04 février 2013

Pas sur la PMA

Avec le rythme de fonctionnement de l'Assemblée Nationale, il faudrait que le blogueur politique travaille 24 heures sur 24. Ne comptez pas sur moi. L'obstruction parlementaire continue. Qu'elle soit pratiquée par la gauche ou par la droite, je n'ai jamais compris ce jeu. Peu importe. L'opposition a tenté, ce week-end de déstabiliser la majorité avec la GPA puis la PMA. Cela étant, j'ai bien l'impression que la majorité n'a pas besoin de l'opposition pour cafouiller sur ces sujets...

Je n'arrive à comprendre comment  ces députés arrivent à manquer de disciple sur ces trucs. Ce n'est pourtant pas compliqué : ils ne sont pas à l'ordre du jour. La loi en cours d'étude est suffisamment importante, voire « clivante », pour qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter une couche de confusion en laissant la presse expliquer que c'est le bordel.

Confusion ?

Vers huit heures, j'ai regardé Facebook. Un député avec lequel je suis "pote" venait d'annoncer qu'il avait défendu le texte à 7 heures ce matin. Je me suis alors rendu compte que les dépêches d'information que je venais de lire sur le net étaient obsolètes. Maintenant, je suis dans le métro, à réagir à une page d'un quotidien gratuit avec un gros titre "le débat n'aura pas lieu". Les quatre cinquièmes sont consacrés à la GPA et le reste à la PMA. Je ne sais pas si cette page est d'actualité compte tenu de ce qui aurait pu se passer cette nuit...

Ainsi, la presse participe à la confusion créée par des parlementaires ou ministres indisciplinés et probablement fatigués (c'est facile de rater une petite phrase après 12 heures dans l'hémicycle). Je comprends les députés qui souhaiteraient accélérer le débat sur la PMA mais ils devraient comprendre qu'il y a un temps pour tout. Quant à la GPA, je me demande pourquoi on en parle à ce niveau... La majeure partie des députés y étant opposés, le débat – même si tout débat est légitime – n'a pas avoir lieu maintenant, à l'assemblée...

On voit dans le journal ce matin que je ne sais plus quel élu qui dit que François Hollande pourrait faire une modification des lois sur la bioéthique au cours de son quinquennat et y introduire la GPA. Et paf ! Quatre cinquièmes d'une page d'un quotidien gratuit !

On voit aussi Patrick Bloche qui a déclaré que la GPA ne se ferait pas car la majorité n’est pas prête. Je n’aime pas ces propos. Ils laissent entendre qu’un jour la majorité sera prête à accepter la GPA. Un de ces jours, ils vont nous dire que l’exploitation du corps d’une femme est un progrès. Sauf sous l’angle « une femme fait ce qu’elle veut de son corps », je ne vois pas comment on peut être pour la GPA quand on est à gauche.

Je ne sais pas ce que le grand public va en tirer. Sarkofrance fait aussi son billet ce matin à propos du couac sur la PMA : « C’est l’un de ces couacs que la Fabrique de l’Opinion affectionne tant. Une ministre rappelle le calendrier; à quelques milliers kilomètres de là, son premier ministre explique qu’il le voit plus tardif. Et c’est l’escalade des tweets et petites phrases et gros commentaires. » C’est probablement vendeur, pour cette presse. Pourtant, elle ferait mieux de nous expliquer les tenants et aboutissements pour qu’on puisse se faire une opinion. Juan en a une « A titre personnel, j’y suis grandement favorable. »

J’aurais tendance à penser qu’à titre personnel, je ne suis pas concerné.

La presse gagnerait dans mon estime si elle consacrait moins de temps aux polémiques qu’à rappeler les enjeux. Tiens ! Jusqu’à il y a quelques semaines, je confondais la PMA et la fécondation in vitro, je ne pensais pas à « l’insémination artificielle ».

Petit 1 : comment peut-on empêcher une femme de se faire féconder ? Ainsi, dans cette future loi, il ne s’agira pas d’autoriser une femme à se faire féconder sans rapport sexuel avec un homme qu’elle aime mais de le faire dans des bonnes conditions. Suzanne a fait un billet suite à reportage qu’elle a vu sur M6. « Il y avait deux lesbiennes qui faisaient appel à un homme qui filait du sperme gratos en cachette de sa femme.  La jonction se faisait dans une chambre de Formule 1. Le gars filait son sperme dans un bocal. […] Sa copine lui enfilait une pipette de ce sperme tiède, et on voyait la fille allongée les jambes en l'air recouvertes d'un drap blanc. »

Petit 2 : la PMA doit-elle être remboursée par la sécu ?
Petit 3 : d’où vient le sperme, faut-il un suivi du donateur ? Le bébé devra-t-il connaître son père ?

En créant une confusion autour de la PMA, la presse limite la question à « une lesbienne peut-elle avoir un môme » ? Du coup, on va en faire une question de principe… A gauche, on répondra majoritairement : oui. Et on oubliera le reste. J’ai posé trois questions. Les réponses sont peut-être disponibles. Je n’en sais rien. C’est à la presse de faire le boulot. J’ai probablement oublié des questions. Tiens ! Je n’ai pas parlé de chiffres… Quel serait le coût ? Combien d’homosexuelles sont-elles concernées ? Les chiffres sont pourtant importants : la médecine a-t-elle les moyens d’aider des gens qui ne sont pas malades ? Mais on en revient toujours à la même question : peut-on faire de l’insémination artificielle (j’ai horreur de cette expression) hors d’un cadre « médical » ?

La plupart de ces questions ont été abordées à l’Assemblée Nationale, ce week-end… Hors sujet puisque ce n’est pas du ressort de la loi en cours d’étude mais l’UMP aurait tort de se priver de rebondir sur les conneries du Parti Socialiste et surtout de ses alliés.

Par ailleurs, on ne salue pas assez la position de Jean-Marc Ayrault qui souhaite n’ouvrir réellement le débat qu’une fois que la question de la Procréation Médicalement Assistée aura été étudiée par le Conseil d’éthique. Le Comité consultatif national d'éthique est un machin qui a été créé par la gauche, en 1983. Ce machin est composé de juristes, de médecins, de philosophes, de théologiens, de journalistes, de scientifiques, …  C’est le seul machin de ce genre au monde qui n’a pas d’autorité de tutelle.

Heureusement qu’on a Wikipedia pour remplacer les journalistes. Ca fait rigoler ces derniers que le Premier Ministre rappelle l’existence de ce machin à partir du bout du monde mais ils feraient de mieux de nous expliquer de quoi il s’agit.

Il me parait important d’écouter les préconisations de cette commission dont les membres sont autrement plus qualifiés que députés écolos, blogueurs, les journalistes et les militants politiques, … même si la décision finales reviendra bien aux députés.

Par exemple, je viens de me proclamer à moitié pour la PMA au motif qu’on peut difficilement empêcher une femme de se faire féconder artificiellement.

C’est un peu léger comme raisonnement.

Ce n’est donc pas le moment d’aborder le sujet. Le Gouvernement a donc déclaré que le projet de loi sur la famille serait étudié par l'Assemblée Nationale après l'avis du Comité consultatif national d'éthique, ce machin créé par Mitterrand pour « éclairer les progrès de la science, soulever des enjeux de société nouveaux et poser un regard éthique sur ces évolutions »

N.B. : à ceux qui trouvent le titre de ce billet crétin, à juste titre, je dois une explication... Mes billets sont automatiquement transmis dans Twitter avec un texte introductif : "Sur PMA" (Partageons mon avis).Le tweet pour ce billet sera donc parfaitement débile : "Sur PMA Pas sur la PMA".

13 commentaires:

  1. la PMA c'est aussi le don d'ovocyte, pas seulement le don de sperme. Une femme, lesbienne ou pas, peut être stérile. Et c'est beaucoup plus difficile d'obtenir un don d'ovocyte...d'où les tarifs pratiqués "à l'étranger" , autour de 5000 euros.
    La PMA concerne aussi bien sûr les couples hétéros

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  2. La PMA passe aussi par le don d'ovocyte, pas seulement le don de sperme. Une femme peut être stérile qu'elle soit lesbienne ou pas. Et pour des raisons évidentes, c'est bien plus difficile d' obtenir des ovocytes. Le coût à l'tranger tourne autour de 5000 euros.

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  3. Bonjour Marsu et Martine, (la même personne, le cas échéant je peux supprimer un des messages, c'est la modération des commentaires qui induit en erreur)

    Si la PMA est ouverte aux couples homosexuels, la majorité sera pour des femmes qui n'ont pas de pb de stérilité et devrait se résumer à des actes anodins (vus de la médecine, pas de la femme) : surveillance des périodes d'ovulation, insémination,... Le coût sera éventuellement lié à la gestion du sperme.

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    1. Nicolas, mon cher, je dois dire que vous voir vous pencher sur ces questions avec un sérieux papal me comble de joie ! Vous vous rendez compte que vous discourez gravement à propos d'une poignée de goudous qui vont se faire engrosser à la seringue ?

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  4. J'ai pas mal suivi ces débats très intéressants.
    Je savais que les députés n'ont pas à être des spécialistes, mais quand même quel niveau ... ou alors quel cynisme ! Les deux clous me semblent être
    1. L'invocation de la "liberté de conscience" qui est la liberté de croire en une religion de son choix ou de ne croire en aucune, à l'appui d'une demande de Maires comme officier de l'Etat Civil et par conséquent de représentant de l'Etat, de pouvoir refuser de marier des couples de même sexe ! ... Allez hop, on prend un concept n'importe lequel pour justifier de mettre aux orties l'universalisme de l'Etat et sa neutralité qui dérive du principe d'égalité.
    2. L'invocation du principe de précaution figurant à l'article 5 de la Charte de l'Environnement [et dans les dispositions aux pollutions figurant au Code de la Santé Publique] pour soutenir des amendements tendant à refuser l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe.
    Pas anodin quand même de se référer au droit de la lutte contre la pollution pour empêcher les homosexuels de fonder, par l'adoption, une famille !
    Sur tout le reste ... je ne comprends pas que notre Gouvernement ait si mal communiqué là-dessus : ça fait des mois que je le clame qu'il est impossible de légiférer sur la "PMA" = en droit l'A.M.P sans que le Comité Consultatif National d'Ethique ait donné son avis puisqu'il est fait pour ça. Et après les parlementaires décident. Puisque dans les Ministères on le sait encore mieux que moi, pourquoi ne pas le dire aux gens avant ?
    Bz

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    1. Oui. C'est passionnant. Moi, ce sont les journalistes qui me gonflent avant tout. Ils font la une avec des conneries.

      Certains députés de gauche, notamment chez les écolos, me gonflent aussi : ils n'ont aucun sens politique. Le dossier est suffisamment compliqué comme ça sans devoir en rajouter. Le Président a tranché : pas de PMA avec ce texte. Ça devrait devenir un mot d'ordre. S'ils n'arrivent pas à comprendre ça, que veux tu que fasse une ministre déjà occupée à répondre à la droite.

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  5. Aux 3 questions, je répondrai:
    - petit 1: personne ne peut empêcher une femme de se faire féconder que ce soit de façon naturelle ou artisanale (mais le géniteur sait ce qu'il fait); pour le faire en clinique, cela dépendra de la future loi (et ça coûtera des sous)
    - petit 2: la PMA est actuellement remboursée quand il y a une stérilité pathologique de l'un ou l'autre des partenaires. Donc pour la rembourser, il faudrait donc que les 2 femmes soient stériles (à moins de prétendre que l'homosexualité est une maladie qui empêche la procréation - tout le monde ne sera pas d'accord) ou alors il faut changer la loi pour rembourser la PMA même sans stérilité pathologique ce qui s'appliquera aussi à n'importe quel couple hétéro (ce qui risque de plomber la sécu !)
    - petit 3: soit on garde l'anonymat du donneur de sperme (ou d'ovocyte) comme c'est le cas actuellement avec les interrogations inhérentes des enfants (qui se rapprochent des adoptés: d'où viens-je ? quelles sont mes racines ?); soit on le lève mais il faut alors strictement l'encadrer pour éviter que le 3ème parent réclame des droits (de visite par ex) au risque de compliquer la famille de l'enfant ou que l'enfant réclame des droits (pension alimentaire ou héritage par ex.) au risque de compliquer la famille du donneur et à terme de tarir tout don.
    Non, ce n'est pas simple du tout !

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    1. Merci pour toutes ces précisions.

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    2. Claribelle,

      "ou alors il faut changer la loi pour rembourser la PMA même sans stérilité pathologique ce qui s'appliquera aussi à n'importe quel couple hétéro (ce qui risque de plomber la sécu !)"

      Pourquoi pensez-vous que des couples non stériles pourraient recourir à la PMA? Par plaisir? Par curiosité? Par excentricité?

      C'est quand même un protocole assez éprouvant destiné à palier l'infertilité... Tant qu'à faire, tirer un coup, c'est plus simple, rapide et jouissif. Et surtout plus efficace quand on est fertile.

      La PMA pour les couples non stériles, ça se conçoit, mais - comment dirais-je ? - il y a comme un rupture de lien logique.

      Disons que ça devrait plutôt concerner les masochistes qui aiment les analyses médicales invasives.

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  6. Je conseille d'aller voir Starbuck :"Alors qu’il s’apprête à être père, David Wosniak, éternel adolescent de 42 ans, découvre être le géniteur anonyme de 533 enfants déterminés à le retrouver." le film est gentillet mais il pose le problème du droit de l'enfant à ses origines et de la licence organisée pour les donneurs de sperme de distribuer leur génétique à l'aveugle. J'ai des copines homo qui se sont adressées à des copains homos et ont eu ainsi des enfants par des voies "simplifiées". Je ne trouve pas anormal de distinguer "le mariage pour tous" (déjà que ça m'énerve cet intitulé) de la PMA qui pose des questions distinctes de la reconnaissance des couples homos. Ce qui devrait être universel c'est la reconnaissance des droits de l'enfant quelle que soit sa filiation. parce que la discrimination n'est pas que celle du genre, mais aussi de l'appartenance sociale, culturelle, du handicap, de la beauté and so on. Un petit môme friqué d'une famille homoparentale sera éventuellement moins emmerdé qu'un petit gitan (par exemple). Je dis ça, je dis rien.

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  7. Beaucoup de commentaires de bavardes ! C'est très bien mais je n'ai toujours que mon iPhone pour répondre.

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  8. @ Nicolas,

    Je vois les choses de façon un peu différente.

    Le gouvernement est dans une position très classique: d'un côté, il ne veut pas se faire déborder par son "aile gauche" (ceux qui sont pour que la PMA, voire la GPA, soient mises rapidement sur la table des discussions). Il faut donc qu'il conserve la maîtrise du calendrier sachant que Hollande n'est pas un fana de la PMA et qu'il est opposé à la légalisation de la GPA.

    De l'autre, le gouvernement ne veut pas donner l'impression de céder à l'opposition. Il faut donc trouver un juste milieu: à la fois museler les ultras, sachant que trois ministres du gouvernement ont cosigné un article favorable à la GPA dans la presse, et rester ferme face à l'opposition.

    Elle-même est aussi dans une position classique: les sondages montrant que les Français sont favorables au mariage homo, mais beaucoup moins à l'accès des homos à la PMA et à l'adoption, et qu'ils sont hostiles à la GPA, elle joue la carte de l'amalgame en plaçant le mariage homo, l'adoption, la PMA et la GPA sur le même plan, sur le thème de la pente glissante: accepter le mariage homo et leur donner le droit d'adopter, soutient-elle en substance, c'est accepter mécaniquement l'ouverture de la PMA aux lesbiennes, ce qui conduira finalement à légaliser la GPA.

    C'est de bonne guerre.

    Par ailleurs, l'opposition, après n'avoir jamais manqué une occasion de se plaindre depuis des mois de l'absence d'un "grand débat national" sur la question du mariage homo, dépose maintenant plus de 5000 amendements tous plus farfelus les uns que les autres et joue l'obstruction, alors que le débat est engagé au parlement (après avoir eu lieu dans les médias et sur internet) et qu'elle peut prendre la parole pour enfin s'exprimer et dire ce qu'elle a vraiment à dire...

    Du grand classique, quoi.

    Tout cela présente néanmoins des inconvénients pour les uns et les autres: à force de se focaliser sur la PMA et la GPA, l'opposition en a fait un sujet d'actualité... ce qui n'était pas du tout l'intention initiale du gouvernement.

    Pratiquer l'amalgame, c'est bien quand ça affaiblit l'adversaire. Mais quand ça place au cœur du débat un sujet dont on ne veut surtout pas entendre parler, ça commence à devenir dangereux.

    En jouant au con, l'opposition risque fort bien de déclencher ce qu'elle redoute le plus: l'inscription d'une réforme de la PMA à l'ordre du jour.

    Sauf que le gouvernement est tiède sur la question: lui aussi a lu les sondages. Prudemment, il avait choisi de renvoyer la question de la PMA à une loi ultérieure sur la famille, examinée normalement fin 2013, option qui permettait le cas échéant d'offrir au projet de réforme de la PMA un enterrement de première classe.

    Mais l'opposition poursuivant son offensive, le gouvernement commence à changer d'avis: après tout, ce n'est pas lui qui a mis le sujet sur la table, mais l'opposition, à force d'en faire une fixette.

    Bref, il est possible que les mâchoires du pièges soient en train de s'armer et que le gouvernement attende que l'opposition mette le pied dedans.

    A part ça, un détail amusant: les cathos s'opposent à la GPA pour des raisons qui sont identiques aux vôtres, semble-t-il: ils n'y voient qu'une marchandisation du corps humain.


    Autre détail: les clercs du CCNE sont très branchés "héritage chrétien" au point que les scientifiques français ont râlé car les préconisations de ce bidule fleurent plus souvent le papier bible que la confiance dans le progrès des sciences.

    J'ajouterais, mais je déborde sans doute du sujet de votre billet en vous disant cela, que certaines lois dites "sociétales" sont d'inspiration catho: la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie et les soins palliatifs (l'euthanasie passive) est un copié-collé du catéchisme issu de Vatican II (1962).

    Qui l'eût cru?

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