Les flashs d’information, à la radio, ce matin, m’ont énervé. Les journalistes évoquaient le rapport Attali dont un volet vient d’être « remis » avec un tas d’éléments qui donnent envie d’égorger Jacques Attali.
Alors vous savez ce que j’ai fait de mon insomnie matinale ? J’ai lu le rapport (pdf). Pour vous. Pour toi. Tu devrais être ému.
Le contenu du rapport est bien différent de ce qu’on peut lire dans la presse. Prenons un article au hasard.
« Dans un communiqué, Nicolas Sarkozy s'est réjoui de la "convergence" de ces remèdes avec la politique suivie par son gouvernement. »
Je suppose que personne, à l’Elysée, n’a lu le rapport. C’est un désaveu cinglant de la politique fiscale menée par la droite depuis 2002 et surtout depuis 2007. Tiens ! Un extrait : « Par ailleurs, un élargissement de l’assiette de la fiscalité sur les successions permettra d’améliorer la justice sociale et la mobilité du capital, sans coût économique si l’on prend soin de ne pas pénaliser les transmissions d’entreprises. Un retour à la fiscalité sur les successions antérieure à 2007 rapporterait 1,5 milliard d’euros. »
Il faut dire que le rapport commence bien mal. L’introduction est trop longue et pleine de généralités qui pourraient être résumées en une phrase : « Ca commence par des généralités : tout va très mal mais nous avons des atouts, nous, la France, mais il y a cette putain de dette qui nous casse les bonbons et empêche tout. »
Elle se poursuit par les inepties habituelles de ce type de machin libéral : « En effet, nous ne voulons pas transmettre aux générations suivantes une France croulant sous une montagne de dettes et de retraites non financées. » On pourrait répondre sur les deux points :
- la dette nette (ben oui, l’état a des dettes ET du patrimoine) est à peu près au niveau du dixième du patrimoine privé des Français. On va laisser aux générations suivantes de la dette ET du patrimoine privé à un niveau tel, de patrimoine, que j’aimerais bien être une génération future. Il faudrait juste que le patrimoine privé soit mieux réparti. La dette l’est : elle est divisée entre 60 millions de clampins qui payent des impôts et consomment, travaillent, … pour payer le patrimoine privé de certains.
- Les retraites par répartition sont par natures financées : ceux qui travaillent ce mois-ci payent pour ceux qui sont à la retraite aujourd’hui. Le système est dénaturé volontairement au profit d’institutions privées alors qu’il conviendrait de réaffirmer les principes qui ont fait qu’il fut mis en place.
A la fin de l’introduction on a compris qu’il y avait deux urgences, la première étant de réduire la dette. « Seconde urgence : créer des emplois et redonner un avenir aux jeunes ». On est bien avancés !
177 pages. Les gugusses qui pondent ce genre de trucs devraient ouvrir un blog et se poser la question que se posent souvent les blogueurs : « Est-ce que je vais être lu ? ».
Je ne vais pas vous détailler ce rapport. Vous n’avez qu’à le lire.
Comme je le disais en introduction, le rapport est loin de contenir que des inepties. Le premier tiers est chiant à mourir, mais par la suite, on trouve des trucs très bien (et d’autres très mauvais, hein !). S’il était écrit dans un autre style, le rapport pourrait même nous déclencher quelques sourires. Tiens ! A propos de la politique du logement, le rapport indique que les 36 milliards dépensés en aides publiques participent plus à l’augmentation des prix qu’à l’augmentation de l’offre de logements. A la frontière du gauchisme et du libéralisme…
Le rapport propose des mesures très fortes pour la sécu, comme :
- la fusion entre le budget de l’Etat et de la Sécurité sociale,
- le basculement du financement de la protection sociale vers l’impôt,
- la mise sous conditions de ressources de certaines prestations (« des allocations familiales […] qui, combinées à l’effet du quotient familial, bénéficient davantage aux ménages à revenus élevés qu’à ceux percevant des revenus proches du revenu moyen"),
- la fin progressive du numerus clausus pour les médecins et pharmaciens,
- un bouclier sanitaire pour financer plus équitablement les dépenses de santé (la charge supportée par le patient deviendrait proportionnelle à ses ressources.
Elles méritent d’être étudiées.
A propos de la retraite, la presse indique que le document préconise un recul de l’âge de départ ou l’augmentation de la durée de cotisation. Ce n’est pas du tout ce qui est décrit dans le document qui, à ce sujet précis, ne fait que rappeler une évidence : plus longtemps on cotise, plus on a de chance de toucher une pension correcte. Le document fait des propositions intéressantes ; allez le lire, ça se passe page 57 (à ce rythme, avec 177 pages, je vais être en retard à l’apéro, moi).
A propos du logement (dont j’ai déjà parlé), tout ne va pas plaire aux libéraux… « une taxe annuelle sur les terrains constructibles non exploités en zones tendues pour rendre particulièrement dissuasive la rétention foncière, en particulier à visée spéculative. » « La suppression de l’abattement progressif sur les plus-values foncières. »
A propos de la fiscalité, une partie me plait bien : « rendre la fiscalité simple et lisible. C’est la condition d’un système de prélèvement démocratique, transparent, intelligible, moins propice à la fraude et à la défiance. » J’en parlais justement dans un récent billet : c’est totalement opposé à la volonté du gouvernement qui veut qu’on se rapproche de la fiscalité allemande.
« Taxer les rentes injustifiées, telles celles dont bénéficient les propriétaires fonciers en phase de hausse des prix des terrains et de l’immobilier. » Hé hé !
A propos de l’Europe, l’évidence est rappelée : « l’Europe constitue le bon niveau politique pour peser dans les négociations internationales, en matière de régulation financière et de normes prudentielles et comptables. » Encore faudrait-il que l’Europe aille dans ce sens là et pas dans celui qui vise à nous empêcher de bouffer du Nutella.
La partie suivante du document est consacrée à l’emploi. Je ne fais que la survoler (depuis une trentaine d’années, on a vu tellement de politiques différentes…) mais certaines propositions sont à étudier, comme le contrat de travail à droits progressifs.
La conclusion me plait bien : « Ces objectifs ne seront atteints que si cette réforme ne se traduit pas par une réduction des opportunités d’embauche, et n’est pas « contournée », par le recours à des relations commerciales de prestations de services en substitution au contrat de travail. » Je vais la traduire : « on ne réduira pas le chômage si les entreprises n’embauchent pas (il faut donc qu’elles aient les conditions pour le faire) et il faut foutre en l’air tous les machins de travail précaire, comme la sous-traitance louche… et le statut d’autoentrepreneur créé par le gouvernement actuel. »
Il faut ainsi « Renforcer la compétitivité pour développer l’emploi. » Certes ! « L’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises passe notamment par une maîtrise des évolutions du coût du travail, particulièrement élevé en France par rapport aux autres pays de l’OCDE. Le niveau des charges sociales défavorise notre pays dans la concurrence internationale et freine la création d’emplois. » On est d’accord !
« Pour l’alléger, la Commission propose de privilégier des hausses de trois types d’impositions (cf. supra proposition 10), peu distorsives pour l’économie et qui sont peu développées en France par rapport à la moyenne des pays de l’Union européenne : la fiscalité foncière, la fiscalité écologique et la fiscalité sur la consommation. » A propos de la fiscalité sur la consommation, on est moins d’accord… sauf si la hausse des rémunérations induites par les baisses de charges salariales compense l’augmentation des prix.
Une telle mesure bénéficierait néanmoins beaucoup moins aux salariés peu rémunérés (ce que ne manque d’ailleurs pas de souligner le rapport).
Le rapport préconise aussi de développer la concurrence :
- Diminuer dans tous les domaines les coûts de changement de fournisseurs de service (ça va faire plaisir aux geeks, c’est pour ça que j’en parle…),
- Intégrer l’urbanisme commercial dans le droit de l’urbanisme (en gros, ça revient à supprimer les autorisations spécifiques à l’ouverture de grands commerces ; la mesure peut paraître odieuse mais le mal est déjà fait, les centres villes meurent progressivement, au détriment de zones commerciales laides et insipides où s’entassent les couillons le samedi), …
Dans une autre partie du document, le rapport préconise de supprimer les « licences » nécessaire à certaines professions, comme les taxis. Je suis d’accord. Rien que pour les faire chier : ils se prétendent toujours libéraux mais ont les professions les plus protectrices.
Je saute la partie du document liée à l’éducation, n’ayant pas de mômes et ayant quitté l’école depuis 23 ans.
Je saute « à moitié » la partie sur l’environnement qui reste dans le vague : le rapport réussi à promouvoir une agriculture plus productive mais plus respectueuse de l’environnement ! Ils ont oublié de donner la solution…
Bonne nouvelle pour mon apéro et mes lecteurs : les annexes commencent à la page 101. J’ai donc fini (je les lirai plus tard, une partie est relative au bilan de l’application du rapport).
Je vais donc tirer une conclusion : dans ce rapport il y a du bon et du mauvais. Du très mauvais et du très bon. Il y a de gros manques (j’aurais bien aimé un volet sur la fiscalisation des revenus du capital, par exemple). Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain à la simple lecture d’une dépêche rédigée par un gugusse qui voulait absolument pondre son papier avant les autres et ne s’est donc pas donné la peine de faire plus que de survoler une introduction.
On sait maintenant à quoi servent les introductions trop longues.
C'est curieux que dans un bon billet qui vise à corriger une lecture "superficielle" par les médias de ce rapport, vous ressortiez cette vieille histoire sur le nutella... Un coup de marketing viral orchestré par les IAA et qui est parti d'un député italien de la ligue du Nord (cf. http://corinnelepage.hautetfort.com/archive/2010/06/29/on-vous-en-rajoute-une-tartine.html)
RépondreSupprimerAh, t'as lu Attali ?
RépondreSupprimerIl y a plusieurs bonnes idées d'après ton article mais bizarrement, je ne suis pas convaincu que ce soit celles qu'appliquera ce gouvernement !
:-))
Fulrad,
RépondreSupprimerJe sais (je crois même que je l'avais dit en commentaire du billet que j'ai mis en lien). C'est juste pour faire un lien vers un copain et faire une pirouette pour résumer une pensée qui n'aurait pas sa place dans le billet.
Poireau,
RépondreSupprimerIl serait obligé de remettre en cause des décisions déjà prises !
(je réponds à tes autres commentaires un de ces jours, t'imagine que ce billet m'a pris un peu de temps...)
T'es pas obligé de répondre à tout !Je commente pour dire que j'ai lu, je connais la maison. Par contre, si tu as un avis, là, oui ! :-))
RépondreSupprimerBon! J'ai lu la moitié, j'vais au marché, et j'reviens hein !!!
RépondreSupprimer;^)
E la fin de la prise en charge à 100% des pathologies lourdes comme le cancer par la sécu, c'est aussi un truc de Gauchiste ?
RépondreSupprimerDis donc, elle a été longue ton insomnie !
RépondreSupprimerC'est à cause de la mauvaise influence d'Attali que vous faites un billet aussi long ?
RépondreSupprimerReste t-il suffisamment de place dans le tiroir-oubliettes dans le petit bureau du chef pour y mettre ce copieux fatras ?
RépondreSupprimergageons qu'il en restera une belle feuilles d'émoluments pour Attali et quelques miettes pour ses stagiaires.
Nicolas tu as beaucoup de courage et de dévouement pour tes lecteurs. Merci.
Pour info, Attali ne reçoit aucune indemnité pour ce "travail" de compilation.
RépondreSupprimerPas mal ton billet.
RépondreSupprimerCertainement pas objectif mais intéressant.
Attali bosse pour la peau ? Tiens tiens ...
RépondreSupprimerC'est bien d'avoir eu cette insomnie car ton billet m'incite maintenant à m'infuser le rapport en question.
RépondreSupprimer177 pages, certes. mais il n'en a remis qu'une dizaine environ au nain qui nous gouverne : il n'a forcément pas le temps de tout lire. Et puis, entre nous, ce n'est pas un intellectuel....
RépondreSupprimerMerci pour ce tuyau. je vais aller lire ça studieusement.
Attention Pavlov : quand on entend le nom Attali, on bave, on éructe et on balance une connerie en commentaire.
RépondreSupprimerAttali...aïe! Burps .
RépondreSupprimerVoilà, j'ai éructé.
> la dette nette (ben oui, l’état a des dettes ET du patrimoine) est à peu près au niveau du dixième du patrimoine privé des Français.
RépondreSupprimerTu oublies qu'une bonne partie de l'épargne des Français est prêtée à l'état (assurances vie & co). Si l'état a des difficultés pour rembourser sa dette, le patrimoine privée va en prendre un coup.
> A propos du logement (dont j’ai déjà parlé), tout ne va pas plaire aux libéraux…
La mesure est idiote : la cause principale du manque de terrains constructibles provient des limitations à la construction imposé par l'état via les PLU et les PLOS. Dès qu'un terrain est constructible, les promoteurs immobiliers s'empressent de trouver des pigeons à arnarquer avec les dispositifs du type Scellier.
> en phase de hausse des prix des terrains et de l’immobilier
Cf. point précédent. La bulle française est principalement due au manque d'offres. Si on ne s'attaque pas à ça, le reste ne sert à rien.
>Rapport Attali : un truc de gauchistes ?
Bien qu'on présente Attali comme un droiteux pour certaines de ses positions libéralo-compatibles, son but a toujours été de défendre « le modèle sociale français » en pérennisant son financement.
Je te rappelle ton conseil de blogage N° 23 du 34 novembre 206 :
RépondreSupprimerFaire des billets sur lesquels on peut commenter sans écrire 200 pages.
S'il y a une dette, il faut que Bob l'éponge…
RépondreSupprimer:-)
[Je sais parfaitement où est la sortie… :-) ].
Poireau,
RépondreSupprimerJ’ai ma réputation à tenir !
Gildan,
Il faut tout lire.
Lolo,
Lis donc mon billet de ce matin, j’y réponds. Faut faire gaffe aux a priori…
Dada,
Oui…
Didier,
Faut croire. Et je recommence ce matin.
Captain,
De rien…
Jean,
Le pauvre…
Rimbus,
Il est très objectif, justement !
Dominique,
Bonne lecture !
GdC,
Tu crois pouvoir juger qui est un intello, toi ?
Nicocerise,
C’est tout à fait ça.
Bob,
Je n’ai pas fait l’apologie de la dette, je la relativise…
Pour le reste, c’est bien ce que dit Attali : le manque d’offre.
Franssoit,
Il faut bien que je fasse croire, parfois, que je suis un blogueur sérieux.
Poireau,
Heu…
Super bien fait et très bons documents, très agréable à parcourir bonne continuation à bientôt
RépondreSupprimerExcellent travail. Tant sur le fond que sur la forme. Un grand bravo à toute votre équipe.
RépondreSupprimermerci pour tout ces informations sa aide bien les gens, pour agrandir leur savoir et bien contre des nouvelle informations.
RépondreSupprimervoilà qui fait trèèèès trèèèès envie!
RépondreSupprimerSuper ce blog plein de bons conseils ! Je l'ai mis dans mes favoris. Bravo pour ce travail !
RépondreSupprimerGauchiste ? Il faut regarder de plus près je pense !
RépondreSupprimersuper votre avis , merci
RépondreSupprimerTrès intéressant comme article merci
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