10 conseils pour bien bloguer la soirée électorale

J’imagine que mes copains – ou pas – blogueurs politiques vont, pour certains, se précipiter devant leur ordinateur, dimanche soir vers 21 heures, pour faire un joli billet à propos du résultat des élections cantonales. J’imagine d’ailleurs que je vais faire exactement pareil.

Je voudrais néanmoins leur signaler qu’ils pourraient préparer à l’avance leur billet avec un tas de banalités. Ils auront juste à faire un vague ménage au moment de la publication. Je vais les aider, ce qui me permettra de repasser ici, dimanche soir pour récupérer quelques phrases :

-         C’est une catastrophe, l’abstention est à un sommet jamais atteint sous la cinquième république. C’est clairement de la faute du gouvernement et de l’UMP  qui ont tout fait pour éviter que l’élection ne soit pas un camouflet pour eux et la faire passer au second plan, le gouvernement allant jusqu’à organiser une guerre en Libye pour détourner l’attention (ah, non, ma fin, là, est un peu lourde : à éviter).

-         (ou) L’abstention est largement moins forte que prévu. Même si on ne peut pas dire que les Français se soient rendus aux urnes en masse, on constate néanmoins un important sursaut républicain (c’est très joli, un sursaut républicain) ce qui montre que les Français ne se sont pas faits avoir par les campagnes d’information orchestrées par (là, faites preuve d’un peu d’imagination : dénoncer l’UMP est trop facile).

-         Laurent Fabius a une joli cravate (il est toujours présent dans les soirées électorales et c’est un professionnel marié : il aura nécessairement une belle cravate).

-         François Hollande a réussi son pari, il va probablement conserver la tête de son département pour le Parti Socialiste. Rappelons qu’il avait dit, à juste titre, qu’il ne serait candidat aux primaires que s’il gagnait cette élection cantonale.

-         Laurent Fabius a encore été très bien (Laurent Fabius est toujours très bien lors des soirées électorales).

-         Les résultats montrent une véritable déculottée pour l’UMP qui ne fait même pas 10% des suffrages (ce qui est fort probable, la plupart des candidats de droite ne se présentent pas sous la bannière du parti). Ainsi, la politique du gouvernement est clairement désavouée par le corps électoral (ça veut dire quelque chose, ça ?).

-         Les Français ont adressé un signal fort au gouvernement et à Nicolas Sarkozy (notez bien cette phrase, elle pourrait être présente dans 99,99 des éditoriaux, lundi matin).

-         La mine réjouie de Martine Aubry fait plaisir à voir : on sent qu’elle est fière de diriger ce parti politique, qui, on peut le dire ce soir, est maintenant la première force politique en France. Madame Aubry retrouve aujourd’hui toute légitimité qu’on aurait pu imaginer l’avoir quittée (avant de publier, vérifiez si c’est bien français). Il apparaît maintenant clairement (faites gaffe à pas utiliser ce mot trop souvent) que c’est elle qui doit mener la gauche, toute la gauche, y compris la vraie, hein !, à l’élection présidentielle en 2012 (si vous êtes DSKistes ou Ségolistes ou Montebourgeois ou Hollandois, variez un peu…).

-         Le Front National n’a peut-être pas effectué le résultat qu’il escomptait (je ne sais pas si un résultat s’effectue ou s’il s’escompte mais on n’est pas à ça près…) mais il s’inscrit néanmoins définitivement dans le Paysage Politique Français (tant pis si ça fait trente ans qu’on dit la même chose, notez bien ce passage, d’ailleurs, vous pourrez le ressortir lors de la prochaine élection), malgré les nombreuses tentatives du gouvernement de s’allier les électeurs (encore un truc à vérifier, tiens ! Peut-on s’allier des électeurs ?).

-         Nous connaitrons demain les résultats détaillés des élections et ceux du second tour la semaine prochaine seront très instructifs. Je tiens néanmoins à exprimer ici que je suis content de ces résultats qui me paraissent de bon augure pour l’année électorale que nous commençons (vous pouvez remplacer « augure » par « haruspice » pour bien montrer votre culture et que vous utilisez Wikipedia à l’occasion quand vous pensez qu’un mot est féminin mais que votre Word vous signale une faute d’accord).

Je vais donc donner quelques conseils, comme promis dans le titre de ce billet.

Petit 1 :

Eviter les phrases qui ne veulent rien dire, de type : « le grand gagnant de cette soirée est l’abstention ». L’abstention ne s’étant pas présentée aux élections, elle ne peut pas gagner.

Petit 2 :

Faites dans le local. 35622 blogs vont faire une analyse du scrutin à un niveau national alors que les gens vont utiliser google pour rechercher les résultats dans leurs propres cantons, voire dans leurs propres bureau de vote.

En conséquence, faites votre billet le plus tôt possible et avec un titre très explicite.

Google préfère.

Petit 3 :

Pensez que le lendemain vous pourriez relire votre billet et le trouver profondément ridicule (je sais ce que c’est).

Petit 4 :

Pensez bien qu’il s’agit du premier tour d’une élection locale, en tirer des conséquences foireuses est trop facile. Je parlais en introduction de François Hollande qui va probablement conserver la Corrèze : on s’en fout, ce dimanche soir, on ne le saura que le week-end suivant.

Petit 5 :

Ne flashez pas trop sur Laurent Fabius, il n’y a pas que lui à la télé ce soir. Il sera beaucoup plus amusant de se moquer des mines déconfites de Jean-François Copé et de Xavier Bertrand. On pourrait avoir de jolies surprises, comme Roselyne Bachelot expliquant qu’avoir 18%, pour l’UMP, c’est une belle victoire et ça montre que l’UMP reste une force politique importante, dans ce pays.

Je suis sur qu’il y a moyen de rigoler, ça évitera de faire chier vos lecteurs.

Petit 6 :

Ne vous imaginez plus intelligent que les éditorialistes de la presse écrite. Leurs papiers du lendemain seront bien plus complets, bien mieux écrits, bien plus intelligents que les bouses que vous auriez pu écrire le soir, dans l’agitation (je dis « vous » mais je pense « nous »).

Petit 7 :

Dans la mesure du possible, tâchez de publier votre billet AVANT d’aller au bistro. La dernière fois, j’avais fait le contraire : je n’étais pas spécialement fier du résultat.

Petit 8 :

Je me répète un peu mais pensez bien que vous n’avez pas le seul blog, beaucoup de gens pourraient dire la même chose que vous, ce n’est pas la peine de saturer le lecteur qui pourrait commencer à détester les blogs politiques. D’ailleurs, pensez donc à l’image de la blogosphère politique en général : un type qui débarquerait et verrait les mêmes conneries pourrait penser que, au final, nous sommes totalement inutiles.

Ce n’est pas qu’on soit utiles, mais ce n’est pas la peine de donner des preuves supplémentaires.

Petit 9 :

Si vous tenez absolument à donner votre ressenti personnel parce que vous vous faites une certaine idée de la position de votre blog, si vous ressentez une sorte « l’obligation morale » de le faire, faites court. Les lecteurs se foutent de votre opinion et, de toute manière, tous les gens de la même sensibilité auront la même opinion.

N’hésitez pas à ne faire que trois lignes. Prenez des notes (même si je ne fais recopier qu'une phrase d'introduction de ce billet) : « Nous connaitrons demain les résultats détaillés des élections et le second tour la semaine prochaine sera très instructif. Je tiens néanmoins à exprimer ici que je suis content de ces résultats qui me paraissent de bon augure pour l’année électorale que nous commençons. Je vous présenterai, demain matin, ma traditionnelle revue de blog pour savoir ce qu’en écrivent mes confrères » (ben oui, des liens, bordel, des liens).

Petit 10 :

N’oubliez pas de faire des liens vers le billet que je ferai probablement ce soir là avec un tas d’inepties sans le moindre intérêt parce que je ne voudrais pas décevoir mes lecteurs.

N’oubliez pas, non plus, que tout ce que vous direz dans votre billet aura déjà été balancé 20 fois dans Twitter par des braves gens…

(photo) (billet dédié à Disparitus qui a eu la gentillesse de passer à la Comète, hier soir, pour me payer des bières pour son anniversaire !)