En salle

05 juin 2013

La droite, la gauche et les riches

Amusant comment ce mot a pu faire le tour de la blogosphère, surtout de gauche, en quelques jours, depuis l'annonce de la baisse du plafond du quotient familial. On a l'impression que des lascars ont découverts avec stupéfaction qu'ils n'étaient pas pauvres.

Peu importe ! Les commentaires sont allés bon train, notamment suite à mes billets et il convient d'y répondre, notamment à ceux qui évoquent la différence entre vivre à 4 avec 5000 euros à Paris et en province.

Première remarque : si le couple qui gagne 5000 à Paris prend les mêmes boulots en province, il est fort probable que le gain baisse à 4000 euros. Ça dépend évidemment où et tout ça...

Deuxième remarque : le couple en province devra avoir deux voitures.

Troisième remarque : le couple à Paris pourra habiter un pavillon de banlieue à une heure de transport, comme il bosse une heure de moins, il ne perd qu'une heure par jour.

Quatrième remarque : on peut faire des théories avec n'importe quoi. Comme mes commentateurs, je ne m'en prive pas.

Ainsi, le type (de gauche) qui va gagner 5000 euros par mois avec son épouse s'autorisera à penser qu'il n'est pas riche. Le type (de droite), dans les mêmes conditions, dira franchement qu'il le mérite. Et le blogueur hirsute ne reculera devant aucune caricature. Sauf qu'il décrit la vérité : j'avais même un commentateur qui m'expliquait sereinement que l'Etat piquait de la richesse aux riches ce qui les empêchait de créer de la richesse pour donner aux pauvres.

La vie est belle. Ce nouveau torchon de droite qui s'appelle l'Opinion ose bien refaire une couverture sur le thème : trop d'impôt tue l'impôt.

Un autre commentateur m'expliquait que le taux de prélèvements obligatoires atteignait 56% en France. Ce à quoi j'ai répondu : non, abruti, il est de l'ordre de 45% et nous pouvons privatiser les retraites, il redescendra à 30%. Le problème quand le blogueur de gauche perd pied avec son propre pognon, c'est que l'abruti libéral s'autorise au trollage.

Ainsi, en sortant cette histoire pour expliquer que le riche a plus de pognon que le pauvre, ce qui nous donne une définition assez claire des deux mots, on s’autorise n’importe quoi. Heureusement, le pauvre n’a pas de pognon pour acheter un ordinateur pour écrire des conneries dans les blogs, il est occupé à boire son RSA au bistro du coin.

Le plus rigolo est qu’on n’en arrive pas à opposer le pauvre au riche mais les riches entre eux. Il y a les bons riches – moi – et les mauvais riches – l’autre. Moi, je mérite d’être riche, j’habite Paris, j’ai travaillé beaucoup quand j’étais jeune alors que l’autre, il a eu de la chance de faire des études et de trouver du travail après mais il ne mérite pas de gagner quatre fois le SMIC à 50 ans.

A gauche, on est mal à l’aise, certes. Mais à droite, on tourne neuneu. Prenons Corto, par exemple. Au hasard, hein ! Il découvre avec cette histoire de quotient familial que Jérôme Cahuzac était un menteur. Non, pas au hasard. Il parle des blogueurs de gouvernement. Il est probablement en mal de reconnaissance. Désolé de le lire, mais je n’avais rien d’autre à faire en faisant caca ce matin.

« Certains blogueurs de gouvernement imputent à l'équipe précédente, pour l'année 2012,  la création de 10 milliards d'impôts en plus. » C’est mal. C’est de la faute de Dedalus, je cite son billet, d’autres le citent ou me citent et la nouvelle fait le tour du web. Il a dit : « En 2012, le pouvoir d’achat des Français a fait les frais d’une hausse de 14 milliards d’euros de hausses d’impôts. Sur ces 14 milliards, 10 milliards sont les fruits de mesures fiscales prises par la droite et le gouvernement Sarkozy-Fillon. » C’est pourtant la vérité mais ce brave Corto a besoin de faire un billet pour démontrer que c’est faux.

Ma collègue Berthe a une robe rose, ce matin. C’est surprenant. Mais vous avez le droit de faire un billet pour dire que c’est faux. Surtout, faites n’importe quoi en conclusion.

Corto conclut son billet : « Et toujours cette vérité que le socialiste met un point d'honneur à oublier: Trop d'impôt, tue l'impôt. » Il va finir par réussir à nous démontrer que Nicolas Sarkozy et François Fillon n’avaient pas augmenté les prélèvements obligatoires tout en faisant exploser la dette.

On se distrait comme on peut mais je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse se mentir à ce point là. Imaginons que François Hollande se plante. Je continuerai probablement à penser que sa politique était la meilleure et je voterai à nouveau pour lui parce que je ne veux pas d’un retour de la droite au pouvoir. Il n’empêche que je ne me mentirai pas et constaterai le plantage. Quoi qu’il en soit, je ne sous-entendrai pas que les blogueurs du camp d’en face mentent en affirmant que mon camp a augmenté les impôts. Au mieux, j’utiliserai des documents très sérieux, comme un rapport parlementaire sur l’évolution des prélèvements obligatoires (pdf), pour en savoir plus.

Se mentir à soi-même est grotesque.

Je dis ça sans méchanceté, hein ! Mais tant que les gens ne sauront pas analyser froidement la situation et se mentiront bêtement, le débat n’avancera pas.

Répétez après moi : un couple qui vit avec 5000 euros par mois vit avec cinq fois plus qu’un couple qui vit avec 1000 euros par mois.

Le couple qui vit avec 5000 euros a moins besoin d’aide que le couple qui vit avec 1000 euros mais le couple qui vit avec 5000 euros mettra plus d’argent dans l’économie pour la faire tourner. Répétez : la dette de l’Etat a augmenté de 600 milliards sous Nicolas Sarkozy ce qui fait au bas mot 10 000 par Français. Il n’a pas eu de chance, il a eu une grosse crise au cours de son mandat, crise qui continue par ailleurs, mais il avait commencé son mandat par diminuer les impôts pour les plus riches. Le précédent mandat, celui de Jacques Chirac, avait d’ailleurs commencé par une forte baisse de l’impôt sur le revenu parce qu’il avait comme slogan « trop d’impôt tue l’impôt ». Quand on voit la situation du pays maintenant et la droite qui ressort ce slogan, c’est d’ailleurs drôle.

Ainsi, l’imposition des plus riches a proportionnellement beaucoup moins monté que celle des plus pauvres. On peut donc s’autoriser à augmenter de 80 euros par mois l’impôt de ceux qui gagnent plus de 6000 euros par mois sans même avoir à calculer ce qu’il a gagné en imposition sur le revenu.

Ensuite, on prendra Google et on cherchera « prélèvements obligatoires sarkozy ». Le premier résultat sera cet article des Echos qui nous explique que : « L’Insee souligne que les mesures votées sous Nicolas Sarkozy (budgets 2012 de l’Etat et de la Sécurité sociale) «représentent environ 15 milliards d’euros», soit environ les deux tiers des hausses de prélèvements en 2012. Principales hausses décidée dans le cadre des plans de rigueur Fillon : la création d’un taux de TVA intermédiaire à 7 % (2,1 milliards), la désindexation du barème de l’impôt sur le revenu (1,8 milliard), la modification des abattements pour durée de détention sur les plus-values immobilières (1,6 milliard) ou encore la hausse de 1,2 point des prélèvements sur le capital (1,1 milliard), etc. » Ainsi, les blogueurs de gouvernement auraient menti. La droite n’aurait pas augmenté les prélèvements obligatoires de 10 milliards d’euros en 2012 mais de 15 milliards.

« Les mesures du collectif budgétaire de l’été 2012 (gouvernement Ayrault) ont quant à elles générées «environ 7 milliards d’euros», note l’Insee. Elles incluent notamment la contribution exceptionnelle d’ISF (2,3 milliards d’euros), la suppression de l’exonération sociale des heures supplémentaires (1 milliard), le paiement anticipé de la contribution exceptionnelle d’IS (1 milliard) et la nouvelle hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur le capital (0,8 milliard). »

Ca fait moins de la moitié. Je pourrais même faire un raisonnement un peu tordu : sur les 7 milliards, 4,2 portent sur les plus favorisés (auxquels on pourrait ajouter la « refiscalisation » des heures supplémentaires puisque ceux qui font des heures supplémentaires gagnent, quoi qu’on en dise, plus ceux qui n’en font pas…).

On va faire un deuxième exercice pour vérifier si vous maitrisez correctement Google. Cherchez : évolution des inégalités. Vous tombez sur cet article de l’observatoire des inégalités. Je ne dis pas qu’ils sont objectifs mais leurs données sont fiables. « Les inégalités de revenus se sont accrues au cours des dix dernières années. Le revenu annuel moyen des 10 % les plus modestes s’est élevé de 400 euros entre 2000 et 2010, celui des 10 % les plus riches de 8 950 euros. » Je dis ça pour l’exemple mais vous avez le droit de lire l’article en entier.

On y découvre que les pauvres sont pauvres et que les moyens sont moyens et que les riches (les fameux 10% de la population qui touche le plus d’oseille) a un niveau de vie qui a augmenté deux fois plus que les autres en 10 ans. On y  découvre aussi que les très très riches sont encore beaucoup plus très très riches qu’avant.

Que les riches soient riches, c’est très bien. Nous allons dire qu’ils créent des richesses. Alléluia. Par contre, les moins riches même parmi les riches ne bénéficient pas de cette création de richesse ce qui nous permet de nous foutre de la gueule des salariés qui restent libéraux tout en se faisant enfiler de première. Les mesures fiscales prises depuis dix ans (même un peu avant… soyons objectifs…) ont amplifié le phénomène.

En français : il y a de plus en plus de pauvres et de plus en plus de riches. Ce n’est pas sérieux. Comme il n’y a plus de classe moyenne ou presque (mon ami Seb en fait la démonstration mais je vais en faire une autre : si le riche à 5000 euros par mois à Paris est jaloux du riche à 4000 euros par mois en province, il y a un problème), il faut bien répartir le pognon différemment, c'est-à-dire à coups de pied dans le cul et d’impôt.

Dans l’attente, si le gauchiste à 5000 euros par mois veut taxer plus ceux à 10000 euros, il doit pouvoir penser que le gauchiste à 2000 euros veuille le taxer également.

Le droitard sera quant à lui invité à étudier la liste des taxes créées par Nicolas Sarkozy. Vous pouvez lire à haute voix, il y en a de très rigolotes.

9 commentaires:

  1. mouhahah Corto qui devient fan de la courbe de Laffer, faut dire que c'est tellement bete comme idée que ça marche sur les neuneus rentiers.

    RépondreSupprimer
  2. on m a signalé que l on parlait d un de mes billets, je viens donc voir. Même si ça coûte.

    hey, ducon, parce que tu es vraiment très con: " C’est pourtant la vérité mais ce brave Corto a besoin de faire un billet pour démontrer que c’est faux."

    Ou as tu vu que je cherchai à démontrer que c'est faux ? J'ai écrit: " Certains blogueurs de gouvernement imputent à l'équipe précédente, pour l'année 2012, la création de 10 milliards d'impôts en plus. Soit. " Je ne remets pas en cause les hausses d'impôts de l'ère Sarko.

    Je te savais pourri, aigri, utilisant des bouts de phrase pour mieux dénigrer ceux qui n ont pas l 'heur de te plaire, mais en plus, tu es malhonnête. En clair, t'es une ordure.

    Tu peux bien évidemment effacer ce commentaire ou l utiliser à toutes fins perverses comme tu sais si bien faire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "On" t'a signalé ? C'est moi, en réponse à ton commentaire chez Didier. Pour le reste, tu fais un billet à charge contre le gouvernement et tu tournes tes phrases pour décrédibiliser les blogueurs de gouvernement.

      Tu crois que c'est moi qui suis aigri ! Relis tes billets...

      Supprimer
    2. Abruti, goux ayant activé la modération, je n avais pas vu tes commentaires tous aussi délirants les uns que les autres. la chose est entendue: il faut que tu ailles consulter.

      Supprimer
    3. Con ! Les heures de nos échanges, avec Didier, prouve qu'il publiait les commentaires en direct.

      Tu as oublié de répondre à Dedalus sur les 15 milliards. Mon pauvre garçon, tu n'as aucun fond. C'est un plaisir de te tourner en ridicule.

      Supprimer
  3. @Nicolas
    Deux remarques que tu pourras évacuer d'un bah !!

    1) Je ne pense pas qu'un couple puisse vivre avec 1.000 euros par mois. Survivre peut-être mais vivre, j'ai un sérieux doute. D'un côté on a des nantis qui feront face à n'importe quel imprévu sans souci (Ah zut je me suis cassé un ongle) et de l'autre côté des gens qui devront choisir entre réparer la voiture pour aller travailler et se faire soigner une dent. Donc on des existences difficilement comparables.

    2) Les pleureurs à 5.000 euros à Paris ont fait le choix de vivre à Paris. Ils assument et ils sont priés de s'écraser. Si vivre à Paris ne leur convient pas, ils peuvent aller en province, et y découvrir que le rapport qualité de vie / fric est surement à revisiter.

    Le problème des nantis est que leur niveau de vie engendre une myopie généralisée de ce qu'est la vie quotidienne. Giscard s'était fait torché sur le prix du ticket de métro, quand tu étais un jeunot. Rien n'a globalement changé. Les riches ne savent pas qu'ils le sont. D'autant qu'ils sont confortés par de distingués zéconomistes qui les poussent à se plaindre un peu plus chaque jour.

    On a encore du plaisir en perspective.

    RépondreSupprimer
  4. @elzede : "Si vivre à Paris ne leur convient pas, ils peuvent aller en province, et y découvrir que le rapport qualité de vie / fric est surement à revisiter".

    Et si tu n'as de job comparable en province, tu fais quoi ? tu pointes à pôle emploi ?

    RépondreSupprimer
  5. Grand billet, magistral, clair, explicatif, limpide. Bravo. C'est une très belle démonstration.
    On dirait même que tu as été au-delà, touchant un point sensible chez certains, les mêmes qui bavaient en utilisant à tout bout de champs le mot "tabou", ce qui les ramenait au côté "analytique" de la chose (en gros ce qu'il y a en commentaire plus haut)
    T'es con, t'as pas accepté "les codes de bienséance de la société", te rends tu comptes du mal que tu fais ?
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Tabou

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...