En salle

06 avril 2013

Les mémoires de François Hollande - la première année

Je viens de relire le deuxième chapitre du deuxième tome des mémoires de François Hollande qu'il a écrites en 2024, à l'issue de son deuxième mandat. Le premier tome s'arrête au soir du second tour de la primaire. Le premier chapitre du second tome évoque la campagne pour la présidentielle. Je vous livre le début du second.

Je me retrouvais ce soir du 6 mai 2012 dans mon bureau du Conseil Général à Tulle. Je venais d’être élu Président de la République. Il me fallait préparer mon discours aux Corréziens avant de rejoindre Paris retrouver ce peuple qui m’avait élu. Je ne pouvais m’empêcher de penser au chemin parcouru, ces 18 derniers mois, bien qu’il ne me restait plus qu’un pack de six 1664 pour arroser ça (j’avoue, c’est une fiction, et je personnalise un peu) que je ne pouvais même pas finir pour ne pas devoir interrompre mon discours pour aller pisser.

En novembre 2010, Henri Emmanuelli nous avait réunis dans son deux-pièces du Bourget : Martine, Ségolène, Marylise, Dominique, Lionel, Laurent et même Jack. A la deuxième bouteille de Vieux Papes, il s’est levé et a fait tinter son verre avec son couteau pour annoncer qu’il allait parler : « Mes amis, mes chers amis, ça ne peut plus durer. Depuis trente ans que le Parti Socialiste est un des vrais partis de gouvernement, nous sommes incapables de rester au pouvoir plus de cinq ans et de mettre en œuvre des réformes durables pour le bien de nos compatriotes. J’ai longuement discuté avec Dominique : il est d’accord, il ne peut pas être Président. Seul François peut incarner ce rôle de rassembleur de la gauche tout en ayant une chance d’être élu. Je vous propose une stratégie qui nous permettra de transformer la France, progressivement, en cette belle République socialiste dont nous rêvons tous, faisant bouger le monde entier avec nous. » J’en avais les larmes aux yeux. Il nous avait exposé sa stratégie.

Tout s’était déroulé jusqu’alors comme prévu. Dans la première partie de mes mémoires, j’ai relaté cette primaire. Les amis ont joué leurs rôles, ceux qui étaient présents ce soir là, comme Martine, Ségolène et Dominique, mais aussi Arnaud, Manuel et Jean-Michel. La France ne sait pas ce qu’elle doit à Dominique qui, en provoquant ce scandale, mi mai 2011, a fait que le Monde entier avait les yeux rivés sur la gauche française et, surtout, le peuple de gauche était effondré. Son principal espoir, celui qu’il pensait « pas de gauche » venait de tomber. Le peuple de gauche s’est mobilisé pour ces primaires, remettant le projet au cœur de la politique. Chacun des candidats à la primaire a pu jouer son rôle pour mobiliser des parties de l’électorat. Certes, les scores de Ségolène et d’Arnaud nous ont étonnés, mais conformément à ce qui était prévu, seuls Martine et moi étions au second tour et les autres s’étaient rangés derrière moi pour mieux symboliser cette union. Cette union sacrée.

Ce soir du 6 mai 2012, à peine élu, j’avais de lourdes responsabilités sur les épaules. Selon le plan d’Henri, il me fallait porter cette union sacrée et tout le plan pendant 10 ans, jusqu’à ce que je puisse passer le bâton à mon successeur. Nous pensions déjà à Manuel mais tant d’années allaient s’écouler.

Dès la fin de mon discours à Tulle, j’allais mettre en œuvre la deuxième partie de son plan en rentrant à Paris dans un jet privé pour laisser s’installer le doute, doute qui devrait ne plus quitter les électeurs jusqu’à ce que les premières réformes que nous prendrions non seulement prennent de l’effet, ce qui ne pourrait se faire qu’avec un début d’embellie économique, mais surtout soient visibles, au quotidien, par les Français qui se diront : ils ont réellement travaillé. Il nous fallait passer ces 10 années de droite où les annonces de réformes se succédaient sans aucun changement majeur dans la société à part un recul de notre modèle social.

La fête à la Bastille fut somptueuse et belle ! L’enthousiasme battait son plein mais dès le lendemain, il fallait se mettre au boulot.

Le 7 au matin, je réunissais Martine, Henri et Jean-Luc dans mon bureau du QG de campagne. Il nous fallait persuader Jean-Luc de continuer et d’accélérer progressivement sur la voie du populisme et de l’outrance de manière à faire exploser les clivages traditionnels pour isoler de plus en plus l’UMP tout en contrôlant le Front National. Pour l’UMP, nous n’avons pas trop eu à forcer la dose. Jean-François Copé, bouffi d’ambition, a fait de grosses bourdes tout en courant après Marine Le Pen. L’histoire dira que Jean-Luc a tenu son double rôle puisqu’il lui fallait aussi donner une envie de gauche aux électeurs socialistes qui continueraient à me suivre.

(J’ai un peu divergé, là… Je vais continuer)

L’après-midi, tous les quatre, nous recevions François Bayrou. L’union sacrée devait s’étendre, durablement, bien au-delà de la gauche. Il nous fallait faire des réformes économiques durables, c’est-à-dire que le modèle économique que nous avions à mettre en place devrait être stable pour que l’économie marche correctement. François Bayrou n’était pas spécialement d’accord avec ce que nous voulions mettre en place mais confirmait qu’il fallait de la stabilité. Nous étions donc tous d’accord sur le fait qu’il fallait éviter le retour de cette droite UMPiste sans aucun projet économique à long terme mais capable de gagner des élections sur des thèmes foireux… François Bayrou n’avait pas de rôle spécifique à jouer dans une première phase mais nous avions besoin de lui pour la suite. Il m’avait aidé à gagner. Je devais le remercier tout en lui expliquant pourquoi je n’allais pas l’aider à retrouver son siège de député.

La première année a été assez dure mais conforme à ce que nous avions envisagé. Il nous fallait rapidement focaliser les oppositions sur nous. De fait, dès l’été, nous avons commencé à perdre tous les soutiens, à part ceux de quelques blogueurs abrutis.

Il fallait créer ce ras-le-bol qui générerait un terrain favorable à de grandes réformes tout en mettant en place les premières briques du changement, le vrai, pas celui du slogan, celui avec des mesures impopulaires à gauche parce qu’elles allaient montrer la rupture avec le 20ème siècle, celle d’une vie avec un salariat majoritaire dans un monde en pleine évolution et un progrès technologique dont l’aboutissement était affreux mais inéluctable : nous ne reviendrons plus jamais au plein emploi. Le travail ne serait plus le moteur de l’économie et le salariat n’était plus l’avenir, il nous fallait inventer un nouveau modèle social, un nouveau modèle économique. Mais nous ne savions pas trop où nous allions puisqu’il nous fallait entrainer nos alliés Européens.

Dès ma première rencontre avec Angela Merkel, nous avions eu la confirmation qu’il ne fallait pas compter sur celle. Nous nous sommes donc appuyés sur le traité Européen pour que le peuple de gauche fasse une fixation sur ce modèle économique libéral éculé (toi-même !).

Manuel a très bien joué son rôle dès le départ. C’est sa mission qui était la plus urgente. Et celle de Jean-Yves… Manuel a desserré l’étau dans les banlieues permettant aux trafiquants divers de s’épanouir mais aussi aux réseaux islamistes de rapidement rebondir et former des terroristes. Dès l’élection, nous avons laissé pourrir la situation au Mali. En janvier, les terroristes ne se sentirent plus pisser et firent ce que nous avions prévu : marcher vers Bamako, nous permettant de lancer une opération militaire parfaitement organisée en secret depuis quatre mois, piégeant l’ONU et tous nos alliés. Mon image se formait petit à petit : pépère mais prenant les bonnes décisions rapidement. Jean-Luc a joué son rôle à merveille : en critiquant la participation à la guerre, il a permis à chaque citoyen de réfléchir à cette intervention, évidemment indispensable, tout en reprenant fierté pour la France, distillant une dose de nationalisme qui nous serait favorable par plusieurs côtés.

(Il va falloir que j’arrête de diverger, je ne sais plus où je voulais en venir et je vais être en retard pour l’apéro).

Les conditions étaient alors réunies pour passer à la deuxième phase. Avec mon grand ami Edwy, nous avions commencé à la préparer. Il avait commencé à diffuser des informations sur Jérôme et un soi-disant compte en Suisse. Après Dominique, c’était Jérôme qui allait se sacrifier. Le deuxième puissant qui allait tomber. La réhabilitation de Dominique allait être longue, celle de Jérôme plus amusante puisqu’il n’avait pas de compte en Suisse !

Je raconterai celle de Dominique en détail dans un prochain chapitre. Tout le monde en a entendu parler. Personne ne sait que j’ai tenu personnellement, pour le remercier, à m’y impliquer en personne. Lors de ce fameux voyage à New York, c’est nos services secrets qui ont poussé Mme Dialo a porté plainte contre moi pour viol prouvant ainsi au monde entier qu’elle n’était qu’une mythomane. Le scandale a duré 24 heures puis le monde entier était plié de rire. Et en plus, elle suce mal… Cela étant, à l’âge que j’ai maintenant, je ne regrette pas cette péripétie. Vous auriez vu la tête de Valérie quand je lui ai expliqué que je me faisais éponger par devoir patriotique ! Heureusement que je n’étais plus avec Ségolène, d’ailleurs.

Revenons à Jérôme. Edwy avait fait monter la pression pendant trois ou quatre mois et, conformément à nos prévisions, la justice a fini par ouvrir une enquête. Ca a néanmoins duré un peu plus longtemps que prévu puisque nous aurions voulu que ça arrive juste après le vote du mariage pour tous à l’Assemblée Nationale. Une bricole ! On s’amusait bien, on se disait qu’il allait nous falloir intervenir dans un processus judiciaire contre un des nôtres pour pouvoir enfin installer l’indépendance de la justice. Ubuesque. Mais on n’a pas eu besoin d’aller jusque là…

L’important n’était pas là. Il nous fallait créer un gigantesque tsunami politique en France avec le ministre du budget pris la main dans le sac suivi de la révélation, à l’échelle mondiale, d’un gigantesque scandale autour des paradis fiscaux.

C’est Dominique qui s’est chargé de ce volet. Il n’avait plus que ça à faire et connaissait bien les milieux. Je ne sais pas comment il s’est débrouillé pour recueillir toutes les informations. Toujours est-il que le jour prévu, un disque dur compromettant est bien arrivé dans les locaux de cette association internationale de journalistes.

La phase deux était en marche… Nous avions montré la collusion entre les milieux dirigeants et les cercles financiers. Les instances internationales (UE, FMI, BCE, …) se sont trouvées totalement affaiblies et ne pouvaient nous empêcher, avec l’aide de Barak Obama, de démanteler un par un les paradis fiscaux. Angela Merkel a été balayée et nous avons pu construire l’Europe telle que nous la connaissons actuellement, celle à la porte de laquelle le Royaume-Uni pleure pour rentrer à nouveau, maintenant.

(L’heure de l’apéro approche)

(Même pas, d’ailleurs, Tonnégrande n’est pas là aujourd’hui et Corinne et sa mère sont en vacances).

Je vais revenir sur cette première année mais je tiens à remercier Henri, d’abord, qui nous a motivés pour adhérer à son plan global, Dominique et Jérôme qui ont pris des risques et à tous les autres, dont, bien sûr, Jean-Luc et François, qui est resté mon premier ministre de 2015 à 2020 et avec lequel j’ai pu mettre en place une vraie politique de redistribution tout en faisant croire à la gauche que je gouvernais à droite parce que la gauche est ce qu’elle est : il faut taper sur le patronat. J’aurais bien aimé nommer Martine avant à ce poste de Premier Ministre mais il nous fallait tarder pour mener ce brusque virage à gauche effrayant la population de droite pour assurer l’élection de Manuel avec 77% au second tour face à Jean-Luc qui a réussi, aussi, un joli tour de force en mobilisant tous les nationalistes derrière lui au premier tour. Je remercie aussi Ségolène qui a pris deux ou trois fois le risque de sombrer totalement, une fois en ratant volontairement sa campagne pour les primaires et une fois en perdant la législative pour pouvoir tenir son rôle actuel de Présidente de l’Union Fédérale et Socialiste Européenne qu’elle a tant contribué à monter.

(amen)

37 commentaires:

  1. En forme! Beau billet!

    RépondreSupprimer
  2. Wouah! Super. J'ai apprécié . Encore svp.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Mais on ne peut pas être inspiré tous les jours.

      Supprimer
  3. Tsss, l'inspiration c'est le programme Tv dimanche soir sur TF1...

    Amike

    RépondreSupprimer
  4. ça sent le printemps ! Tout est en fleur dans ta cervelle !
    :D
    Plein de bises amicales !

    RépondreSupprimer
  5. lol. Faute de ne pouvoir rien maîtriser, faisons mine d'avoir tout organisé.

    Quand les blaireaux se prennent pour des aigles.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et les trous du cul les commentent anonymement.

      Supprimer
  6. Le meilleur est à venir, lorsque les enquêteurs ouvriront le coffre à Singapour et trouveront du nuoc mam , fait de restes de poisson d'avril.
    Bon WE

    RépondreSupprimer
  7. Très réussi, belle illustration de la possibilité de toujours réécrire l' Histoire en feignant d'en avoir été l'organisateur.

    Je ne sais plus dans quel poème Prévert explique comment le Christ faisait des miracles: quand il voyait un arc-en-ciel, il lançait "Que la pluie cesse!"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Je pense que toute l'histoire a été écrite ainsi. Je n'étais pas en 732 à Poitiers.

      Supprimer
  8. Je viens chez toi pour avoir les dernières nouvelles de demain.
    Plus fort qu' Edwy Plenel ! Je m'abonne.

    RépondreSupprimer
  9. C'est bien beau tout ça, mais je vois que toutes ces histoires ont empêché l'arrivée du printemps. J'aimerai bien savoir QUI l'a planqué dans un paradis fiscal.

    RépondreSupprimer
  10. J'allais lire ce billet et puis je me suis aperçu que cétait l'heure de l'APERO !!!!
    Bon, je le lis avant ce soir... (si je survis)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'apéro à 15 heures. Pauvre France.

      Supprimer
    2. Il y a des gens qui se couchent tôt.

      Supprimer
    3. Ben oui, dans le Sud, il fait beau, et on mange à l'heure espagnole...
      Bon, je rigole ; il fait pas si beau que ça...
      mais on peut réver...."tanquam aegri somnia"...

      Supprimer
  11. Décidément tu tiens un vrai filon dans la politique-fiction. Bravo ! Encore ! (C'est vrai que par moment, la politique-pas-fiction....)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Que vient faire François filon dans cette histoire ?

      Supprimer
  12. Parenthèse inattendue ?… que nenni puisque déjà exploré par toi, mais toujours aussi agréable a lire. On tient notre nouveau Marc Lévy ;-).

    RépondreSupprimer
  13. Ô c'était bô ! Franchement pas le scénario que je voudrais voir se réaliser, mais il y avait là du Jacques Bainville, que dis-je, du Michelet !

    RépondreSupprimer
  14. Le president est rentre de Tulle pour reflechir et consulter par telephone. Il t'a appele ?

    RépondreSupprimer
  15. Trop beau pour être vrai mais beau billet ! :-)

    RépondreSupprimer
  16. Pourquoi 2024 ?
    On est repassé à un septennat en 2017 ?
    Belle fiction sinon.

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...