«
Il y avait hier soir un
reportage d'Envoyé Spécial sur la cité de Villeneuve, à Grenoble. Je l'ai
trouvé émouvant. Il y a quarante ans, des architectes, des urbanistes
rêvaient de mixité sociale, de quartiers modernes, agréables à habiter, et bien
faits. »
C’est
Suzanne qui raconte dans son blog. Rapidement… Ce qui me sidère, moi, c’est
que l’on continue, aujourd’hui, à refaire les mêmes erreurs que pendant cette
période, quand on a découvert qu’il fallait construire des logements en masse,
alors qu’il me parait important de dépasser cette mixité sociale en allant vers
une « mixité totale », mélangeant les immeubles d’habitation, les
commerces et les bureaux.
J’en suis persuadé depuis toujours mais cela m’a encore
sauté aux yeux lors d’un récent séminaire professionnel dans une relativement lointaine
banlieue. Après avoir galéré avec les transports en commun, je me suis retrouvé
devant d’immenses immeubles de bureaux, sans un commerce, sans un chat dans les
rues,… Mais des grands parkings vides, des grandes allées,…
Les concepteurs devaient être saouls. Et les écolos
devraient se battre contre eux plutôt que contre le gouvernement. J’ai vu qu’Eva
Joly voulait s’allier avec le Parti de Gauche. J’attends de voir leur position
commune sur les sujets européens. Mais je ne suis pas là pour médire sur les
écolos, je l’ai déjà fait hier et avant-hier…
Petit 1 : nous avons en banlieue, d’immenses zones de
bureaux, inhumaines, laides,… Bossant à la Défense, je sais ce que c’est. La
Défense n’est pas désagréable à vivre mais supporter les flux de circulation de
gens est abominable. Les autres zones de bureaux sont bien pires.
Petit 2 : nous avons en banlieue de sympathiques centres-villes,
avec des commerces, des habitants,… Le Kremlin-Bicêtre est bien pour cela mais
ma ville natale voit ses commerces déserter le centre.
Petit 3 : nous avons en banlieue des zones
pavillonnaires remplies de braves gens qui passent deux fois une heure par jour
dans des transports en commun mais qui on la joie de pouvoir faire un barbecue
dans leurs jardins.
Petit 4 : nous avons en banlieue des immenses zones
commerciales avec un tas de magasins monumentaux où s’entassent les andouilles le
samedi et voudraient bien le faire le dimanche aussi.
Petit 5 : nous avons en banlieue des gigantesques
hypermarchés, souvent dans ces zones commerciales (mais pas au Kremlin-Bicêtre,
on n’est pas cons ! En plus du Leclerc on a un immense Auchan en centre
ville, c’est quand même bien pratique de ne pas avoir à prendre sa voiture pour
acheter des packs de bière).
Petit 6 : nous avons en banlieue des zones avec des
immeubles normaux où il fait bon vivre, occupés par les classes moyennes.
Petit 7 : nous avons en banlieue des zones avec… des
banlieues. Des tas de barres d’immeubles moches avec des espaces verts pour
faire plaisir aux écolos et parce que les architectes pensent que ça fait
plaisir aux pauvres d’avoir des coins pour que les mères de familles puisse
promener leurs enfants sans avoir pensé que ces coins seraient infestés de
merde de chiens et de dealers, ce qui revient à peu près au même.
Enfin, nous avons aussi en banlieue des équipements
collectifs, publics ou privés, des hôpitaux, des théâtres, des salles de sport,
des stades, des piscines, des aéroports, des cinémas, des écoles,… C’est
important d’y penser aussi… Quand je vois que des clowns vont dans des cinémas
dans des centres commerciaux d’hypermarchés dans des immenses zones
commerciales, je m’interroge.
Tout cela génère un certain nombre d’inconvénients.
Petit 1, qui se discute : les zones où habitent les
gens sont moches, tristes,… Soit on habite en immeuble, soit on habite en
pavillon mais habiter en immeuble dans une zone sans commerce (y compris sans
bistro, hein !) et sans tout ce qui permet d’avoir une activité normale
est déprimant. Et génère probablement la majorité des problèmes de nos
banlieues. On dit qu’il faut faire des équipements sportifs pour occuper les
jeunes des banlieues… Ca ne va pas changer leur cadre de vie.
Petit 2 : cela génère de l’étalement urbain. Les villes
prennent de la place aux campagnes. Vous avez un hypermarché avec à côté un
grand parking, ça prend de la place : le parking devrait être en sous-sol et
les étages devraient avoir des bureaux ou des habitations. Au dessus de notre Auchan,
à Bicêtre, nous avons le siège de la production informatique du Crédit Agricole
d’Ile de France (je crois).
Petit 3 : cela rend impossible l’optimisation des transports
en commun. Regardez le RER A à la Défense, le matin. Des milliers de types descendent
le matin et les rames repartent à vide. dez maintenant la ligne 7 du métro au Kremlin-Bicêtre,
dans le sens nord sud, le matin. Le métro arrive avec les salariés du siège du
Crédit Lyonnais et ceux du Crédit Agricole et repart avec des habitants de Bicêtre
qui vont travailler.
Si la moitié des salariés de la Défense travaillaient dans
une zone équivalente à l’est de Paris, le RER A serait beaucoup plus facile à
optimiser… Et si toutes les entreprises de la Défense étaient réparties autour
des terminus des métros, la vie serait bien plus belle pour les andouilles
entassées.
Petit 4 : l’étalement urbain a une autre conséquence, c’est
qu’il faut y aller. Il faut prendre sa voiture pour acheter de la bière ou pour
aller au métro. Il faut des lignes de bus et tout ça. Ca génère de la pollution
et du temps de transport. Quand je vois la vie de mes collègues qui ont choisi
d’habiter en lointaine banlieue pour des raisons de cadre de vie que je
comprends très bien, cela me déprimer. Prendre la voiture pour amener les mômes
à l’école puis trouver une place de parking près de la gare et sauter dans un
train de banlieue ou un RER puis changer de RER pour arriver à la Défense. De
la folie. A Bicêtre, je vois les voisins, ils amènent les gamins à pieds à l’école
puis sautent le métro.
Petit 5 : l’étalement urbain augmente les zones où il
faut garantir la sécurité… Donc il y a plus d’insécurité.
Que faut-il faire ?
On ne résoudra pas tous les problèmes en claquant des
doigts. Les transports en commun s’améliorent progressivement. Les nouvelles
lignes de tram ou de métro fleurissent lentement. Néanmoins, mon séminaire en
banlieue m’a montré qu’on continue à faire des conneries.
Petit 1 : il faut arrêter le développement de zones
commerciales et des quartiers de bureaux. Il faut que les grands magasins et
autres hypermarchés soient mêlés avec les quartiers d’habitation.
Petit 2 : on arrête la construction de centres commerciaux
et de galeries marchandes avec plein de petits commerces. Les petits commerces
doivent être près des gens, dans la rue d’à côté, sous leur appartement ou à
cinq minutes de bus
Petit 3 : on ne construit plus d’immeubles d’habitation
sans commerces ou entreprises.
Petit 4 : on arrête de faire « des quartiers de
banlieues » avec des équipements, pelouses, pensées par des types dans des
administrations. On fait des quartiers de ville, avec des rues bordées d’immeubles
avec des commerces dessous.
Petit 5 : en encourage les grosses entreprises à
construire leurs siège le long des lignes de métro ou de RER, de tramway,… dans
des zones essentiellement résidentielles.
Petit 6 : dans les grandes villes, on ne construit plus
de grands magasins qui ne soient pas accessibles par les transports en commun.
Notez bien que je n’ai pas prôné la suppression des
hypermarchés. Il en faut, c’est moins cher et c’est bien pratique. Mais la
boutique Orange n’a pas besoin d’être dans sa galerie marchande.
On fait des quartiers mixtes !
L’intérêt de l’entassement urbain au niveau de la protection
de l’environnement est évident : plus les gens sont rapprochés, moins il
faut de transport et moins on prend de place sur les campagnes.
L’intérêt du mélange de tout (habitations classes
populaires, moyennes, supérieures, bureaux, commerces,…) est multiple, ne
serait-ce que rendre la vie des gens moins triste. Prenons un exemple au hasard :
moi. Je n’ai pas de cinéma à côté de chez moi. Il me faut prendre le bus puis
le métro et aller dans un cinéma dans une galerie marchande (Italie 2, en l’occurrence
parce que c’est ce qu’il y a de plus près de chez moi). Le résultat est simple :
je ne vais plus au cinéma.
Le but du jeu n’est pas de faire « youplaboum on mélange tout on intégrer les pauvres et on
sauve la planète » ou de satisfaire mon envie de balancer des
bombes atomiques sur les centres commerciaux mais de ramener de l’activité en
permanence.
Prenons les bistros. S’il n’y avait pas de grosses entreprises
à Bicêtre, les bistros ne trouveraient pas une clientèle suffisante pour satisfaire
un niveau de qualité correct. Concrètement, la Comète fermerait à 19 heures… C’est
pareil pour tous les commerces, je suppose. Un marchand de chaussures
travaillera avec les employés de bureau comme avec les habitants du coin.
Pourquoi ce billet ?
C’est bien sûr le billet de Suzanne qui le déclenche mais,
au début de cette note, je parlais d’un séminaire professionnel. C’était à
Vélizy-Villacoublay ou à Meudon la Foret, à quelques centaines de mètres de Vélizy
2. Je parlais d’un quartier avec que des bureaux.
Deux choses m’ont choqué.
La première : que des grandes entreprises s’installent
dans des coins de banlieue parisienne sans accès par le rail. C’est très
fréquent en fait. Elles vont dans des coins où c’est moins cher. Le tram (la
ligne 6, je crois) arrive à Vélizy, les loyers vont augmenter… Il n’empêche que
les boites doivent penser aussi à l’intérêt de leurs salariés, à leur confort.
La deuxième : que le quartier soit totalement vide d’autre
chose que des bureaux. Au moins, à la Défense, il y a quelques habitants et des
commerces un peu partout.
La troisième, la plus importante : les immeubles
étaient presque neufs.
Il y a encore des élus en France qui accordent des permis de
construire sans s’intéresser à l’intérêt de leurs administrés.
Eva Joly peut toujours crier sa haine du gouvernement (j’abuse).
Il faudrait surtout que les élus locaux écolos fassent leur boulot.
La mixité sociale, c'est bien. Elle ne suffira pas à régler les problème. La mixité doit être totale.