En salle

20 janvier 2014

Gouvernés par des clowns ?

« Mais visiblement, ils sont plus occupés par leur caleçon que par la situation des citoyens qu'ils disent servir. Ca fait 10 ans qu'on est gouvernés par des clowns et j'en ai ma claque. » Ainsi se termine le billet de ma copine Fiso qui donne son avis après avoir vu l'émission de Taddeï où des braves gens débattaient de la vie privée des présidents.

Je ne vais pas évoquer le sujet à nouveau. C'est à propos du gouvernement pendant dix ans par des clowns que je souhaite lui répondre. Ça ne fait pas dix ans mais ça date de la nuit des temps. Je ne remonterai pas jusqu'à la préhistoire. Commençons à la révolution. Pour imposer la République (je fais court, pas historique), les clowns d'alors mirent en place un État très fort et tentaculaire. Tout était dirigé depuis Paris avec du personnel aux bottes dans tout le territoire.

On a décidé, à cette époque, que l’Etat pouvait tout. Du coup, on attend tout de ceux qui nous gouvernent.

Faisons un bond dans l'histoire. Après la guerre, les clowns ont créé la sécu et tout ce qui va avec. Je ne critique pas le fond mais la forme. On s'est retrouvé avec de nouveaux organismes tentaculaires ne dépendant plus de l'Etat mais des partenaires sociaux. Ce n'est pas anodin, le budget de ces machins est supérieur à celui de l'Etat.

Allons faire une virée vers les années 60, vers la fin des 30 glorieuses. On s'est retrouvé avec tout un tas de trucs gérés par des syndicats et des hauts fonctionnaires : tout le secteur public. D'un autre côté, on avait une industrie forte et un pouvoir politique à la ramasse mais fort : la France était une grande puissance, on faisait la guerre partout, on avait des colonies (enfin, peu de temps avant...). L'Etat finançait la guerre, les grands travaux,...

Un jour, un clown avec un gros nez a dit : on va faire l'élection du chef au suffrage universel. Ce n'est pas anodin : les Français votent pour un gugusse, lui filent les clés de la boutique et retournent au bistro,...

Le problème avec internet c’est qu’on a l’impression de pouvoir lui donner des consignes en tweetant depuis le comptoir avec son smartphone.

N'ayant plus trop de guerre à faire, le pouvoir politique s'intéresse à la France. Mais c'est désespérant. Tout est régi par des hauts fonctionnaires.  Tiens ! Le préfet du département de la Seine est quasiment le type avec le plus de pouvoirs en France. Du coup, les clowns sont obligés de casser son département en quatre pour lui faire fermer sa gueule. C'est amusant : il a fallu 50 ans pour qu'on envisage de revenir en arrière...

Après, il y a eu mai 68. Les événements ont peu d'importance, c'est la date qui est symbolique. La libéralisation de la société. Les clowns d'alors se mettent au goût du jour. Ils font des lois pour dire que le racisme c'est mal et pour autoriser l'IVG. C'est aussi amusant : 40 ans après on a des nouveaux réacs qui mettent tout ça en cause.

En 1981, des nouveaux clowns arrivent au pouvoir mais ils se rendent compte que tout l'appareil d'Etat est aux ordres de fonctionnaires plutôt du camp d'en face. Tonton, le chef des clowns, dit alors : on va faire la retraite à 60 ans pour virer les vieux fonctionnaires puis la décentralisation pour donner moins d'importance à l'appareil d'Etat puisque ce dernier finit toujours par se retrouver aux mains de lascars de droite. Pour se faire, il s'entoure de jeunes prometteurs issus de la promotion Voltaire de notre école nationale d'administration.

Les années passent, les clowns passent de droite à gauche et de gauche à droite mais, en 1997, le chef des clowns constate qu'il ne plus rien faire, la crise économique dure, c'est la merde.

Comme si un clown était là pour faire quelque chose. D’un autre côté, la dissolution nous a bien fait rigoler.

Donc, le clown fait la dissolution pour avoir de l'air mais, pas bol, ce sont les clowns d'en face qui gagnent. Ce n'est pas la première cohabitation mais c'est la seule longue en période de reprise économique.

Le clown de Matignon fait une belle politique qui plait bien à ses électeurs : les 35 heures. Mais il privatise un peu trop et dit des conneries comme : "l'Etat ne peut pas tout" ou "mon projet n'est pas socialiste". C’est mal.

Les deux clowns de l'époque se disent "bon une page est tournée, on va faire le quinquennat". Et nous voila quasiment dans les 10 ans…

En 2002

Les deux clowns d’avant participent à l’élection pour la succession mais l’un d’entre eux, le clown de gauche, n’a pas trop de bol. A force d’avoir dit des bêtises, il n’est pas présent au deuxième tour. Le clown de droite se retrouve donc face à un type encore plus à droite. On se croirait en 69, ce numéro devrait plaire à Fiso. Bouleversement et tout ça.

Toujours est-il que le clown de droite se succède à lui-même. Il est formé à l’ancienne école, avant le quinquennat et laisse ses sous-clowns gouverner. Appelons-les Raffarin et Villepin, pour l’exemple. Ils succèdent à Jospin, le clown de gauche d’avant et font le job. Ils gouvernent. Mais n’importe comment.

Ils commencent par nommer à des ministères importants des personnes issues de l’industrie et pas du tout politiques. D’ailleurs, le deuxième clown, Villepin, n’est lui-même pas vraiment un politicien : il n’a jamais été élu. C’est un gars issu de la grande école d’administration que je citais, de la promotion Voltaire avec les bébés utilisés par Mitterrand, le clown de 1981… Il ne s’est jamais battu sur le terrain auprès des électeurs.

En 2007

Le vieux clown de droite prend sa retraite et c’est un jeune clown de droite qui prend sa suite. Il est élu haut la main. Appelons-le Sarko, pour cette belle histoire. C’est le premier clown qui commence le cirque avec un quinquennat. Les députés seront élus pour la même période que lui. Du coup, contrairement au vieux clown, il se met à gouverner lui-même et le peuple s’y habitue.

En 2012

Un nouveau clown est élu et la clique de clowns d’avant est balayée mais le peuple il aime bien que le clown en chef se montre et gouverne.

Reprenons

Il y a en France deux camps politiques principaux. La droite et la gauche. La droite a quasiment toujours tout dirigé. Mais la droite est dite conservatrice. Elle ne veut pas faire bouger la société. Elle est gestionnaire. Mais à partir du moment où elle n’a plus de raison de faire la guerre, elle s’ennuie un peu, elle commence à faire bouger la société. Du coup, c’est la gauche qui a gagné. Elle est dite progressiste et a un projet de société.

De fait, la droite n’a pas de projet. Elle veut gérer. Elle veut relancer l’économie et faire des machins mais sans projet.

Dans cette histoire, j’ai loupé deux étapes.

Il y a d’abord la mondialisation (et l’Europe). Non seulement, le pouvoir économique n’a jamais été dans les mains de l’Etat mais en plus, il échappe complètement à la France. Ensuite, il y a eu les progrès technologiques qui ont permis une modification de l’information au public. On a eu les radios libres, puis les télés du même métal puis internet.

L’Etat n’a aucun pouvoir sur l’économie mais la succession de clowns ont profité dénouvomédias à des fins électorales faisant croire obompleuple qu’il dirige, qu’il gouverne, qu’il a des gros pouvoirs, qu’il va sauver le monde. Du coup, les Français sont persuadés qu’il est important.

Prenons un exemple au hasard. Le clown qui venait de l’école d’administration, la même promotion que notre clown en chef actuel, il a dit un jour : pour sauver l’emploi et casser le chômage, on va faire le Contrat Première Embauche pour les jeunes. C’est un bel exemple de n’importe quoi. La droite a dit : c’est bien. La gauche a dit : c’est mal. Le machin est voté puisque les clowns de droite sont majoritaires. Mais le peuple dit aussi : c’est mal. Alors le clown en chef dit : ah oui, c’est vrai c’est mal. Un nouveau type de contrat de travail ne servira pas à créer de l’emploi alors ils font une nouvelle loi en urgence pour supprimer ce machin, nouvelle loi complètement abrutie mais peu importe.

Un des clowns suivants a dit : pour résoudre le chômage, il faut de la croissance. Allons chercher la croissance avec les dents.

Toujours est-il que ça fait quarante ans qu’on est en crise économique et qu’on entend ce genre de connerie alors qu’on sait très bien que ce n’est pas l’Etat qui nous sortira de la crise économique. Mais, à droite, ils sont étatistes : ils sont pour l’ordre, la grandeur de la France et tout ça. A gauche, ils sont antilibéraux. Du coup, personne ne peut dire : « l’Etat ne peut pas tout ». Un clown l’a dit, il a été balayé.

Gouvernés par des clowns

Oui. Par des clowns qui nous disent : on va vous sortir de la crise. Et on fait la connerie d’y croire.

Le jour où l’on n’y croira plus, on ne sera plus gouvernés par des clowns.

Cela étant, le président de la République peut bien tirer des coups comme il veut. Le président de la République a pour boulot de présider la République. La Constitution nous dit : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État.  Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. » « Le Président de la République nomme le Premier ministre. » « Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. » « Le Président de la République est le chef des armées. »

J’aimerais bien qu’on me dise à quel endroit de la constitution il était indiqué que le président gouverne. Il y a un clown qui a dit, il y a cinquante ans : on va faire l’élection du président au suffrage universel. Du coup, on a des candidats. Ces candidats ont un programme mais, une fois qu’ils sont élus, ce n’est pas leur job de le faire appliquer. Du coup, ils font les clowns.

Ca fait cinquante ans qu’on se ment…

Ceci n’est pas un billet historique, j’ai fait des raccourcis (j’ai même refait l’histoire de 81 sur la base d’une chronique que j’ai lue hier). Ceci n’est ni un billet libéral ni un billet contre les fonctionnaires. C’est un billet contre la cinquième et pour la réorganisation de l’Etat. C’est un billet pour la « déconcentration » ou la « décentralisation » (non pas nécessaire au sens géographique habituel mais dans le sens où les élus doivent reprendre la main sur les actions des pouvoir publics).

Il est un tantinet libéral néanmoins : l’Etat ne peut pas tout. Quand on l’aura admis, on ne sera plus obligés d’avoir des clowns pour nous gouverner. C'est un billet antijacobin, probablement.

7 commentaires:

  1. Billet très intéressant, en effet, qui remet en cause la présidentialité telle que vue par les français. Alors 6ème république ? (pas forcément dans le sens Front de gauche ou Montebourgien)
    Autre sujet sur les clowns, le cursus qui aboutit à la formation des ces clowns. On s'apperçoit qu'il n'y a pas tant d'écoles de pensée que cela. Donc quand "Ils commencent par nommer à des ministères importants des personnes issues de l’industrie et pas du tout politiques.", pourquoi cela ne marche pas ? Parce que ce ne sont pas des personnes de n'importe quelle industrie, justement, avec des liens forts avec d'autres pouvoirs, économiques cette fois ci, et qui protègent ces intérêts, plutôt que celui de la France dans son ensemble.

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    1. Ça ne marche pas surtout parce qu'ils ne sont pas politiciens.

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  2. Dans un cirque, ce sont les clowns et les fauves qui sont le plus intéressant

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  3. Que de clowneries !!! :-))
    Tiens en 81, naissait un groupe avec à sa tête un mec avec plein de peinture sur le visage ... Culture Clown ... euh non ... Culture Club !
    Mais non, ce n'est pas de la pub pour mon billet ! C'est une vrai anecdote qui a 33ans !
    ;-)

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  4. "C'est un billet antijacobin, probablement."

    Faites gaffe quand même. Etre antijacobin, c'est in fine être antirépublicain. Encore un peu et vous allez finir royaliste social. Après tout, le royaume de France était très décentralisé, chaque province avait sa langue vernaculaire, son système de mesures, son parlement, son assiette fiscale, son droit coutumier, etc. C'était bien la peine de tout foutre en l'air pour y revenir sans en avoir l'air d'y toucher. Y'a pas plus cons que les républicains.

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    1. Je plaisantais pour attirer les trolls mais ça ne fonctionne pas.

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