En salle

12 décembre 2012

Sociologie électorale de comptoir


Je vais sortir un gros mot : sociologie électorale. Deux gros mots, d’ailleurs. Vous chercher ça dans Google et vous tombez directement, en première position, sur cet article du 12 mars 2012. Le titre est « Comment la sociologie électorale prédit une victoire serrée de Hollande » ! Des extraits : « L’étude du comportement électoral des Français sur un période assez longue nous amène à anticiper une victoire, probable mais non massive, de François Hollande le 6 mai prochain ». « La lune de miel sera brève : si l’élection présidentielle constitue bien un moment de forte politisation, les Français n’expriment en réalité qu’une faible confiance dans les hommes et les femmes politiques, d’abord perçus comme des chasseurs de votes et non comme des acteurs décidés à prendre sur les épaules le fardeau de ces évolutions. »

Tout est vrai. On pensait à une victoire massive : elle a été courte. L’état de grâce n’a duré quel quelques mois.

Wikipedia nous dit : « La sociologie du vote est la branche de la sociologie politique qui étudie en particulier le vote et ses déterminants sociologiques. On peut la confondre avec la sociologie électorale dans la mesure où l'essentiel des scrutins considérés ont lieu dans le cadre de l'élection de personnes. »

Moi, je suis un sociologue électoral de comptoir. Par contre, j’ai du mal à comprendre les militants qui nient certaines réalités de la population. Que le militant milite et défende ses idées, c’est la moindre des choses. J’ai une certaine tendance à défendre « le vote utile » lors de certaines élections pour éviter les aléas que connaît bien Lionel Jospin. Il n’empêche que je conçois très bien que certains le refusent pour continuer à défendre ses opinions jusqu’au bout et à défendre ses idées, notamment de mon bord, ceux qui pensent que le Parti Socialiste n’est pas sur une ligne assez gauchisante.

C’est amusant, ces douze dernières heures, je suis tombé sur trois cas pouvant illustrer ce billet.

Le premier : Gauche de Combat répondait à une de mes provocations en se moquant de mon sens politique. C’est très drôle, dès l’affaire DSK, je me disais que François Hollande pouvait bien gagner l’élection. Le deuxième : Babelouest a laissé un commentaire à ce billet de Rosa Elle pour dire qu’il avait écrit à François Hollande le 31 mars 2012 pour lui demander de se désister. « Vu la dynamique qui se développe largement autour de Jean-Luc Mélenchon, il serait certainement souhaitable que vous vous désistiez dès maintenant pour lui, afin d'assurer la victoire de la gauche : après tout, c'est bien ce que vous souhaitez ! »

Mon sens politique serait de dire que c’est impossible : François Hollande a été élu par le peuple de gauche à l’issue d’une primaire. Surtout, mon sens politique serait de dire que Jean-Luc Mélenchon n’avait aucune chance d’être élu (sauf par hasard si Marine Le Pen avait été au deuxième tour avec lui…). Ce n’est pas une question de projet politique mais de sociologie de l’électorat. Mais j’ai beau jeu de commenter bien après coup. Et je répète : ce n’est pas une question de projet politique, je me retrouve dans plein de parties de ce que propose Jean-Luc Mélenchon.

D’ailleurs, je ne vais pas stigmatiser mes camarades du Front de Gauche, certains sont encore plus soupe-au-lait que moi.

Le troisième exemple est dans les commentaires de mon billet d’hier soir, où je parlais de la mauvaise popularité de Jean-François Copé qui en est à 28% d’opinions positives. Pierre dans un premier commentaire niait ce résultat et s’en prenait au sondage. Alors que je lui répondais que c’était pourtant une évidence il me disait que c’était de la foutaise. Il m’a envoyé un ou deux derniers commentaires pour dire qu’il se rangeait à mon avis tout en critiquant toujours le sondage.

Nous allons donc étudier un cas d’école : Jean-François Copé, pour faire plaisir à Pierre.

Tout d’abord, ça a peu d’importance. Sa popularité est une constante dans les sondages (voir par exemple TNS-Sofres qui nous fournit l’illustration de ce billet). Prenez un quidam interrogé. Vous lui demandez « Avez-vous une bonne opinion de Jean-François Copé ? » ou « Avez-vous une mauvaise opinion de Jean-François Copé ? »… Si le quidam en question ne s’intéresse pas à la politique, il répondra en toute logique « non ». Il n’a ni bonne opinion ni mauvaise opinion. Il s’en fout.

Prenez la liste que je diffusais hier, celle du baromètre Paris Match – IFOP. Parmi le top 15 des personnes « à meilleure opinion », on retrouve : un ancien président de la République (Nicolas Sarkozy), quatre anciens Premiers ministres (Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Laurent Fabius et François Fillon), quatre figures historiques de leurs partis politiques qui furent chacune Présidentiables ou ont été candidats (Martine Aubry, Jack Lang, Jean-Louis Borloo et François Bayrou) et un Maire de Paris (Bertrand Delanoë, que j’aurais pu mettre dans la catégorie précédente). Il y a aussi le Ministre chouchou des Français (Manuel Valls) et celui qui a beaucoup fait parler de lui récemment (Arnaud Montebourg), deux Ministres importants (Education Nationale et Economie et finances)… et Christine Lagarde (qui a remplacé un des chouchous des Français précédents). Et parmi ces quinze, tous ne recueillent pas 50% d’opinions favorables…

Ainsi, Jean-François Copé a un déficit de notoriété aggravé par une mauvaise période avec cette crise à l’UMP dont il est désigné comme responsable par l’opinion publique plus favorable à François Fillon ne serait-ce que par la proportion de la population la moins à droite puisque le positionnement politique de Jean-François Copé est plus à droite que celui de François Fillon (ce qui pourrait se discuter).

Je conçois que ça laisse sceptique quelqu’un qui aime bien Jean-François Copé et qui est d’accord avec sa ligne politique mais les faits sont là. J’allais dire « indiscutablement » mais si on ne pouvait plus discuter, au comptoir, on s’emmerderait sérieusement.

C’est amusant que cet idée me vienne maintenant alors que les soutiens de Jean-François Copé ont recommencé à opposer les militants aux barons du parti avec une parole forte de leur chef : « Les députés ne représentent pas les militants » ! Les députés ne représentent effectivement pas les militants mais ils représentent les électeurs… Et savent, a priori, ce qu’il faut aux électeurs pour être élus… Ceci était un cas d’école : l’élection au sein de l’UMP ne concerne que les militants, il leur revient bien de juger. Que l’UMP se débrouille !

Quand Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, ce ne sont pas réellement les militants qui les ont élus candidats (ils étaient chefs de parti et quand il y a eu un choix à faire par les militants, il n’était que pour la confirmation). Mais peu importe : ce ne sont pas les militants qui ont fait les projets politiques mais des conseillers en communication. En 2012, ce n’est pas des militants qui ont choisi François Hollande mais un large panel de sympathisants.

Les militants qui militent croient forcément à ce qu’ils disent et estiment pouvoir convaincre les gens. C’est bien naturel : ils se basent sur leur entourage qui dit amen à tout ce qu’ils disent pour avoir la paix. Je ne jette pas la pierre, je fais pareil.

Ils devraient se demander plus souvent si ça intéresse vraiment les électeurs. Mais ils ont raison de continuer à militer, il n’y a que comme ça qu’on fait bouger les choses.

C’est dommage que les militants oublient tout sens politique au point d’oublier cette putain de sociologie électorale, fût-elle de comptoir…

9 commentaires:

  1. Ah, c'est vrai qu'en partant du principe que la plupart des Français s'en foutent à la base, et que s'ils s'y intéressent ça ne sera pas positif, on peut difficilement imaginer qu'il aura la même côte de popularité qu'un Sarko en 2007. Là, en l'ocurence, le sondage concorde avec la réalité.
    J'avoue, tu m'as mouché...
    Ecoute, merci d'avoir pris la peine d'écrire un billet pour t'expliquer.

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    1. Ce n'est pas pour toi que j'ai écrit ce billet. Il n'aura pas la même popularité sauf s'il change complètement de stratégie.

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  2. Les députés ne représentent pas les militants... Et avec les verts et l'UMP, on a eu la confirmation que les militants ne représentent surtout pas les électeurs.

    Copé sera un cas d'école sur les dégâts du militantisme qui fait perdre les élections au parti dans quelques année... Pour la droite, c'est dommage.

    (d'ailleurs, je remarque qu'après avoir laissé les militants PS élire Royal en 2007, ils ont eu la bonne idée d'ouvrir leur primaire aux nons militants... Ca a eu du bon apparemment...)

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    1. Oui. C'est de la folie. Le plus drôle c'est que je me fais engueuler au prétexte que je ne connais rien parce que je ne suis pas militant.

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    2. On devrait te payer des coups de ne pas être militant...
      (ce que je fais quand je monte ou quand tu descends d'ailleurs ^__^)

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    3. Oui. Faut ma payer des coups.

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  3. tiens, je suis d'accord avec toi pour une fois. Tant pis pour l'UMP et tant mieux pour les autres.

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  4. "fusse-t-elle de comptoir" =>fût-elle

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