29 janvier 2013

Hollande est-il assez à gauche ?

Mon confrère et néanmoins ami Melclalex diffuse les résultats d’un sondage Ifop à propos du positionnement politique de François Hollande (trop à gauche, trop à droite, …). Globalement, 48% des sympathisants de gauche le trouvent « juste comme il faut » et 49% « pas assez à gauche ». Ce résultat me semble logique…

Melclalex conclut son billet par : « par contre je ne sais pas ce qu'en pense mon ami Nicolas qui depuis longtemps "est monté sur le porte bagage de Hollande" (copyright Montebourg style). » Il me faut donc répondre et rappeler ce que je dis souvent : j’ai choisi François Hollande à la primaire du PS, d’une part, parce que j’étais d’accord avec lui sur à peu près tout (sauf le logement) et, d’autre part, parce que j’étais persuadé que c’était le seul à pouvoir battre Nicolas Sarkozy.

Ayant soutenu François Hollande pour la primaire, il m’a paru logique d’être observateur bienveillant dans mon blog (et dans la vraie vie). Je ne suis pas une girouette. Je suppose que ces braves gens qui nous gouvernent ont parfois des impératifs que je ne connais pas. Surtout, il faudra voir la partie de son projet qui sera réellement mise en application à l’issue de son mandat. Pour l’instant, j’évite de taper dessus même s’il m’arrive d’en avoir furieusement envie.

Dimanche, Michel Rocard a fait une interview dans le JDD proposant une réduction du temps de travail et une augmentation de l’âge du départ à la retraite. Mes confrères Romain Blachier et Stef en ont consacré des billets. Je suis pour la réduction du temps de travail. François Hollande ne l’a pas à son programme. Je considère donc qu’il n’est pas assez à gauche. Pourtant, s’il l’avait eu, il n’aurait probablement pas été élu. Et c’est parce qu’il a été élu que nous avons une politique « au moins un peu » à gauche.

Ce qui est reproché à François Hollande par les puristes de gauche est essentiellement sa politique budgétaire. Pourtant, dans ses engagements, il avait la promesse de revenir à un déficit inférieur à 3% en 2013. Au premier tour de l’élection Présidentielle, la gauche a réuni 44% des voix. Pour être élu, il fallait donc aller « chercher » au moins 6% des voix. Aurait-il pu le faire sans afficher cette ligne qui a permis à François Bayrou de dire à ses troupes qu’on pouvait voter pour François Hollande ?

Ainsi, le « plus à gauche que moi tu meurs » me gonfle d’autant qu’il génère un peu trop de positions de principes.

Par exemple, nous avons un débat à propos du mariage pour tous. La droite agite le chiffon rouge de la « Gestion pour autrui ». Le chef des députés UMP l’a encore dit hier : « Après la PMA, "de fait, il y aura la Gestation pour autrui" pour couples homosexuels masculins. » Je connais des andouilles qui vont expliquer qu’à gauche on doit être pour la GPA parce que la droite est contre ou au nom du droit des couples homosexuels à avoir des enfants… Pour ma part, j’aurais tendance à dire qu’exploiter le corps d’une femme est surtout du libéralisme… Autre exemple. J’ai tendance à penser que la « santé » ne doit pas peser sur le travail mais sur l’ensemble des revenus. Or, si je fais un billet pour dire qu’il faut diminuer les cotisations salariales et patronales pesant sur le travail pour la part qui concerne la santé, je risque fort de me faire insulter. Alors que je propose d’inclure les revenus du capital…

Avant la GPA, on aura probablement la PMA. Je refuse pour ma part d’adopter une position « de gauche » par principe. Je ne sais pas quelle est ma position. Je pense que je suis pour parce qu’on n’empêchera pas des charlots de se prendre pour des toubibs et « offrir » le service à des femmes. Il n’empêche que je ne vois pas pourquoi l’argent public serait utilisé pour aider des femmes à avoir des enfants si personne dans le couple n’est stérile. C’est de l’argent public qui va dans le privé : exactement ce que j’ai reproché à Nicolas Sarkozy pendant cinq ans… Le sujet est extrêmement compliqué (et, je me répète, je n’ai pas encore d’avis, je viens de dire ça au hasard) et je ne vois pas pourquoi une position serait qualifiée de droite ou de gauche.

Les « gens de gauche » qui avaient souhaité présenté un amendement au texte de loi pour le mariage pour tous avec la PMA ont fait, à mon avis, une erreur. En mélangeant les sujets, ils faisaient prendre un risque au mariage pour tous. Eviter la PMA maintenant était donc important pour faire passer un texte de gauche. En arbitrant « contre » cette amendement, François Hollande permet donc de faire passer un texte « de gauche » alors que je suppose que la plupart de ceux qui ont répondu au sondage que Hollande n’était pas assez à gauche étaient pour cet amendement.

Il me faut donc répondre à Melclalex. « François Hollande est-il assez à gauche ? » On jugera en 2017. On fera le bilan des cinq ans. Je ne cherche pas à me défiler. Je peux répondre « oui » pour faire plaisir à ceux qui pensent que je vais répondre « oui ». Je peux répondre « non » pour me donner une posture de gauchiste.

Il faut attendre ces cinq ans pour juger de l’évolution de l’Europe, de l’effet des lois de décentralisation, du rééquilibrage du budget, de la baisse des inégalités mais aussi de la fameuse compétitivité qui, dans la bouche de certains devient un gros mot, de l’accès aux soins, à l’éducation, …

Je crois qu’il faut arrêter de mettre des étiquettes pour qualifier la droite et la gauche. Tiens ! Le débat du jour porte sur le mariage pour tous. Ce qui est de gauche est de vouloir l’égalité des droits entre les gens. Soit…

Mais quand je vois un tas de gens de gauche défendre le mariage, je m’amuse.

Hollande n’est pas marié.

18 commentaires:

  1. Hollande , un célibataire donc un Bachelor à prendre
    OK je sors :-))

    mais avant je redis que je suis d'accord sur l'essentiel de ton texte et ce genre de sondage avec les marges d'erreur n'ont aucun sens

    RépondreSupprimer
  2. 100% d'accord avec toi.

    RépondreSupprimer
  3. Montebourg style ? Ce ne sera pas plutôt du Mélenchon style, la métaphore vélocipédique ?

    Sinon, ce fameux “droit à l'enfant” est une aberration pure. Qui a décrété qu'on avait “droit” à un enfant ? Ou à plusieurs ? C'est comme si les hommes d'un mètre soixante brandissait leur “droit” à une taille d'un mètre quatre-vingts. Personne n'a de “droit” à l'e'nfantement. en revanche (à part les personnes stériles, comme vous le notez), tout le monde a la possibilité d'en avoir.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai parlé de droit à l'enfant, moi ? J'ai éventuellement parlé d'égalité des droits.

      Supprimer
    2. Ah oui ! Pardon ! Mais je ne parlais pas en mon nom mais en celui des andouilles dont je parle.

      Supprimer
    3. Mouarf, Didier ! Je suis en train d'écouter le discours de Christiane Taubira (voir mon dernier billet). Elle se fout de la gueule des lascars de droite qui parlent du droit à l'enfant...

      Supprimer
  4. Sinon, j'ai oublié de dire que le président actuel n'est ni trop à gauche, ni trop à droite : il est trop Hollande.

    RépondreSupprimer
  5. Totalement d'accord !
    Je n'illustre pas davantage mon propos : HS par le taff, je pourrais laisser libre court à une colère fondée mais dont le flux serait ...inapproprié ! ... = politiquement incorrect ! :D

    RépondreSupprimer
  6. Ton argument concernant la PMA "argent public qui va au privé" est assez peu pertinent sur le principe : autoriser la PMA ce n'est pas forcément la rembourser.

    Il en serait pas absurde par exemple de l'autoriser, mais de ne pas la faire rembourser par la sécu s'il n'y a pas d'infertilité.

    RépondreSupprimer
  7. L'argument sur la PMA qui représenterait de l'argent public donné au privé n'est pas terrible, à mon avis.

    Il s'agit de savoir ici si on autorise la PMA pour les couples lesbiens, pas si on la rambourse. Personnellement, considérant ta remarque sur le financement à laquelle je n'avais pas pensé, je ne trouverais pas absurde d'ouvrir le droit à la PMA aux couples de lesbiennes, mais pas nécessairement de la rembourser par la sécu.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Désolé pour la modération des commentaires qui t'a poussé à faire deux commentaires proches. Cela étant, relis bien ma parenthèse.

      Supprimer
  8. En ce qui concerne la santé, et sauf erreur de ma part, elle est financée par la CSG pour l'essentiel. Regarde bien ta feuille de paie et la ligne assurance-maladie, avec un prélèvement très faible.
    La CSG n'est par ailleurs pas payée par les entreprises.
    En revanche elle touche les revenus du capital (prélèvement social).
    Pour ce qui est de la PMA et de la GPA, j'espère bien que ce ne sera jamais pris en charge par l'assurance maladie.

    RépondreSupprimer
  9. Plus je te lis, plus je me dis que j'aurais du te connaître avant ;-)

    J'ai exactement la même façon de voir les choses que toi. Notamment sur le fait que si Hollande avait été trop à gauche il n'aurait jamais été élu, et on serait reparti sur un programme libéral pour encore 5 ans...

    Un point quand même au milieu de ton texte où tu écris: "J’ai tendance à penser que la « santé » ne doit pas peser sur le travail mais sur l’ensemble des revenus."

    Tu n'es pas sans savoir que c'est dans le projet de la loi de finance de la sécu, adopté fin 2012 (sauf par les sénateurs communistes qui ont rejeté le texte avec l'UMP...): dorénavant les dividendes sont soumises aux mêmes cotisations sociales que les rémunérations. Et crois-moi ça fait du remous chez des tas de freelances ou petits patrons qui se sont gavés pendant 10 ans. Mais ça, évidemment, la gauche de la gauche n'en parle pas.

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...