Ramadan du fond qui baigne

C’est amusant. Les années précédentes, je considérais le Ramadan comme la fête de mes copains musulmans, avec presque l’envie d’y participer, comme toute fête ! Je regardais aussi mes collègues de travail musulmans… et la gaffe habituelle : « bon, on va à la cantine, tu viens avec nous ? »

Cette année, avec le climat qu’on nous impose, le débat sur l’identité nationale et toussa, la burqa, les pendaisons d’homosexuels, les lapidations, je le regarde différemment, l’œil très critique, d’ailleurs, notamment avant-hier… J’étais rentré un peu plus tard que d’habitude du boulot, la nationale 7 était bouchée à cause d’individus garés en double file pour pouvoir aller acheter de la viande hallal (j’adore) et des pâtisseries orientales (j’ai horreur). Même les trottoirs étaient bouchés, les gens faisaient la queue dehors. Du coup, je suis arrivé en retard au bistro et j’ai loupé des tournées. Place de la Comète, il y avait des voitures garées partout, y compris sur le trottoir permettant aux braves gens de se rendre du métro au Leclerc. Hier soir, cette place était vraiment un foutoir à cause des voitures (bizarrement, il y avait moins de bordel sur la Nationale 7 que la veille).

J’étais irrité. J’imagine que nombre de citoyens le sont aussi et que le Ramadan n’aide pas au climat ambiant. Ca m’effraie d’autant plus que j’ai plus de recul que la plupart des gens. Je ne dis pas ça pour me vanter, je n’avais pas ce recul il y a quelques années. Imaginez donc qu’écrire des conneries dans un blog gauchiste en vue nécessite de retourner sept fois ses arguments sur le clavier avant de les dégoiser devant tout le monde. C’est plus facile de se laisser aller au comptoir…

Jeudi soir, j’ai donc débarqué à la Comète en retard : parti trop tard du boulot, incident dans le métro et impossibilité de traverser la Nationale à cause des Musulmans qui faisaient leurs emplettes pour ripailler joyeusement. J’avais soif et ça m’énervait.

Djibril était là. J’ai dit « Patron salut un demi vite s’il te plait ah salut Djibril ça va ils font chier tes collègues musulmans c’est un bordel pour passer du métro au comptoir ». Djibril est Musulman. A peu près aussi pratiquant que moi. Mais comme son môme est en âge de s’intéresser à ces machins religieux, il fait semblant. A l’heure de la prière, il s’arrange pour être au bistro plutôt qu’en famille. Pas au bar Mitza, non plus, hein !

Du coup, Djibril m’a engueulé : « hé putain laisse les vivre leur vie en quoi ils te dérangent tu as perdu 30 secondes pour boire un coup c’est tout ». Ce en quoi il a parfaitement raison : je n’en ai rien à cirer et ils font ce qu’ils veulent. Je lui ai quand même répondu « hé ho ils font chier imagine donc l’image de l’immigration pour les gens qui passent par là avec toutes les conneries qu’on voit dans la presse et les communiqués du gouvernement mais c’est vrai je n’en ai rien à cirer ». Nous étions fâchés à vie mais ça ne dure qu’un temps. Une bière par là dessus et c’était oublié. J’ai convenu qu’il avait raison et il a convenu que j’avais raison. Il n’y a que les imbéciles qui ont des positions tranchées. « Patron, remets nous une tournée ».

La conversation étant lancée sur les musulmaneries diverses, nous en sommes arrivés à la question qui fâche… Et toi, Djibril, que tu picoles des bières avec les copains tous les jours, je comprends, je ne vais pas te jeter la bière mais pourquoi tu ne fais pas le ramadan ?

Mais je le fais ! Plus qu’eux ! Me dit-il. Le ramadan, c’est le jeûne, pendant un mois, les plus aisés vivent comme les plus démunis, pour savoir ce que c’est, pour apprendre l’humilité, la pauvreté, pour comprendre la vie. Il faudrait juste manger un sandwich au rosbif sans mayonnaise le soir pour ne pas crever pendant cette période et toutes ses andouilles passent leurs soirées à ripailler et se lèvent à cinq heures du matin pour se taper un bœuf bourguignon traditionnel avant que le soleil se lève, puis ils se recouchent ! Tu parles d’une pénitence ! Ils renient presque les paroles du Coran, un des cinq piliers de l’Islam. Sans compter que le pèlerinage, les prières et l’aumône, ils ne sont pas très persévérant non plus.

J’ai résumé ses propos en un paragraphe. Et j’ai consulté Wikipédia qui est à la culture ce que la Buckler est à la bière mais qui tient dans la poche et surtout dans l’iPhone. Ouvrez les guillemets : « Le jeûne a pour but d'enseigner aux musulmans la patience, la modestie et la spiritualité. »

Je vais résumer pour les catholiques qui nous suivent : « il n’est pas inscrit dans la bible qu’il fallait manger une tonne de dinde à Noël et aller bouffer chez la belle-mère à la Pentecôte ». Presque le contraire…

Du coup, hier soir, j’ai fait le tour des bistros pour interroger d’autres copains musulmans qui ne font pas le Ramadan tel qu’on le connaît. Ils avaient tous les mêmes propos. Et je les crois volontiers mais avec le recul nécessaire (un pochetron aime bien trouver des prétextes pour aller au bistro : je suppose qu’un musulman ivrogne pourra s’appuyer sur les textes pour aller vider quelques fûts de bière).

Je vous laisse. J’ai rendez-vous avec Djibril pour l’apéro. Le temps de trouver un titre crétin pour ce billet.

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