Un rapport de la Cour des Comptes souligne l’inefficacité du RMI et du RSA en matière d’insertion sur le marché du travail (
pdf). Je vous livre ci-après de larges extraits de l’introduction qui présente bien ce que sont ces machins et de la conclusion qui m’intéresse (vous pouvez lire page 60 les recommandations de la Cour).
Je n’ai pas tout lu (faut pas déconner non plus, 60 pages sans les annexes) mais il ressort que ces machins sont réellement inefficaces. Ces machins sont des usines à gaz : des espèces de contrats où les gugusses s’engagent à essayer de revenir dans la vie active en l’échange de quoi ils touchent un peu de pognon.
Le système est sensé « s’autofinancer » : le pognon dépensé pour « réinsérer » les gens permet de ne plus leur verser d’allocation une fois qu’ils ont trouvé du boulot. Ca part d’un principe honorable mais ça ne fonctionne pas. Au pire, si on arrive à caser des gugusses, d’autres se pointent.
Il faut arrêter de croire qu’on créera du travail en formant les gens et en les mettant de force au travail. Il faut arrêter de croire qu’on créera du travail (à part le leur…) en payant des gugusses à contrôler que d’autres font vraiment des efforts pour retrouver du taf.
Plutôt que de payer des gens à contrôler le chômage, on ferait mieux de les payer à contrôler le travail (et donc renforcer l’inspection du travail pour lutter contre le travail au black – de chômeurs, par exemple – mais aussi toute forme de précarisation abusive, enchaînement de stages, surexploitation de « autoentreneurs », …).
Quelle que soit la compétence des « fonctionnaires » (je mets des guillemets) en charge de faire travailler les gens, ils ont trop de boulot pour eux mais ne peuvent pas en créer pour les autres…
Pour faciliter mon billet, devant vos yeux ébahis, je vais mettre dans le même sac « la gestion des chômeurs » et la « gestion des Rmiste » même si ce sont deux choses bien différentes.
Tout d’abord, il faut bien séparer les missions qui leur sont proposées..
D’une part, il y a ce qui permet de filer du pognon à des gugusses :
- les chômeurs, qui ont mérité ce pognon parce qu’ils ont cotisé (on appelle ça « l’assurance chômage », ce n’est pas de l’assistanat),
- les « rmistes » qui ont besoin d’un peu de pognon pour vivre parce qu’on ne peut pas les laisser crever.
D’autre part, il y a ce qui permet à des gens :
- de retrouver du boulot,
- de se réinsérer par une démarche particulière s’il y en a besoin,
- de survivre dans notre monde brutal si la « réinsertion par le travail » (achtung) n’est pas possible.
Il y a, en plus, le supplément financier apporté par le RSA qui permet de réellement toucher plus quand on reprend le travail.
Ce sont bien des fonctions différentes. Nos gouvernements de droite aiment bien dire à leurs électeurs qu’ils vont virer des chômeurs qui ne trouvent pas de travail et qu’il faut les contrôler, créer des usines à gaz ne change rien et ne fait que compliquer la vie des « fonctionnaires ».
Depuis que je suis en âge de m’intéresser à ça, soit depuis les années 80, on nous sort différentes politiques pour permettre de mettre plus de gens au travail. On a eu une période où on ne jurait plus que par la formation, puis le RMI et maintenant le RSA avec différentes périodes intermédiaires.
Seuls deux trucs ont réellement marché, en plus, évidemment, des années de bonne croissance économique : les emplois payés par l’état (par exemple les emplois jeunes) quand ils sont d’utilité collective et le partage du travail (les 35 heures).
Tout le reste de la politique a constitué à baisser les charges en offrant ainsi « des cadeaux aux patrons » (vu la situation de notre budget, ce n’est pas très malin) et à faire travailler les gens de force (soit en leur offrant des formations, soit en les forçant contractuellement à bosser). Et je vous passe la défiscalisation des heures supplémentaires (totalement contreproductive en matière de réduction du chômage et très chère).
Même si ces mesures sont utiles (par exemple, il est normal que les gens qui n’ont plus les compétences pour exercer un métier reçoivent une formation), ce n’est pas cela qui permettra aux entreprises (publiques ou du « secteur marchand ») d’avoir plus de boulot à proposer à des salariés.
Les « recommandations » de la Cour des Comptes sont très intéressantes mais nécessitent une bonne connaissance du système.
Je vais en rajouter une : arrêter les usines à gaz et tout reprendre à zéro :
- séparer l’indemnisation des chômeurs (et l’aide aux rmistes et aux plus pauvres), l’accompagnement de la reprise du boulot (la formation, la réinsertion, …) et tout ce qui n’a rien à voir,
- arrêter de faire croire aux gens (aussi appelés les « électeurs »), qu’on arrivera à générer du travail pour tous en collant des rustines partout.
Même si colleur de rustine n’est pas un sot métier.
On aura du travail pour plus de personnes en partageant le travail plus justement et en générant de l’activité économique.
Ce qui n’est pas une fin en soi. Mais pour générer de l’activité économique, il faut aussi que les gens aient du pognon à dépenser.
Morceaux choisis de l’introduction :
« Initialement financé par l'État (allocation) et par les départements (actions d'insertion), puis à partir de 2004, par les seuls départements, le RMI était versé aux personnes de plus de 25 ans (éventuellement plus jeunes si elles avaient au moins un enfant) ayant des ressources inférieures à un plafond fixé par décret, moyennant une obligation de participer à des actions d’insertion. Le RMI était complété par des mécanismes complexes d’intéressement à la reprise d’activité (aides forfaitaires ou proportionnelles au revenu selon la durée du temps de travail, prime de retour à l’emploi – PRE), qui se sont révélés peu incitatifs à la reprise durable d’un emploi ; il pouvait également donner accès aux contrats aidés refondus par le plan de cohésion sociale de 2005. »
« Le RSA s’est substitué à plusieurs dispositifs :
- il remplace à la fois le RMI et l’allocation de parent isolé […] ; appelé RSA « socle » ou « de base », il poursuit des objectifs de simplification des minima sociaux et de lutte contre l’exclusion ; ce sont les départements qui financent le nouveau minimum […] ;
- lorsqu’il est versé à des personnes qui travaillent déjà mais dont les revenus sont limités, il remplace les mécanismes d’intéressement antérieurement financés soit par les conseils généraux pour le RMI, soit par l’Etat pour l’API ; il est alors appelé RSA « chapeau » ou « activité » et est destiné à compléter les revenus du travail des travailleurs dits « pauvres » et à encourager leur activité professionnelle ; il est pris en charge par l’Etat, et son montant dépend à la fois de la situation familiale et des revenus du travail, qui sont conservés aux intéressés à raison de 62 %.[…]
La même appellation recouvre donc trois catégories de bénéficiaires, qui reçoivent respectivement le RSA « socle », le RSA « activité », ou les deux.
Les enjeux tant économiques, sociaux que budgétaires sont considérables.
Au 31 décembre 2010, le RSA a été versé à près de 1,8 million d’allocataires ; il concerne 3,79 millions de personnes, dont 0,34 million de conjoints et 1,65 million d’enfants ou autres
personnes à charge3. Parmi celles-ci, 1,154 million de personnes relèvent du seul RSA « socle », 446 000 du seul RSA « activité », et 198 000 perçoivent les deux. »
Morceaux choisis de la conclusion :
« Depuis l’instauration du revenu minimum d’insertion et sous l’impulsion des départements dont c’est la compétence, une grande diversité de personnes physiques et morales se sont engagées pour accompagner les bénéficiaires du RMI et faciliter leur insertion professionnelle (associations, service public de l’emploi, entreprises intermédiaires, collectivités territoriales, agents des départements).
Malgré l’engagement réel de tous, le bilan reste souvent décevant, et cela notamment parce que les départements ne se sont pas mis en état de mesurer l’impact des actions en terme d’insertion professionnelle. Cette absence de mesure, tant au niveau de chacun des départements que pour l’ensemble du territoire, ne permet pas d’identifier les pratiques les plus efficaces et donc de les promouvoir.
[…]
On aurait pu espérer qu’après la décentralisation du versement de l’allocation du RMI, cette situation se modifie, une activation des dépenses d’insertion se traduisant alors directement pour les départements en termes d’économie d’allocations versées.
[…]
Pourtant des progrès sont possibles […]. Cependant aucun département ne peut être érigé en exemple, même si certains d’entre eux ont adopté des procédures efficaces […].
Le cercle vertueux de l’insertion sociale et professionnelle permettant de reprendre une activité et de diminuer significativement le nombre des travailleurs pauvres ou des personnes durablement sans emploi, [… et donc de diminuer le coût de l’insertion…] n’a ainsi pas pu fonctionner. Or cette logique de dispositif « d’investissement humain » qui s’autofinance lui-même par les économies qu’il permet de réaliser sur le versement d’allocations reste au cœur du RSA ; sans un changement fondamental dans les politiques et les comportements, cette dynamique ne sera pas véritablement engagée.
[…] »
La Cour des Comptes se livre ensuite à une série de recommandation que vous pourrez consulter en lisant le pdf (page 60).