La gauche à la peine

La caserne des pompiers. Trois heures du matin. Imaginez la sirène qui se met à retentir, réveillant tous nos braves sapeurs mais pas sans reproche. Un grave incendie vient de se déclencher dans un internat de jeunes filles. C’est alors que les pompiers se lancent dans une grande discussion : « Ah ! Encore cette fichue alarme qui déconne ! » « Putain, le chef, il aurait pu faire la révision. » « C’est de la faute de la municipalité, c’est elle qui est responsable de l’entretien. » « Ils font chier, comment on va se rendormir, maintenant ? »

Et pendant ce temps, le pensionnat brule, les jeunes filles meurent dans d’atroces souffrances et, pire !, le système de réfrigération de la bière dans la salle des profs rend l’âme.

C’est un peu à ça que me faisait penser la réaction de certains, ce week-end, à la vision du sondage donnant Marine Le Pen en tête des élections. D’un côté, on met en cause les aspects techniques du sondage, de l’autre, on se dit qu’on se fout totalement d’un sondage publié un an à l’avance, d’un troisième, on fustige les instituts de sondages et les méchants médias qui ne pensent qu’à faire des coups pour gagner de l’oseille.

Ô combien sont-ils justes, ces arguments ! D’ailleurs, moi-même, je parie qu’on aura oublié ce sondage, dans trois jours, dès qu’ils auront publié le nouveau (déjà lancé par le même institut pour se racheter, ai-je cru lire dans la presse, ce matin).

Et pourtant… Il suffit d’ouvrir l’œil pour voir dans quel état est l’UMP. Les cantonales approchent et les candidats n’osent même plus, pour la plupart, mettre le logo du parti, sur leurs tracts. Les débats sont lancés dans tous les sens, sans aucune cohésion, un coup de réforme fiscale par là, un coût d’Islam par ici, …

Et pourtant… Comme s’il était compliqué de voir que les électeurs traditionnels de droite, ces braves gens que vous croisez au comptoir en prenant un petit café le matin, n’ont plus d’autre choix que de voter pour Marine Le Pen. Comme s’il était difficile de deviner que les ouvriers ont définitivement, pour beaucoup, déserté les couloirs de la gauche qui oublie souvent, quoiqu’elle en dise, de s’occuper d’eux, de s’adresser à eux.

Alors qu’importe que Marine Le Pen représente 18, 20 ou 25% dans un sondage. On sait, et Philippe nous le rappelait hier, que le premier tour se jouera entre Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy et un candidat du PS. Pourquoi fermer les yeux ? On peut toujours espérer que François Bayrou sèmera le doute, que Dominique de Villepin grapillera des voix, ... mais je n'ai pas envie de compter, pendant un an, sur une vague arithmétique électorale pour conserver le moindre espoir...

Dans un autre registre et alors qu’il critique aussi ce sondage, Bruno Roger-Petit dans son billet d’hier nous rappelait qu’il ne fallait pas oublier d’en tirer les conséquences. Qu’on soit d’accord ou pas avec la signification de ce sondage, il ne faut pas, en effet, oublier de supputer des effets qu’il aura, même si, comme je le disais, je suis persuadé que dans quelques jours on l’aura oublié, il pourrait bien avoir pour effet de resserrer les rangs de droite.

Il rappellera à l’ordre les petits candidats putatifs, les électeurs égarés : il nous faut être soudés autour de Nicolas Sarkozy pour éviter qu’il ne soit pas présent au second tour. Voila ce qu’on va entendre pendant un an sans que personne ne bronche alors que quand on parle de vote utile, à gauche, on se fait immédiatement massacrer par quelques bandes d’inconséquents qui argumentent magistralement mais n’offrent, au final, aucune occasion à leurs propres idées d’avoir la moindre tribune.

Alors ce matin, je pourrais relayer le billet de Yann, qui, comme moi, fait une métaphore pyromane, et interpelle les blogueurs, dont moi : « Il n'empêche que  si Marine Le Pen se retrouve au second tour face à Nicolas Sarkozy, je fais quoi ? N'ayant aucune solution, je demande à Nicolas, Le Coucou, Falconhill et David et à tous les autres de m'aider à résoudre cette énigme. » Je vais lui répondre, objectivement : je m’en fous. Je ne sais pas quel sera mon état d’esprit dans un an mais je dois avouer que, aujourd’hui, je n’aurais aucun scrupule à voter pour Marine Le Pen pour faire battre Nicolas Sarkozy dans la mesure où il reprend les thèmes de cette dernière. Au moins, si elle est élue, l’Assemblée Nationale a une chance d’être gagnée par la gauche aux législatives qui s’en suivront…

Edit : voyant beaucoup de réactions dans les commentaires sur le fait que je dise ici que je n'aurais aucun scrupule, patati patata, je dois faire quelques précisions : je n'ai pas dit que je le ferai ni que j'appellerai à le faire. Je pense juste que la meilleure solution, en cas d'un grotesque deuxième tour entre NS et MLP, pour avoir la gauche au pouvoir (au Parlement) est encore de barrer la route à l'UMP... Cela dit, si le cas se poste, il est probable que je m'abstienne, contrairement à 2002.

Mais je ne suis pas spécialement pessimiste et n’ai pas spécialement envie de creuser cette idée.

Comme on l’a vu avec le billet de « BRP », cette alarme sonnera pour la majorité, pour se regrouper autour de Nicolas Sarkozy. Alors, je me dis qu’il faut qu’on fasse pareil, à gauche, laissons donc nos querelles de clocher sur nos oreilles pour les fumer plus tard.

Alors je vais relayer le billet de Stef, qui relaie lui-même l’appel de François Hollande. « Est-ce que nous pouvons continuer à nous présenter aux élections avec sept, huit et parfois davantage de candidats de gauche ? Est-ce que nous pouvons rester comme ça, séparés, dispersés, dans un premier tour ? »

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