En salle

11 août 2011

Les jolies colonies de vacances

En lisant le Canard Enchaîné, dans le train, j’ai trouvé un entrefilet à propos d’une décision de justice (lié aux instances Européennes) qui devrait aboutir à interdire l’emploi d’animateurs dans les centres de vacances et autres jolies colonies de vacances dans des conditions qui ne respectent pas le droit du travail.

Concrètement, les animateurs assurent une présence auprès des mômes de 15 heures par jour, six jours par semaine, tout en étant « d’astreinte » 24h sur 24 et sont payés des cacahuètes. Ils ne respectent donc pas le SMIC et la durée maximale du travail (48 heures par semaine).

Cette interdiction pourrait avoir de graves conséquences, avec une augmentation de 20% du prix des séjours et, surtout, l’impossibilité pour de nombreux parents d’offrir des vacances à leurs enfants.

C’est un sujet que je connais un peu, j’ai encadré des centres de vacances, organisés par une « association d’éducation populaire », tous les étés de 84 à 96 (sauf ma première année de travail puisque je n’avais pas de congés et l’année suivante, pour mon service militaire). De 90 à 94, j’étais « adjoint de direction » pour finir directeur en 95 et 96. J’ai toujours fait ça bénévolement et tous les animateurs avec moi, aussi. Pour nous, le centre de vacances n’était pas assimilé à un boulot (même si certains animateurs regrettaient de ne pas avoir une indemnité qui aurait été bien utile pour payer les études ou le permis de conduire).

Ce n’était pas un travail, nous faisions ça parce que nous croyions aux méthodes pédagogiques et éducatives de cette association.

Par contre, si un étudiant passe le BAFA et décide de travailler dans des colonies de vacances, l’été, pour gagner de l’argent pour lui permette d’avoir un peu de pognon pendant son année d’étude, je ne vois pas au nom de quoi on pourrait déclarer que ce travail rémunéré devrait ne pas respecter le droit du travail.

Pourtant, certains blogueurs de la gauche, mais attention, de la vraie, hein !, semblent le regretter, pour des motifs tout à fait louables : permettre de continuer l’envoi de gamins en colo.

Je propose donc aujourd’hui de faire une loi pour permettre aux usines agroalimentaires et aux hypermarchés de ne pas respecter le droit du travail parce que, en fin de compte, ce sont les consommateurs finaux qui paient, les pauvres, alors qu’ils ont déjà assez de mal à se nourrir.

Je propose en plus une grave punition (comme me payer une bière au comptoir de la Comète ou relire les archives de mes blogs) tous les blogueurs qui viendront pleurer quand la droite viendra proposer un sous-contrat de travail pour les jeunes afin de les insérer dans la vie active, ce qui me semble relativement aussi important que d’envoyer des mômes faire les cons à la plage.

Il ne peut pas y avoir de dérogation au droit du travail, surtout si elles sont défendues par des militants politiques à pointe de la lutte pour le droit du travail. Il faut donc trouver un encadrement légal pour les « monos » qui doivent, au moins, avoir un salaire décent, même si le problème de leur temps total de travail par semaine semble insurmontable.

Cela étant, je ne nie pas du tout la difficulté pour les organisateurs de centres de vacances, ni le problème posé par le fait de ne pas pouvoir envoyer les mômes en colo mais il faut le traiter dans la globalité.

D’une part, il y a une évolution de la société. Les mômes préfèrent rester à jouer devant un écran plutôt que d’aller faire le con dans la forêt. Le vieillissement de la population permet en outre aux parents de refiler les mômes aux grands-parents pendant le mois d’été où ils ne sont pas congés. Enfin, les parents exigent des activités très onéreuses (cheval, nautisme, ou machins plus modernes : rafting, …) pour leurs chiares qui aimeraient pourtant à peu près autant jouer dans la nature (ce qui permet en plus de multiplier les activités pédagogiques).

D’autre part, il y a un accroissement des contraintes réglementaires qui poussent à un coût plus élevé.

Par exemple, les activés que je cite entre parenthèse nécessitent un encadrement particulier ce qui pousse les centres de vacances à faire appel à des sous-traitants privés (associatifs ou particuliers) qui, eux, devront traiter leur personnel dans les conditions normales du droit du travail.

Enfin, l’aspect financier doit aussi prendre en compte les revenus des parents. Il est beaucoup plus facile pour les classes populaires d’envoyer leurs gamins en centres de vacances que les classes moyennes qui ne vont recevoir aucune aide.

Je me rappelle d’une forte engueulade, en 1996, avec la mère d’une gamine qui faisait le séjour avec moi. Avec les aides de son employeur et de celui de son époux et celles de la CAF, elle bénéficiait d’un montant supérieur au prix du séjour. Elle exigeait que je rembourse la différence, ce que je refusais, préférant attribuer l’excédent à un fond spécial pour aider ceux qui n’avaient pas les moyens de partir.

Elle avait cédé quand j’ai menacé de la signaler à la CAF (ce que je n’aurais pas fait).

L’éducation populaire passe aussi par celle des parents… La petite dame ne pouvait pas comprendre qu'il était indécent qu'elle fasse du bénéfice alors que les animateurs étaient bénévoles et certains mômes n'avaient pas les moyens de partir, parce qu'ils n'étaient pas aidés par la CAF...

Alors les postures morales de principe suite à des décisions de l'Europe qui décide d'obliger le respect du droit du travail quand on critique à longueurs de billets ses positions libérales, moi, hein...

(photo)

12 commentaires:

  1. Nicolas, j'avais vu un reportage là-dessus au 20heures. Et c'est vrai que le reportage était axé sur le fait que des parents ne pourraient plus envoyer leurs enfants en colo ....
    Ce que je trouvais dommage.
    Et bon .... Je me suis dit que du coup l'Europe ferait disparaître le système de colonie.
    Mais à lire ton billet, je ne sais plus ....

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  2. Suite à la disparition dans une colonie de vacances, il y a cinq ou 6 ans, nous (directeurs d'associations organisant des séjours) avions reçu une circulaire ministérielle nous intimant de respecter un certain nombre de conditions pour éviter ce genre de choses, dont le fait de fermer les locaux à clé. Ce à quoi le président des éclaireurs de France avait répondu ironiquement, officiellement et par écrit : "et nous on fait comment on et un cadenas sur nos tentes ?". A force de contraintes technico administratives et de normalisations de plus en plus serrées, on va tuer les libertés...

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  3. Rôôôôô, ça te rend sérieux la lecture du Canard !

    Le point culminant de ton histoire (si je peux me permettre) c'est la fin de son côté bénévole. Oui, envisager une petite prime aux monos pour les aider à acheter leurs bouquins pour la fac, mais de salaire que ouichtre !!!
    La faute à : la judiciarisation de tout le bordel. Il faut payer des putain d'assureurs pour tout...il faut des responsables en cas de soucis...tra-ça-bi-li-té, res-pon-sa-bi-li-té .
    J'ai été mono dans années 80 et personne ne venait te faire chier à te faire signer des décharges et des conneries du genre.
    L'Europe, c'est plein de gnaces qui n'ont jamais eu affaire aux gosses !

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  4. On les a voulus, le sacro-saint “principe de précaution” et le non négociable “risque zéro” : ben voilà, on les a…

    (Personnellement, j'ai toujours considéré la colonie de vacances comme une punition injustifiée. Je n'en veux pas à mes parents mais c'est limite. S'ils avaient voulu que je passe des vacances parfaites, ils m'auraient acheté 20 bouquins de la Bibliothèque Verte et ils m'auraient laissé tranquille dans ma chambre.)

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  5. Ne nous cassons pas la tête ... ceux qui agitent les marchés financiers sont nonobstant les mêmes que ceux qui ont voté la Directive Services du 16 décembre 2006 ... vous savez, la Directive Bolkenstein sur laquelle on leur a fait rendre gorge et qu'ils nous ont refourguée 6 mois plus tard ...
    Eh bien, tout ce qui relève des services proposés par les collectivités territoriales, est condamné depuis cette date ! ... bourses qui s'effondrent ou pas, animateurs surexploités ou pas ! ...
    Tout est bon pour emporter, dans l'opinion et dans les faits, les SP territoriaux ...
    Cela dit, j'aurais pas mis mes mioches en colo, pour un empire ... ayant vu de près comment ça fonctionne ! ... c'est une calamnité de gangréner une bonne idée ... mais tel fut le cas ...Pierre Peyret l'a chanté avec une justesse konpeupafairmieu.
    Amicalement
    Apolline
    ladyapolline@wordpress.com

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  6. @captainhaka
    Tu ferais quelle tête si tu avais en face de toi les parents d'un gamin dont le mono "bénévole" [bon plan pour passer des vacances quand tu n'as pas un rond et que quand même, tu t'amuses bien avec les "gosses"] était si peu qualifié qu'il a inventé de faire faire du scooter de mer aux gamins, mais a oublié que si le "chiard" qui conduit, pile ou emplafonne un autre scooter, celui qui est à l'arrière en passager, va se tuer en cognant sa tête sur la nuque du premier ...
    Ouais, je sais, c'est trash ...mais c'est aussi vrai que celle du mono qui a embarqué ses 20gamins dans une aventure ski de fond un jour où c'était tellement avalancheux, que ton chien, tu l'aurais empêché d'aller pisser dehors ...

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  7. Anonyme,

    Trouve moi une seule statistique qui montre qu'il y a moins de mort maintenant qu'avant en centre de vacances, comparativement au nombre de gamins qui partaient. Trouve moi une seule statistique qui compare la responsabilité des directeurs de centre bénévole "de l'époque" aux "professionnels" actuels qui pensent à gagner du pognon.

    Si tu ne trouves pas, tu peux aller te faire foutre. Dans l'attente, il y a moins de mômes qui partent en vacances.

    Apolline,

    Tu aurais peut-être du les coller dans des colos... Compte le nombre de gamin, maintenant, qui n'ont plus aucune idée de ce qu'est "vivre en société".

    Didier,

    Oui, c'est une catastrophe mais c'est lié à une bureaucratie idiote et à une judiciarisation à outrance, comme dit Captain Haka.

    Captain,

    Toujours sérieux ! Tu as raison... Ou presque ! On a toujours signé des décharges, mais dans l'autre sens. Dans le temps, les parents signaient un truc pour dire qu'ils avaient accepté de filer leurs gamins à une colo (un directeur) qui avait le droit d'en faire ce qu'il voulait (ou presque)...

    GdeC,

    Les Eclaireurs de France ? Ma foi, l'association d'éducation populaire dont je parle ici...

    Oui, c'est ridicule.

    Elmone,

    C'est extrêmement complexe. DPP que je mets en lien souligne une "connerie" de l'Europe à propos d'une bricole alors que ce sont toutes les autres bricoles de l'Europe qui mettent des batons dans les roues.

    Du coup, DPP oublie de défendre le droit du travail. C'est grave.

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  8. On peut passer pour des 'vieux cons' évoquant avec nostalgie le bon vieux temps, avant... j'ai aussi été aux Eclaireurs de France, d'abord ado, puis 'responsable' donc encadrant bénévole, et on n'avait même pas l'idée de vouloir demander quelque rémunération que ce soit pour ces 3 semaines de camp estival. Côté règlementation... je n'ose imaginer tout ce qui serait aujourd'hui banni de toutes les activités que nous faisions avec tant de plaisir : jeux de nuit, randos pendant 3 jours sans encadrement, voile avec des bateaux qui prenaient l'eau, nager dans le lâcher d'eau d'un barrage EDF etc...

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  9. bobiyé! on peut aussi ajouter que cette réglementation envahissante vient de la fameuse régle un fait divers/une loi.

    Sinon bien d'accord sur le BAFA, le droit du travail et le bénévolat.

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  10. Ce qu'on pourrait faire, se serait de coter en bourses les centres de vacances pour trouver de nouveaux financements, non ?
    ;-))

    [Tu as évidemment raison avec le droit du travail incontournable, si non, pourquoi de même salarier les infirmières qui soignent les enfants malades ? Tout est lié avec le bouclier fiscal et l'excessive financiarisation de tout ! :-) ].

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  11. La Gaula,

    Oui, il y a un tas de trucs qu'on ne pourrait plus faire... Les "explos", par exemple...

    Romain,

    Merci !

    La réglementation envahissante vient de ça mais aussi de technocrates débiles.

    Poireau,

    Ca serait une solution !

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  12. De toute façon tu as le droit a un pourcentage de perte...
    Serieusement c'est du grand n'importe quoi .
    Les colo vont devoir embaucher pour le respect du code du travail alors que les monos qui font ça ne demandent qu'a y être 27 h sur 24 (alors que le gars qui travail dans l'agro c'est moins sûr) en poste puisque c'est la base même d'une colo.

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