Depuis que la gauche a évoqué la
possibilité de réformer le quotient familial, la droite a sorti
l’artillerie lourde : ce serait une « folie » que de s’attaquer à ce «
socle de la politique familiale », ce serait la « destruction de la
politique familiale »…
La droite fait d’abord preuve d’une mauvaise foi politicienne qui ne
fait pas honneur au débat démocratique. Les socialistes ont pris soin de
préciser que la réforme envisagée se ferait à enveloppe financière
constante de la politique familiale : il s’agit donc d’un redéploiement
et non d’une réduction, encore moins d’une destruction de la politique
familiale.
L’UMP fait ensuite preuve d’une méconnaissance de la politique
familiale française. Le quotient familial n’est pas son « socle » : il
ne représente qu’à peine plus de 10% de l’ensemble des dépenses
familiales – 13 Md€ sur plus de 100 Md€ au total.
L’UMP est ensuite assez incohérente. Elle prétend partir à la
reconquête des classes populaires. Or que propose-t-elle ? Conserver un
dispositif qui bénéficie de manière disproportionnée aux ménages aisés
(les 10% des familles les plus aisées captent 42% de l’avantage fiscal) :
« la présidence des riches », une nouvelle fois, comme le dénonce
François Hollande. Que propose la réforme ? Rééquilibrer le dispositif
au profit des classes populaires – ces 50% de foyers non imposés à
l’impôt sur le revenu et qui, de ce fait, ne bénéficient pas du quotient
familial. Sans toucher aux classes moyennes : la réforme est neutre
pour elles.
Au-delà de la polémique, il est possible de dresser un bilan lucide
de la politique familiale française. C’est ce qu’a fait Terra Nova dans
un récent rapport : « Politique familiale : d'une stratégie de réparation à une stratégie d'investissement social »
Le rapport souligne l’efficacité de la politique familiale française en matière de natalité. Mais il pointe deux défauts.
Le premier est bien connu : si la politique familiale opère une vraie
redistribution « horizontale » (des couples sans enfants vers les
familles nombreuses), elle est porteuse d’effets inégalitaires
importants en termes « verticaux » (des familles modestes vers les
familles aisées). Ceci est dû au fait qu’il y a peu de prestations sous
conditions de ressources (17 Md€ sur 100 Md€) et, surtout, que la
politique familiale passe pour l’essentiel par des dispositifs fiscaux.
C’est le cas, typiquement, du quotient familial. Au total, pour la
politique familiale française, l’enfant d’une famille riche « vaut »
plus que l’enfant d’une famille modeste. La France pratique discrètement
un eugénisme soft.
Le second est moins connu, et a été pointé par le rapport de Terra
Nova : la politique familiale repose sur une logique de réparation.
L’enfant est considéré comme un coût qu’il faut rembourser aux parents.
Le cas le plus symptomatique concerne les majorations de pensions de
retraite au profit des parents qui ont eu à charge des familles
nombreuses. Ces majorations sont très importantes : 14 milliards d’euros
par an. Elles sont d’ailleurs très inégalitaires : il s’agit d’un
supplément de 10% sur la pension de base (plus la pension est élevée,
plus l’avantage est important), qui plus est défiscalisé. Elles relèvent
à l’extrême de la logique de réparation : la collectivité rembourse aux
parents le coût de l’éducation des enfants, vingt ans après, au moment
de la retraite. Pourquoi ne pas investir ces sommes au profit des
enfants, au moment de l’éducation des enfants ? Car tel est bien la
faiblesse de la politique française : en dépit de dépenses très
importantes, l’investissement dans le développement de l’enfant est
défaillant. Par exemple, les deux tiers des jeunes enfants ne trouvent
pas de solutions de garde en France.
Le rapport de Terra Nova propose, à enveloppe constante pour la
politique familiale, de corriger ces deux défauts. Il propose un
changement majeur : passer d’une logique de réparation, dominée par un
soutien financier aux familles pour compenser le coût de l’enfant, à une
stratégie d’investissement social, centrée sur des prestations de
services au profit de l’enfant et de son développement. Cette stratégie
se veut égalitaire, pour mettre fin à l’injustice actuelle, où tous les
enfants n’ont pas la même valeur pour la République.
Les propositions du rapport s’organisent ainsi autour de trois axes :
− promouvoir le développement de l’enfant par la mise en place d’un service public de la petite enfance (SPPE) et par un plus grand investissement des parents (et notamment du père) via une réforme des congés parentaux ;
− accroître l’équité des transferts de la politique familiale ;
− soutenir les choix conjugaux et la parentalité.
− promouvoir le développement de l’enfant par la mise en place d’un service public de la petite enfance (SPPE) et par un plus grand investissement des parents (et notamment du père) via une réforme des congés parentaux ;
− accroître l’équité des transferts de la politique familiale ;
− soutenir les choix conjugaux et la parentalité.
La politique familiale mérite un vrai débat pour la présidentielle.
Oui , il le faudra ce débat et réfléchir aussi aux allocations familiales versées à tous les parents sans condition de ressources ...
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