En salle

28 octobre 2012

De l'opposition à la majorité [et vice versa !]

« À cet égard, je suis très sévère avec l'opposition. Elle manque de noblesse. Elle est en train de refaire sa campagne électorale. Elle rabâche des sujets pour lesquels elle a déjà plaidé et été battue et désavouée par le peuple. » dit Roland Dumas dans une interview au Figaro. Il dit d'autres choses mais il a raison : l'opposition ne fait pas correctement son boulot. La majorité est dans le même cas. Opposition et majorité viennent de passer 10 ans dans un camp, ce n'est pas facile de passer dans l'autre !

Ce matin, j’écoutais le discours de Gérard Filoche au Congrès du Parti Socialiste. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une personnalité de la gauche du PS, spécialisé notamment dans les questions relatives au droit du travail. Il est très présent dans Twitter et nous papotons régulièrement. Il m’avait impressionné par ses démonstrations lors d’un atelier à propos du « Modèle allemand » lors de l’Université d’Eté du PS.

Dans ce discours, Gégé (oui, on est intimes dans Twitter) nous dit qu’il faut s’asseoir sur la règle des 3% et dépenser du pognon pour relancer l’économie. La question n’est pas ici de savoir s’il a tort ou s’il a raison : « nous » avons été élus en nous engageant à réduire le déficit. Cet engagement a été pris devant les électeurs et c’est cet engagement en particulier qui a fait que le score de François Hollande a dépassé les 50% au second tour de la Présidentielle. C’est sur la base de cet engagement que François Bayrou a annoncé son vote pour François Hollande, ce qui a fait qu’une partie de ses électeurs ont voté comme lui. Le total des voix de gauche faisait 45% au premier tour. C’est presque le plus important de tous les engagements puisque c’est lui qui nous a fait gagner.

Dans son discours, Gégé rappelle qu’on dirige une majorité de communes et de départements, une très large majorité des régions, les deux chambres, le Gouvernement et l’Elysée. Il nous revient de respecter le programme pour lequel on a été élu.

Nous ne sommes plus dans l’opposition mais dans la majorité. Il faut se le rentrer dans le crâne. On se demandait hier si le congrès du Parti Socialiste sert à quelque chose. Il sert à mettre en ordre le Parti pour accompagner le Gouvernement. A force de s’opposer, on en oublie l’essentiel.

Et dans les réseaux sociaux ?

Hier, je suis tombé sur un tweet d’un copain de droite qui disait : « j’emmerde la gauche, incarnation de la médiocrité, de la bassesse et de la faux-culerie. » Je suppose qu’il était saoul ce qui l’excuse à moitié mais cela ne m’a pas empêché de l’unfollower immédiatement. Jamais, quand j’étais moi-même dans l’opposition je ne me serais permis de tenir ce genre de propos. J’aurais pu écrire « j’emmerde CETTE gauche » mais pas « LA gauche ». J’aurais pu écrire « j’emmerde la droite » mais sans le délire suivant qui implique les 52% d’électeurs de François Hollande, avec, parmi eux, tous ses copains.

Et on en revient aux propos de Roland Dumas que je citais en introduction : « À cet égard, je suis très sévère avec l'opposition. Elle manque de noblesse. Elle est en train de refaire sa campagne électorale. Elle rabâche des sujets pour lesquels elle a déjà plaidé et été battue et désavouée par le peuple. » Amis blogueurs de droite, réfléchissez bien à ça.

Et à gauche ?

On tient périodiquement des débats sur la notion de « blogueurs de gouvernement ». Hier, c’était Stef, qui lançait son pavé. C’est un blogueur de gauche, membre des leftblogs, qui a fait toute la campagne avec nous mais qui s’est mis en retrait des blogs, depuis quelques temps. A une époque, j’avais écrit que nous étions très proche (mais je crois qu’il avait soutenu Martine Aubry, pendant la primaire, ce qui montre bien l’imbécillité de certains clivages). Que nous dit-il ?

« Cette notion de blogueur de gouvernement m’ennuie prodigieusement. » Moi aussi. Elle est crétine. Il n’empêche qu’une partie de mes billets, avant l’élection, était pour relayer des messages de la formation politique de laquelle j’étais le plus proche et je ne vois pas pourquoi je changerais maintenant.

« Déjà pendant la campagne présidentielle, les blogs militants étaient franchement chiants, à répéter continuellement les mêmes arguments, idées défendues par leurs poulains, aujourd'hui continuer sur cette voie me semble être une impasse pour le devenir des blogs tels que nous les avons connus. » Tant pis ! On ne verra plus les blogs tels que nous les avons connus. Mon blog connaît une chute d’audience depuis une semaine ou dix jours. Je m’en fous. J’ai quitté le classement machin (à peu près à la même date, d’ailleurs, mais j’ai interrogé des copains blogueurs de gauche, ils connaissent le même phénomène). Je ne suis plus le number one. J’ai unfollowé massivement des gens, je vais nettoyer ma blogroll, … Il faut passer à autre chose.

Ce qui ne m’empêche pas de faire des billets travaillés, comme hier avec la lecture du discours de François Hollande à propos des entreprises, comme avant-hier, avec une réflexion sur l’avenir des banques ou, en milieu de semaine, un billet à propos du droit de vote des étrangers, autre engagement important de François Hollande (important parce qu’il structure la gauche). Le tout entrecoupé de « billets lol » et de critiques de l’opposition.

« Que les militants encartés puissent trouver avec leurs lecteurs un intérêt à continuer ainsi est normal, pour les autres, il serait bon de retrouver un minimum de sens critique. » C’est quoi cette histoire de militants encartés ? J’ai fait la campagne d’un homme puis d’une équipe sans être encarté. Je ne vais pas changer d’avis. C’est quoi cette histoire de sens critique qu’on aurait perdu ? J’ai fait un billet vendredi soir pour critiquer l’augmentation de la taxe sur la bière. D’ailleurs, à chaque fois que le Gouvernement veut créer ou augmenter une taxe, je gueule. J’ai gueulé pendant cinq ans contre Nicolas Sarkozy parce qu’il créait des taxes dans tous les sens, je ne vais pas arrêter.

Tiens ! J’ai fait des billets pour critiquer le Gouvernement qui envisageait de taxer Google pour les liens faits vers la presse parce que je considère ça comme une hérésie. Sans compter que la presse n’arrête pas de taper sur le Gouvernement : qu’ils aillent se faire voir. Taxer les liens hypertext ! Non mais sans blague. Pourquoi pas interdire Internet dont les liens sont la principale composante ?

Je parlais à l’instant de mon billet à propos du droite de vote des étrangers. C’est un sujet à la mode. Je ne suis pas spécialement pour mais je m’en fous : c’était nécessaire pour souder la gauche. C’est un engagement : il faut le tenir. Dans mon billet, je disais qu’on n’était pas aux pièces. Je vais contre l’avis du parti mais semble-t-il dans le sens du gouvernement. Je ne me suis pas fait un avis en fonction de ce qu’il fallait dire ou faire mais en fonction de mon propre sens critique.

« Que veut dire blogueur de gouvernement ? Ne pas en être ne veut pas dire que vous êtes contre le gouvernement, s'en proclamer me semble être un carcan qui empêche d’asseoir son analyse. » Mon analyse est parfaitement assise. Je fais toujours des billets de blogs assis, sauf, parfois, au comptoir ou dans le métro. Je continue à faire ce que je veux dans mon blog.

Il n’empêche…

Quand nous étions blogueurs d’opposition, notre boulot était de défendre notre point de vue et de taper sur le gouvernement, de relever les couacs, … Notre boulot est toujours de défendre notre point de vue mais plus de taper sur le gouvernement et de relever ses couacs. Les blogueurs de droite n’ont qu’à se structurer pour le faire. Un de mes confrères, Bembelly, leur conseillait récemment de créer les « R’Blogs » (Right Blogs). Qu’ils le fassent !

Je vais en finir avec Stef, mon confrère, qui s’interroge à propos des blogueurs de gouvernement. Sa dernière phrase m’est directement adressée, elle mérite bien une réponse ! « Certains s'interrogent sur la fréquentation de leur blog, ne cherchez plus. » Je ne fais que m’interroger sur la fréquentation depuis une semaine ou deux. Elle a baissé. Il faudrait que je tape sur le gouvernement pour retrouver de l’audience ?

Ben non.

Je vais faire comme avant des billets pour défendre mon point de vue de gauche, je vais continuer à rigoler avec les copains (même les vieux, les ivrognes, les gros, les jeunes gros, les réacs, les sympas de droite). Je vais continuer à faire des billets qui me passent par la tête, à m’engueuler avec ceux qui ne partagent pas mon point de vue sur les blogs ou qui m’emmerdent dans Twitter…

Je me fous de l’audience. Je me fous des classements. Seuls m’intéressent la réussite du Gouvernement et les parties de rigolade avec les copains. Je suis un blogueur. De gouvernement ou pas, je m’en fous.

Une dernière chose.

Je lisais, ce matin, cet article de Libération avec cette phrase : « A l’Elysée, on est conscient que le gouvernement «a perdu» la bataille de la communication politique sur le budget 2013. » qui aurait du être à l’origine de mon billet de ce matin si je n’étais pas tombé sur l’interview de Roland Dumas.

On voit beaucoup de propos de twittos et blogueurs de gauche critiquer la communication du Gouvernement. Il n’empêche que le Gouvernement n’est pas là pour faire de la communication mais pour gouverner, pour mettre en œuvre des engagements qui ont été pris devant les Français, pour cinq ans.

Quand nous étions blogueurs d’opposition, nous étions aussi là pour critiquer la communication du Gouvernement. On a d’ailleurs beaucoup critiqué le fait qu’ils agissaient exclusivement pour la communication avec notamment le « un fait divers, une loi ». En fait, cette politique menée exclusivement pour la communication dure depuis plus de dix ans. Rappelez-vous les raffarinades : « Notre route est droite, mais la pente est forte » ou « Quand le cheval trébuche c'est le cavalier qui doit se sentir responsable ». On pourrait même revenir à la campagne de 2002 alors que nous étions au Gouvernement et que Jacques Chirac était Président de la République. On a aussi perdu lamentablement parce que la droite arrivait à communiquer mieux que nous pour mettre des thèmes comme la sécurité en avant. Ne tombons pas dans les travers de la communication : nous n’avons pas d’élections nationales à gagner avant longtemps.

Surtout, nous sommes des blogueurs avec nos métiers différents, nos particularités, … Nous ne sommes pas des professionnels du marketing. Par contre, un blogueur doit pouvoir évoquer tous les sujets et le transformer comme il veut…

Tiens ! Le dernier couac ? Le Premier Ministre lui-même qui grille la priorité au Conseil Constitutionnel ! Et si ce n’étais qu’un exercice de communication ? La presse titrait, le matin, sur l’indélicatesse de Jean-Marc Ayrault, pas sur le revers du Gouvernement… Ca me parait pas mal…

Nous ne sommes pas des professionnels de la communication. Ce qui ne m’empêche pas d’être parfois le premier à gueuler et à demander des « signaux ».

Il n’empêche.

N’exigeons pas au Gouvernement de faire sans cesse de la communication alors que nous avons reproché pendant dix ans (dans les bistros avant l’arrivée des blogs) à la droite de ne faire que de la communication quand elle était au Gouvernement.

La gauche devrait avoir des blogs pour faire de la communication. Des blogueurs de gouvernement soudé derrière une gauche que nous avons contribué à mettre en place.

16 commentaires:

  1. Nicolas, tu merdes tes liens... Tu étais plus attentif quand tu étais dans le eBousin :P

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  2. Dumas n'est franchement pas une référence lui qui avec maître Vergès défendait Kadhafi et Gagbo ......

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  3. Sans aller dans le tout communication le gouvernement se doit de bien communiquer, d'expliquer ce qu'il fait et pourquoi il le fait.
    Les gens ne sont pas tous des imbéciles qu'il faut abreuver de bonne communication (bidon ?) juste avant les élections pour tenter d'obtenir leur vote. Ce sont aussi des "comprenants" qui aiment qu'on leur explique, qu'on leur passe un message.
    Il y a, je trouve, une grande différence entre le "happening" à la Sarko et la pédagogie sur le projet.
    Sarko n'avait pas de projet, il a navigué à vu pendant 5 ans sur le thème action/réaction avec la réussite qu'on connait.
    Aujourd’hui Hollance a un projet et n'est pas dans la réaction. Il doit donc accompagner son projet et son exécution par de la communication qui permette de contrer les arguments de l'oppositions (qui entre nous sont assez simple à contrer).
    Il faut avouer qu'aujourd'hui le gouvernement est nulissime en com et que le projet passe inaperçu. On ne parle que de couacs qui permettent à l'opposition de faire passer le message d’incompétence et d'amateurisme du gouvernement. Et les gens ne peuvent pas faire croire au projet d'un incompétent.
    Je suis donc assez inquiet car on ne reforme pas efficacement un pays dont les citoyens ne vous font plus confiance.

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    1. Thierry, on se fout des messages de la droite, ce qui sera important sera de communiquer sur les résultats. Il faut remettre ces couacs à leur juste niveau.

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  4. ""indélicatesse de Jean-Marc Ayrault"" j'ai trouvé son annonce sur FI tres fine , mais alors il ne devait pas faire d'excuses.
    Mais alors il se serait faire remonter les bretelles par son camp :)

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  5. Et donc la communication est biaisée par tous les trous :)
    Bon dimanche Nicolas

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  6. Ha ! si Bayrou a voté pour Hollande il ne faut surtout pas le décevoir ça serait trop dur pour lui. Heureusement jusqu'à maintenant ça devrait être bon.
    Un détail au passage : le résultat du second tour des présidentielles n'a jamais été la stricte addition du 1er tour

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    1. Ah bon ! Tu penses qu'il faut mépriser les électeurs ? Pauvre con.

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  7. je pense que c'est plus sérieux et plus difficile de soutenir que de critiquer. c'est même plus ennuyeux.

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    1. Mais non. En fin de compte c'est rigolo.

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    2. Tu dois être l'un des seuls à arriver à en faire un truc rigolo, j'ai l'impression que d'autres s'ennuient.

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    3. Je ne suis pas sur ! C'est un beau défi.

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