A peine ingurgité mon premier café, hier,
je me suis mis à lire un tas d’analyse du premier tour des cantonales, dans les blogs ou dans la presse. Je crois que nos analystes sous-estiment largement deux points parce que, intellectuellement (les points, andouille), ils ne sont pas satisfaisants :
les gens ne viennent pas voter parce que tout le monde se fout de ces élections et les électeurs de droite votent FN parce qu’ils ne veulent pas voter UMP.
A l’instar de
Dagrouik ou de
Marc, on peut déplorer – à raison – les conneries des partis de gauche, ne serait-ce que pour tenter de les dépasser : la gauche doit recommencer à s’adresser aux électeurs, à parler aux fameuses « couches populaires », …
Mais il faut aussi revenir sur ces élections…
Mon canton ne votant pas, j’ai eu du mal à étudier réellement les propositions des candidats, surtout en région Parisienne où la « Presse Quotidienne Régionale » n’existe pas vraiment. En Bretagne, un canton « occupe » tous les jours au minimum 4 pages par jour dans Ouest-France ou le Télégramme, entre les 120 ans de mariages de deux paysans et le concours de belotte dans le trou du coin, en passant par l’arrivée d’un nouveau commerçant et les délibérations des conseils municipaux de toutes les petites commune… et l’interview des candidats aux cantonales. En région Parisienne, on a parfois une dizaine de lignes dans les pages centrales du Parisien, si on a lu la chance d’avoir une boutique cambriolée.
Je voyais des articles déplorant le taux maximum d’abstention dans certains départements de la petite couronne : une des explications est probablement à chercher du côté de cette presse (j’ai bien dit « une des »…).
Toujours est-il que j’ai réussi à étudier quelques propositions de quelques candidats. Elles sont toutes centrées essentiellement sur le canton. Il s’agit globalement, pour le candidat, de décrire le pognon qu’il exigera du département pour faire des travaux dans le coin. Alors, au final, les électeurs ont mieux à foutre que de choisir entre la réfection de l’éclairage public sur la nationale et la réparation du toit du collège.
Pour cela, ils avaient voté pour les municipales. Ils ont le bulletin communal qui les informe : ils n’avaient aucune raison valable de se déplacer dimanche sauf s’ils étaient « déjà politisés » et voulaient défendre un parti, un candidat, …
Dans tout ce que j’ai étudié, aucun candidat ne parlait de la politique qu’il voulait défendre pour le département. Autant, l’an dernier, pour les régionales, c’était bien la politique de la région qui était mis au centre (de travers, souvent, puisqu’en Ile-de-France, seuls les transports publics ont réellement fait débat). Cette fois, on a complètement éludé les enjeux départementaux…
Il est urgent d’abandonner la réforme territoriale et d’affirmer la nécessité d’avoir des scrutins de liste (ce qui nous éviterait par ailleurs de s’engueuler entre gauchistes).
Hier soir, au bistro (ça faisait longtemps, hein !), un type a commencé à parler des élections. Ce type est engagé politiquement, il est syndicaliste, conseiller prudhommal (je crois même qu’il a été juge aux prudhommes). Il a commencé à détailler les attributions des départements et des régions et dès le début, il a sorti des énormités, entamant sa démonstration en disant que les lycées étaient gérés par les départements. Les gens sont complètement déconnectés de la vie politique et nos candidats ne pensent qu’à leur expliquer qu’ils vont récupérer des sous pour effectuer des travaux.
Tous coupables…
Du côté des blogs, ça ne va pas bien mieux (je plaide coupable, je n’ai que très peu parlé des cantonales dans mon blog). Après la publication des premiers résultats, j’ai fait un billet pour « engueuler » Mélusse qui n’avait pas été au pénis Méluche qui n’avait pas été à la péniche pour la réunion des partis de gauche. Evidemment, des partisans me sont tombés de dessus. J’ai lu leur commentaires et suis allé voir sur leurs blogs ce qu’ils écrivaient à propos des cantonales. Entre celui qui explique que le peuple de gauche va se déplacer pour se venger de la réforme des retraites et celui qui expliquait que le peuple de gauche n’irait pas voter pour un candidat socialiste à cause de la proximité du PS avec le FMI, j’ai bien rigolé. Pas un seul, par contre, n’a dit que le Front de Gauche a fait un bon score parce que les communistes sont bien implantés et font du bon boulot. Habitant dans un des derniers départements tenus par les communistes, je vois bien pourquoi les gens votent : parce qu’ils sont satisfaits de la personne en place, qu’ils connaissent bien, qu’ils jugent compétente (aux dernières municipales, à Bicêtre, la gauche a fait plus de 70% des voix au premier – et unique - tour mais même n’avait même pas réuni 45% des électeurs à la présidentielle de l’année précédente).
Par-dessus le marché,
nous avons une guerre à nos portes et une catastrophe nucléaire à l’autre bout du monde qui occupent bien nos médias et nos esprits (et certains partis politiques, qui détournent ainsi les électeurs des enjeux des cantonales, comme si on allait construire une centrale à Villejuif). Nous avons une élection donc on ne connaît pas vraiment les enjeux, que les électeurs calquent sur une politique nationale et les candidats sur leur propre canton, canton qui est une entité administrative sans aucun pouvoir, comme la circonscription d’un député, canton qui ne gère rien… Nous avons une élection qui concerne moins de la moitié des électeurs (on vote dans un canton sur deux et
on ne vote pas dans la plus grande commune de France).
Dans ces conditions, il est assez miraculeux que plus de 30% des gens concernés se déplacent…
Quant au vote du FN… Outre le fait qu’il était bien représenté,
cette fois, sans compter sa place de choix dans les médias…
Pour ce qui me concerne, je suis de gauche. J’ai toujours voté à gauche depuis les Européennes de 84 (avant j’étais trop petit et je suis un menteur : j’ai voté Chirac au deuxième tour en 2002). Si j’avais à voter à une élection mais n’étais pas content du parti majoritaire, je voterais pour un autre parti de gauche, ne pouvant pas envisager de voter pour un parti de droite. Alors si j’étais électeur de droite, pas satisfait du parti majoritaire, je voterais également pour un autre parti de droite (sauf
circonstances particulières à un deuxième tour – comme en 2002 à la présidentielle).
C’est ce qu’il s’est passé, Marine Lepen et Nicolas Sarkozy ayant réussi à transformer l’image du FN, « des » électeurs de droite ont préféré voter pour un candidat du FN que pour un candidat de l’UMP.
N’essayons pas d’appliquer aux autres un schéma de pensée qu’on ne s’applique pas à soi. Quand on est à gauche, on vote à gauche et quand on est à droite, on vote à droite… Le bon chiffre du FN est en partie lié à ce phénomène, n’allons pas nous flageller inutilement, à gauche, en cherchant des responsabilités sur le PS ou autre…
D’autant que
la gauche a largement gagné ces élections avec environ 50% des suffrages… En
2001, un an avant les fameuses élections de 2002, la gauche avait gagné, aussi : «
Malgré un contexte national peu porteur après 4 ans de cohabitation qui s'est concrétisé par la perte de plusieurs grandes villes lors de élections municipales, la gauche résiste nettement mieux aux élections cantonales. Elle apparait même comme vainqueur en conquérant la présidence de six conseils généraux. » Elle n’avait alors recueilli que 47% des voix.
Tout va bien, respirons…