« Stupéfaction ? Rage ?
Vengeance ? Indifférence ? Remords ? Honte ? Compassion ? » Plein
d’interrogations que je pique à mon confrère Sarkofrance parce qu’il me
« faut » revenir sur l’affaire Cahuzac pour apporter quelques
précisions et signaler des lectures. Cette introduction de Sarkofrance tombe
bien parce qu’on ne sait pas trop quel comportement adopter.
Certains commentateurs de gauche disent : « dorénavant c’est une affaire judiciaire »
l’air de dire « ce n’est plus notre affaire »
et, comme le Premier ministre hier, d’ailleurs, « on
verra qu’avec nous la justice est impartiale, nananère contrairement à avant
quand c’était la bande à Sarko plouf plouf, z’avez vu comment ils ont tapé sur
le juge Gentil et tout ça. » On est d’accord. La justice, c’est important.
Il faut qu’elle se fasse.
Mais dans l’affaire Cahuzac, je me fous complètement de ce
que pourra conclure la justice dans une affaire vieille de dix ou vingt ans.
Jérôme Cahuzac a avoué. Il est donc coupable a priori. Sauf s’il a menti en
faisant ses aveux, ce qui serait rigolo. C’est vrai quoi ! Comme il avait
menti on ne sait même pas s’il ne ment pas quand il dit qu’il a menti…
Toujours est-il que, pour moi, ce n’est plus une affaire
judiciaire vu que sa culpabilité a été avouée, c’est une affaire de morale
politique. Pas le fait qu’il ait menti devant les représentants de la nation,
je ne sais pas s’il y a beaucoup de ministres qui n’ont jamais menti devant le
Parlement…
Le fait qu’il ait accepté de devenir ministre (chargé du
budget et donc de la lutte contre la fraude fiscale) en sachant qu’il avait
cette casserole au cul et que s’il se faisait baiser il nous foutrait dans la
merde : nous n’avons plus de crédibilité quand nous disons « la
justice, c’est nous, la gauche et la droite, c’est caca ». Et ça
m’emmerde.
On n’aura plus jamais de gouvernement sans soupçon.
J’appelle à la barre Isabelle.
Dans son billet, elle semble indiquer qu’il faut être sans pitié pour Jérôme
Cahuzac. Pas d’accord. J’y reviendrai. « Il y a
beaucoup de blogueurs pour minimiser cette affaire. » Non, il n’y
en a pas beaucoup. Je semble être directement visé par sa remarque. Je réponds :
je ne minimise rien. Il n’empêche qu’à peine l’annonce faite, des twittos ont
commencé à me tomber dessus : « Nananère,
on avait raison, tu avais tort, Plenel est un génie, il faut l’enterrer au
Panthéon. » Ca lasse.
J’appelle à la barre Politicon.
Il nous parle de Bérégovoy (lisez son billet !) puis dit : « Pour Cahuzac certaines des choses qui lui sont reprochées
semblent vraies cependant pendant toute cette affaire on a eu l’impression qu’il
était aussi attaqué parce que trop de gauche ou pas assez. Je ne me permettrais
en aucun cas de le juger et je lui souhaite profondément de rebondir. Je ne
connais pas le fond de l’affaire mais il me semble qu’il ne s’est pas enrichi
grâce à son pouvoir politique ni qu’il ait mit sur ce compte de l’argent
provenant de trafic d’armes. » Je suis d’accord avec lui. Je lui
reproche un fait (voir ci-dessus), je n’en fais pas le procès. Je ne suis pas
sans pitié.
En aparté, je vais aussi citer un commentaire de Suzanne à
mon précédent billet : « Il y a des
chirurgiens qui doivent serrer les fesses, et des laboratoires pharmaceutiques
qui doivent s'agiter et rechercher les meilleurs avocats, depuis quelques
semaines. »
J’appelle à la barre FalconHill.
Je suis d’accord avec une partie de son billet, en opposition complète avec une
autre. Peu importe, lisez-le. Je vais simplement faire deux remarques. La
première est que Cahuzac est mis en cause pour une affaire qui n’a rien à voir
avec sa carrière politique. Il sera jugé. Il a menti (j’allais dire surtout à
nous autres, qui soutenons le gouvernement), sa carrière est foutue et on est
dans la merde. L’affaire « de droite » à laquelle on compare la
sienne a eu lieu dans le cadre de la carrière politique d’hommes politiques,
pour leurs fonctions, pour le financement de campagnes politiques. La deuxième
est que toute la gauche fait des reproches à Cahuzac. Quand Nicolas Sarkozy a
été mis en cause par la justice, récemment, les politicards de droite sont
venus à sa rescousse et ont mis en cause l’indépendance de la justice. FalconHill
semble reprocher à Jean-Marc Ayrault d’avoir insisté sur le fait que « la
justice serait indépendante avec nous » (sous-entendu qu’elle ne l’était
pas avec les autres). Or, ce sont bien « les autres » qui sont tombés
sur le juge gentil, il y a une semaine.
J’appelle à la barre Sarkofrance,
à qui j’ai piqué l’introduction de ce billet. Dans le sien, FalconHill disait,
à propos de la réaction des politiques : « A
gauche ils sont sévères, mais dignes. » Sarkofrance, lui, se pose des
questions. Il se dit choqué par l’affaire Cahuzac et dénonce ceux qui
veulent en tirer des conclusions politiques. « C’est
le cas de Copé, de Le Pen, et de Mélenchon. Désolé du rapprochement mais il est
factuel, direct et me fout les boules. » Pareil ! Même si on y
voit plus clair. Il cite Jean-Luc Mélenchon : « Cahuzac a avoué. Ses aveux en appellent d’autres. Qui
savait aussi et s’est tu ? Comment se fait-il que l’enquête initiale de Bercy n’ait
pas permis de savoir ce que Mediapart et un juge ont su en quelques jours ? Le
ministre Moscovici pouvait-il ne rien savoir ? Où s’arrête la chaine des
mensonges ? Les ennemis de l’amnistie sociale pratiquaient donc l’amnistie de
caste. Un monde de menteurs, de fuyards du fisc et de cyniques révèle son
existence. Du balai ! » Je pourrais répondre à Méluche que
Médiapart ne savait rien de plus mais avait la certitude que c’était Cahuzac
qui était « sur la bande » et que la justice n’en savait pas plus
jusqu’à de récentes investigations et perquisitions
dans les banques Suisses. Méluche appelle maintenant au départ de Mosco. Il en
viendra probablement à Ayrault puis à Hollande. C’est sa stratégie politique…
Celle du « tous pourris ». Comme dirait Sarkofrance : désolé du
rapprochement mais il est factuel, direct et me fout les boules.
J’appelle à la barre Bembelly
qui cite Edwy Plenel : « Jérôme Cahuzac ne
ment pas pour lui, il a menti pour d’autres ». Tant qu'il ne dit pas que les autres ont menti...
J’appelle à la barre, rapidement, Rosaelle
qui pourra répondre aussi à FalconHill. « J'aurais
tellement voulu voir un Gérard Filoche de l'UMP se déchainer contre un pourri
de son camps... »
J’appelle à la barre, aussi rapidement, Guy Birenbaum
parce que je lui pique une illustration pour mon billet.
J’appelle à la barre l’Amiral Woland. C’est un blogueur
réactionnaire mais sa
réponse me parait beaucoup plus digne que certains propos entendus à
gauche. « Vous avez bien craché sur
Cahuzac, pas la peine de lui pisser dessus en sus. » « Autant le dire très clairement, je n’ai que peu d’amitié et
d’estime pour Jérôme Cahuzac. Cependant, la façon dont il se fait lynché depuis
hier soir me dégoute profondément. »
J’appelle à la barre Cyril
Marcant. « En attendant ce jugement, il y a
une rengaine qui revient : "le FN peut remercier Cahuzac, il leur
apporte sur un plateau les clefs de nouvelles mairies, voire de futurs sièges
de députés." » et cite quelques élus qui vont dans ce sens.
Puis : « Mais Cahuzac n'est pas le seul
responsable et ne devra pas servir d'excuses aux prochaines élections en cas de
nouvelle montée du FN. Le FN monte depuis longtemps. En 2012, on pouvait voir
les hauts scores des frontistes en périphérie des grandes villes et dans les
villes de campagnes. Ces hauts scores, et par conséquences ces villes en danger
pour les futures municipales, ne reflètent pas tant l'exaspération des "tous
pourris" que de l'oubli dans lequel ces habitants se pensent enfermer. »
On est d’accord.
J’appelle enfin à la barre Seb Musset
et Politeeks qui
nous rappelle l’important : le gouvernement doit agir contre la fraude
fiscale.
J’appelle beaucoup à la barre, mais pas pour juger. Pour
écouter.
Cette affaire m’emmerde.
Je vais remercier Médiapart et enterrer Cahuzac. C'est plus facile.
Edit : le temps que je mette sous presse et Dedalus a fait son billet. "J’évoquais en début de billet le langage de raison qui serait l’honneur de la gauche pour faire barrage à la montée des populismes. On ne peut visiblement pas compter sur la responsabilité de chacun et Jean-Luc Mélenchon a visiblement choisi de faire feu de tout bois et qu’importe si certaines moisissures dégagent une odeur pestilentielle, il semble quant à lui convaincu, à l’image d’un Jean-François Copé, que c’est en s’appropriant le langage de l’extrême-droite, en accréditant le « tous pourris », l’idée d’un système politique corrompu, qu’il pourra s’en exclure." (même si pour ce qui concerne la montée du FN, je suis plus d'accord avec Cyril). Lisez son billet et surtout la fin, il évoquer un volet que je n'ai pas abordé. En deux mots : Méluche et Copé disent, en gros, que si Ayrault et Hollande ne savaient pas, ils étaient bien naïfs. "On comprend bien là que pour Jean-François Copé, et pour la droite en général – mais donc aussi pour Jean-Luc Mélenchon – la République exemplaire et irréprochable, il serait en réalité très naïf que de faire un peu plus que d’en parler.
Je vais remercier Médiapart et enterrer Cahuzac. C'est plus facile.
Edit : le temps que je mette sous presse et Dedalus a fait son billet. "J’évoquais en début de billet le langage de raison qui serait l’honneur de la gauche pour faire barrage à la montée des populismes. On ne peut visiblement pas compter sur la responsabilité de chacun et Jean-Luc Mélenchon a visiblement choisi de faire feu de tout bois et qu’importe si certaines moisissures dégagent une odeur pestilentielle, il semble quant à lui convaincu, à l’image d’un Jean-François Copé, que c’est en s’appropriant le langage de l’extrême-droite, en accréditant le « tous pourris », l’idée d’un système politique corrompu, qu’il pourra s’en exclure." (même si pour ce qui concerne la montée du FN, je suis plus d'accord avec Cyril). Lisez son billet et surtout la fin, il évoquer un volet que je n'ai pas abordé. En deux mots : Méluche et Copé disent, en gros, que si Ayrault et Hollande ne savaient pas, ils étaient bien naïfs. "On comprend bien là que pour Jean-François Copé, et pour la droite en général – mais donc aussi pour Jean-Luc Mélenchon – la République exemplaire et irréprochable, il serait en réalité très naïf que de faire un peu plus que d’en parler.
Ce n’est pas être naïf, Monsieur
Copé, c’est être simplement respectueux de nos institutions, respectueux
de la République elle-même. C’est être exemplaire, justement. Et ça
nous change !"
Nico, je ne reproche rien à Ayrault. Que je n'ai pas trouvé bon sur la forme, mais rien à reprocher sur le fond. Je trouve juste amusant la manière dont les soutiens des socialistes ont récupéré l'élément de langage de la soirée d'hier.
RépondreSupprimerLes communicants ont encore de beaux jours devant eux en tous cas.
Ne dis pas "juste amusant", le vieux GOUX va te tomber sur le poil.
SupprimerAh non, c'est "juste faux" qu'il tacle.
SupprimerQuant à "nous n’avons plus de crédibilité quand nous disons « la justice, c’est nous, la gauche et la droite, c’est caca »", ça, je ne te le fais pas dire.
Non ! Il tacle tous les "juste".
SupprimerSi la Justice se fait, alors on ouvrira tous les dossiers de pédophilie étouffés par le haut de la pyramide. Alors on pourra de Justice. Pour le moment c'est un simulacre.
RépondreSupprimerLe rapport ?
SupprimerC'est que les gens qui s'offusquent des méfaits du blanchiment d'argent n'imaginent pas à quel point cette info n'est en soi pas choquante. Enfin je trouve. Non pas que je veuille défendre Cahu, mais les réactions scandalisées par rapport à cette affaire me semblent disproportionnées.
SupprimerMoi aussi, cette affaire m'emmerde et elle ne m'a fait ni chaud ni froid. On donne l'impression d'une Justice qui fait son boulot, mais on est encore loin du compte.
Bonne journée!
Merci.
SupprimerLe pb Cahuzac, c'est l'existence de l'ISF
RépondreSupprimerDrame de l'ambition... S'il n'avait pas souhaité être ministre, c'est à dire avoir une sorte d'espèce de pouvoir et de gloire, il pourrait continuer de jouir tranquillement de sa fortune. Et pourquoi avoir choisi le PS pour y parvenir ? Par amour des pauvres et de la justice sociale ou simple opportunisme ?
RépondreSupprimerPour les conséquences, on verra bien. Ne croyant pas à la "République exemplaire" cette affaire ne change rien. Ne croyant pas un instant en la moraline dont la gauche badigeonne son discours, je ne vais pas jouer les vierges outragées.
Le "tous pourris" ne fait pas partie des outils qu'on trouve dans ma boîte. Je dirai plutôt "tous humains" du haut jusqu'en bas de l'échelle sociale.
Tous humain, oui, Jean-Paul Delevoye a dit un truc très juste sur la tentation sur France Info aujourd'hui.
SupprimerOui Fred et Jacques.
SupprimerJ'ai toujours pensé qu'il était très dangereux pour la gauche de se placer sur le terrain de la morale.
RépondreSupprimerSi... Mais en interne.
SupprimerGauche ou droite, c'est la même chose ! On parle bien de carrière politique, et dans le monde du travail, il y a très peu de moral ! Il y a très peu de moral un peu partout en fait.
Supprimer"La justice, c’est important."
RépondreSupprimerSauf que dans les affaires politico-financières, la justice doit faire face à une puissance (relations, argent) qu'elle n'a pas. Le nombre d'affaires (+ ou - importantes) sur la période Chirac qui n'ont rien donné est explicite, alors que les faits étaient établis (ex : Juppé, son logement et celui de son fils, pas de poursuite, pour une faute d'une importance mineure, mais symboliquement forte).
Autre chose : je suis pour la présomption d'innocence, mais elle a été dévoyée par le pouvoir politique, qui s'est d'ailleurs fait une loi sur mesure.
La république recule chaque fois un peu plus. Et qu'en l'occurrence la gauche soit fautive, cela me fait d'autant plus mal. Responsabilité individuelle ou pas.
Bonne soirée
Thomas
Que faire ?
SupprimerSerrer les dents, continuer ?
RépondreSupprimerEn dehors de la personne de M. Cahuzac, je ne crois pas que "ces gens-là" fassent partie de mon monde. Je ne le leur reproche pas : avoir de l'argent, de l'influence, n'est pas un "péché". Simplement qu'ils se revendiquent de gauche ... j'ai du mal. Les prises de gauche de M. Sarkozy m'ont ouvert les yeux (Oui, je suis ridicule ...) : à ce niveau d'influence, je pense que les vraies convictions se font rares.
Mais je ne veux pas troller. Je m'arrête là, mais j'ai juste le blues.
Bonne soirée
Cdt
Thomas
Ben oui. Faut continuer. Le reste ne sert à rien.
SupprimerCette affaire mélange la justice et la morale.
RépondreSupprimerQuand quelqu'un ment, ce ne sont que de la parole, du vent.
Quand quelqu'un comme un ancien président US se fait prendre avec une dame qui aime les charcuteries, personne n'est lésé. Mais la "morale" puritaine en a décidé autre-ment.
Quand un homme politique français soustrait de l'argent à la transparence fiscale, c'est tout le peuple qui est lésé. C'est ce que Cahuzac vient d'avouer (à la Justice de le confirmer). D'autres, au lieu d'avouer, menacent des magistrats, et là on descend très bas. Cahuzac peut relever un peu, juste un peu, la tête : il a eu le courage d'avouer.
Bab, je t'aime. On n'est évidemment jamais d'accord sur les solutions mais à peu près toujours d'accord sur les constats.
RépondreSupprimerA la barre ?
RépondreSupprimerDéçu : je croyais que tu appelais tes amis plutôt au... bar.