pâturages à côté de salers par exemple ...
Scourti : ah oui, ça s'appele AOP : http://fr.wikipedia.org/wiki/Appellation_d%27origine_prot%C3%A9g%C3%A9e
RépondreSupprimer[Hop dans les spam pour cause de lien ! :-)) ].
Pour le Salers, il est fait avec le lait des vaches salers, l'espèce de bovin du coin ! :-))
j'ajoute que le cantal "salers" n'est fait qu'avec le lait des vaches "salers" bien sur ! il y a très peu de primholstein dans la région de salers et c'est bien ... ells sont beaucoup moins belles...
RépondreSupprimerl'espèce de bovin du coin a de très belles et grande cornes Monsieur Poireau prenez garde à vous si vous venez dans le coin ! je vais leur passer le message !
RépondreSupprimerScourti : je conais très bien, faut pas croire. Si tu m'agresses, je sors mon laguiole d'Espalion, ça te calmera ! :-)
RépondreSupprimerPoireau,
RépondreSupprimerTon lien n'est pas clicable... Il n'est donc pas en spam.
Scourti,
Oui, mais comme je disais à Poireau tout est dans l'étiquette et la manière de présenter le produit aux acheteurs.
ah oui d'accord ! tu t'abrites avec un parapluie d'aurillac ? non tu serais peut-être un amoureux fou des yeux magnifiques des vaches aubrac non ?
RépondreSupprimerexcuse nicolas, je parlais avec Monsieur Poireau.
RépondreSupprimerBen oui, c'est pour ça que j'ai mis quelques fois des trais de suspension ...
pas assez peut-être ?
Je suis savoyard (enfin presque), je sais ce qu'est la vraie raclette, la fondue savoyarde (pas la même que la suisse) et ce qu'est le bon fromage, qui sort des fruitières.
RépondreSupprimerBon sinon, vis à vis de l'article je ne sais que dire. C'est sans doute vrai, les agriculteurs se sont souvent fait baisé, aujourd'hui, les initiatives comme les distributeurs automatique de lait me paraissent sympas, mais si ça ne change pas beaucoup le prix (voire il augmente, alors qu'il y a moins d'intermédiaires)
Oui, peu importe l'AOC, l'AOP ou le VDQS, pour les gogos parigots, s'il y a un beau dessin de vache et de montagne sur l'étiquette, ça marche ! :)
RépondreSupprimerPour le VDQS, je crois que ça n'existe plus, mais un vague dessin de château entouré de vignes, ça fait l'affaire !
Nicolas,
RépondreSupprimerCoopérative, ça commence comme communiste et comme kolkhoz !
CC,
RépondreSupprimerOui, mais les communistes ont plus tendance à nationaliser qu'à mettre en commun (en théorie, seulement, ça revient au même).
Les gogos parisiens sont comme les gogos de la Bresse : ils n'ont pas les moyens de faire autre chose que d'acheter le fromage le moins cher.
Val,
Les agriculteurs se baisent eux-mêmes... Ils sont comme les taxis dont je causais hier : tous à droite mais dépendant de la réglementation et du pognon national (ou Européen, en l'occurrence). Ils ont vendu leur coopérative à des multinationales (qui leur ont mis la pression, c'est vrai, en achetant à l'étranger).
Partant de là, il faut rendre "hors de prix" les importations (et paf, la taxe carbone prend du sens), y compris celle à partir des DOM... en Europe.
Quand les prix de l'étranger auront bien monté, les paysans Européens pourront peut-être mettre un peu de pression sur les multinationales... et se réarranger pour fournir eux-mêmes aux supermarchés leur production (et transformation).
Ce n'est pas demain la veille...
Qu'ils se débrouillent...
Arf...J'ai un père et un frère agriculteurs coopérateur de gauche. Et ça marche bien ! (en Savoie, avec des vrais fromages à la clé...)
RépondreSupprimerPour ce qui est des consommateurs, ils font le choix de ne pas avoir le choix d'acheter moins cher : dans les années soixante, le budget des foyers alloué à la nourriture était bien plus grand qu'aujourd'hui. Maintenant, on privilégie les trois télés, la wii, la nouvelle voiture et on fait des économies sur la bouffe...
Réactionnaire, moi ? ^_^
Le choix ? Bof... On va dire que c'est de la faute à chacun ! Réactionnaire, va...
RépondreSupprimer@Vallenain: vous nous faites un papier sur la fondue au fromage? ;-)
RépondreSupprimerje t'avoue que je n'ai rien eu envie de lire à cause des photos... : grève de la lecture de blog ! grève protestataire ! ça suffit de nous exploiter, nous les femmes, ça suffit de nous prendre pour des vaches à lait de tous vos sujets !!!
RépondreSupprimerNon. Ca ne suffit pas.
RépondreSupprimerIntéressant comme article. Les paysans se sont fait baiser et ils le paient aujourd'hui.
RépondreSupprimerJe rajouterai aussi que tant qu'il y aura la grande distribution, il y aura des problèmes. C'est un véritable fléau autant pour le consommateur que pour le producteur..
"tant qu'il y aura la grande distribution" Ah ! Tu crois qu'elle va disparaitre un jour ?
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