En salle

24 février 2011

Charité vs. Solidarité Nationale

Alors que Le Coucou relaie à son tour l’opération entre les blogueurs et les restos du cœur, voila Melclalex qui s’étonne de ma position (le refus de relayer ici). Je vais donc la préciser.

Tout d’abord, je tiens à préciser que ce n’est pas une nouvelle marotte de ma part. C’est opposition entre la solidarité et la charité me tient à cœur depuis longtemps. Je vais donc republier ici un billet que j’ai publié sur Equilibre Précaire en octobre 2007. « Charité vs. Solidarité Nationale »

« Je suis très rythmé. Novembre est le mois du Beaujolais nouveau. Décembre est celui des dons aux associations pour échapper un peu aux impôts et se donner bonne conscience.

En décembre, je vais ronchonner à nouveau sur le fait que 20 ans après la création des Restos du Cœur, il faille encore faire appel aux bénévoles et à la charité pour nourrir les exclus de la société ! Où en est la Solidarité Nationale ?

Ca commence généralement par les bénévoles de la Banque Alimentaire, dans le supermarché en bas de chez moi. Un de ces soirs, ils attendront derrière les caisses avec leurs chariots. J’irai leur demander ce dont ils ont le plus besoin. Les bénévoles me répondront que c’est à moi de voir. Ne voulant pas avoir la honte de leur refiler des pâtes bas de gamme, j’essaierai de trouver des conserves de qualité, que j’aurais envie de manger mais qui ne fassent pas vieux con de bourgeois.

Je sortirai des caisses la tête haute pour satisfaire mon devoir. Plus exactement, je n’aurai pas à baisser la tête devant la honte qui m’envahirait si je n’avais pas participé à la mission collective.

Encore une fois, je ronchonnerai d’avoir participé aux bénéfices de deux multinationales : une qui produit des conserves, l’autre qui les distribue aux fidèles consommateurs. Je me ferai la promesse de ne plus recommencer (ou, la prochaine fois, de faire mes courses dans un supermarché d’une chaîne dont je suis actionnaire).

Rentrant chez moi pour déposer mes sacs de courses, sans même aller au bistro malgré ma juste colère, je prendrai le courrier dans la boîte à lettres. Il y aura Convergence, le magazine du Secours Populaire, un courrier du Sidaction me rappelant leur existence, un reçu du Téléthon me remerciant pour ma participation. Tiens ! La ligue contre le cancer ne m’écrit pas aujourd’hui ? Ah ! Un courrier de ma banque qui m’invite à participer à la prochaine introduction en bourse d’un futur concurrent de La Poste.

La « loi Coluche » qui permet de déduire de ses impôts des « dons aux œuvres » a environ 20 ans. Ca fait beaucoup plus longtemps que des bénévoles se fatiguent à récolter des dons et que les associations dépensent des fortunes à faire de la publicité, à organiser leur système, …

Ca fait environ 20 que je me pose la même question. Pourquoi la Solidarité Nationale peut fonctionner pour acheter des chars Leclerc et pas pour nourrir les plus démunis et subventionner la recherche ? Pourquoi ce n’est pas le budget de l’état qui permet d’envoyer une journée les mômes des cités à la plage ?

Environ un milliard d’euros sont donnés par les Français. La loi Coluche part d’une bonne idée… mais on oublie l’essentiel.

C’est quoi un milliard ? 8% du paquet fiscal. 1,5% du bénéfice des seules entreprises du CAC 40. Toutes choses égales par ailleurs. Nicolas, arrête ton gauchisme primaire, tu vas te faire engueuler par le chef du blog.

Si le budget de l’état alimentait directement celui des associations concernées, elles économiseraient tous les frais de « promotion » (je crois que ça représente environ 30% du budget) et pourraient se consacrer à l’essentiel de leurs missions. En outre, ça me fatigue de faire un choix entre « mes œuvres ». En quoi est-ce plus important de nourrir quelqu’un ou de soigner la myopathie que de participer au financement d’une prothèse dentaire pour un ancien joueur de boxe ?

Mon chèque de 100 euros, je l’envoie à qui ? Au Téléthon ou au Sidaction ? A l’Unicef ou au Secours Populaire ? De quel droit mon voisin de palier (au fait ! Salut, si tu passes par là) aurait le droit de choisir à ma place – ou à la place du député que j’ai contribué, avec lui, à élire – quelle cause mérite une plus grande attention ?

Enfin (je le jure !), on ne me fera pas croire que les denrées recueillis par mes bénévoles dans mon supermarché participent d’une manière significative à l’aide alimentaire dans son ensemble. Qu’il ne s’agit pas un peu d’une opération de communication destinée à sensibiliser le public. Qu’il ne serait pas plus rentable de recueillir des denrées à la source.

Qui peut mieux le faire qu’une association forte, subventionnée par l’état, donc par la solidarité nationale ? Et pas par la charité de bonne conscience et d’exonération d’impôts ? »

Plus de trois ans après, rien n’a changé.

Sauf que… En tant que blogueur de gauche, je réfléchis de plus en plus, une sorte d’obligation, de devoir, pour pouvoir formaliser des idées, les exposer sur mon blog sans risquer de me prendre des salves de trolls de tous côtés.

A force de remuer les données politiques dans ma tête, jour après jour, je suis de plus en plus persuadé qu’on arrive dans une impasse, qu’on a atteint les limites d’un modèle pseudo libéral.

Alors en tant que blogueur de gauche, je me dis de plus en plus qu’on arrive à quelque chose uniquement en changeant de modèle de société.

Je ne lutte pas contre ces associations qui font un travail – malheureusement – indispensable. Il n’empêche qu’en promouvant leurs actions, je ne fais que promouvoir le modèle de société actuel, celui qui nous mène dans le mur, celui qui fait que l’intégration des braves gens dans la société ne dépend plus de cette société mais du bon vouloir de chacun, en fonction du nombre de pièces qui trainent, au fond d’une poche.

L’autre jour, suite à un billet de Vlad, on débattait ici-même de la justesse ou non de l'Allocation de solidarité aux personnes âgées. Une nouvelle rustine dans la société de la « casse sociale ».

Aujourd’hui, il s’agit tout simplement de savoir comment nourrir les gens qui n’ont pas les moyens de passer au supermarché, le soir, et d’offrir un véritable repas à leur famille.

Pour moi, c’est le rôle de la société.

On n’en changera pas le modèle en défendant l’ancien.

10 commentaires:

  1. "comment nourrir les gens qui n’ont pas les moyens de passer au supermarché, le soir, et d’offrir un véritable repas à leur famille."
    Pour ceux-là, oui, solidarité.
    Ce que je vois, moi, de mon point de vue à moi personnel, hein, ne généralisons pas, c'est que les restaus du coeur (ceux que je connais, encore une fois) sont des clubs de retraités qui veulent s'occuper en faisant quelque chose pour les autres, ce qui est plus valorisant que le club "gymnastique et sophrologie" ou "marche et promenade du coin." ça permet à des gens qui ont du temps libre de "s'investir socialement" et, en plus, de papoter allégrement et de tout connaître de la vie du bourg (ah, les classements entre vrais pauvres, faux pauvres, assistés professionnels, etc..)tout en gérant les stocks et en faisant des sorties au supermarché. Quand on donne une boite de conserve ou un petit pot de bébé, on donne bien plus que cela, on donne un regard reconnaissant à des militants de la charité.
    L'invasion des sollicitations finit par me rendre un peu hostile à ceux qui quémandent ainsi. Par contre, j'approuve sans retenue les projets style "jardins et basse-cour au pied des tours".

    RépondreSupprimer
  2. Le rôle de la société n'est certainement pas de nourrir les gens, mais bon.

    Sinon, je crois que vous vous faites une idée très légèrement caricaturale de la charité.

    Quant aux gaziers de la Banque alimentaire, je ne leur donne que des trucs à base de porc, afin de justifier l'opinion que les blogueurs de gauche ont de moi et à laquelle ils tiennent précieusement.

    RépondreSupprimer
  3. Suzanne,

    Oui, c'est important de "valoriser" le boulot des bénévoles mais ça devient délirant : c'est pour eux qu'on donne, pas pour ceux qui ont faim. J'ai connu des parents de copains qui allaient aux restos du cœur comme s'ils allaient au club de belote.

    RépondreSupprimer
  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  5. Didier,

    Pourquoi ne serait-ce pas un de ses rôles ? Pourquoi ma vision de la charité serait-elle caricaturale alors qu'il es envident que cette charité est de plus en plus "structurée" voire institutionnelle ?

    RépondreSupprimer
  6. Sur le fond, je suis totalement d'accord avec toi. C'est à l'état d'empêcher la misère. Néanmoins, j'ai publié le truc parce que, si tu passes devant quelqu'un en train de mourir de faim et que tu t'en rends compte, tu ne lui sortiras pas une diatribe contre l'état pour le tirer d'affaire. Tu iras au plus urgent et tu te fendras d'une pièce.

    RépondreSupprimer
  7. C'était où le nombre de repas servis par les Restau du cœur ? C'était tellement exponentielle comme croissance, on aurait dit l'URSS en fin de vie.
    Mort du système ? Mais oui, le plus vite possible !
    :-))

    RépondreSupprimer
  8. Le Coucou,

    Quand un pauvre dans la rue me demande un euro pour acheter une bière, je le lui file. Quand il y a une campagne des machins pour récolter de la bouffe, je file. Quand il y a le téléthon à la télé, je file (quand je pense...).

    Mais mon blog est une vitrine politique, alors je ne relaie pas ce genre d'opération.

    Poireau,

    Le nombre est maintenant supérieur à 100 millions (103 millions l'an dernier ou l'année précédente, je crois).

    Le système est à bout de souffle.

    RépondreSupprimer
  9. Ah non, désolée, c'est trop long à lire !!!... ;o)

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...