Olivier Pasté, économiste, professeur à Paris VIII décrit la
difficulté de défendre la politique du gouvernement dans les diners en ville…
Cliquez sur l’image pour agrandir (trouvée
ici par @estelle058 ;
merci à elle) pour lire dans des conditions à peu près bonnes…
Il raconte de manière ironique les conversations qu’il a pu
avoir au fil de l’avance des projets du gouvernement. Extrait : « Puis vint la réforme bancaire et la situation devint intenable
pour moi. Soit je défendais la limitation de certaines activités spéculatives
des banques et j’étais traité de dangereux gauchiste, soit je critiquais l’idée
de couper les banques en deux et je me voyais ravalé au statut de suppôt de la
finance. Aucune issue possible. »
Il conclut en disant qu’il n’a plus de vie sociale et qu’il
va finir par préféré les diners de droite aux diners de gauche. « D’abord parce que dans les diners « de droite »,
la maitresse de maison, connaissant mes positions, me protège, pendant un temps
au moins. Ensuite, parce que le « Hollande Bashing » de la « gauche
caviar » d’aujourd’hui m’est de plus en plus insupportable. Quand j’étais
à l’école primaire, on appelait ça « faire pipi dans ses chaussures ».
C’est à la fois bête et méchant. »
Ensuite, pour contrebalancer, il évoque les erreurs de ce
gouvernement, notamment celle d’avoir trop cru que la reprise de la croissance permettrait
de différer certaines réformes. Enfin, il s’interroge sur la poursuite de son
positionnement politique. « Si François
Hollande continue au rythme d’une réforme structurelle, certes imparfaite, par
semestre, à la fin du quinquennat, cela commencera à mériter le respect, y
compris de ceux qui n’ont pas voté pour lui. » Il conclut en
énumérant des réformes qu’il reste à faire, celle que, si Hollande ne les met
pas en œuvre, le ferait rentrer à nouveau dans l’opposition. Ce qui est extrêmement
plus confortable.
Inutile de dire à quel point je me retrouve dans ces
propos. Pas nécessairement sur les détails mais sur les difficultés
rencontrés et les réactions des gens dans les réseaux sociaux, surtout à
gauche, d’ailleurs, comme il le souligne (j’y reviendrai) et cette manie qu’ont
certains à adresser des brevets de vraie gauche ! François Hollande
a défendu une ligne politique parfaitement claire avant la primaire et a été
désigné par une majorité des sympathisants de la plus grande force politique en
France… Pour une phrase dans un discours, lancée pour dynamiser la campagne, la
gauche a cru qu’il était devenu cryptocommuniste !
La vie sociale ?
Je ne vais pas dans des dîners mais il m’arrive très souvent
de discuter politique au comptoir, y compris avec des gens de droite, voire
simplement d’écouter des conversations, y compris dans le métro. Quand deux
collègues rentrent de la Défense ensemble, c’est très souvent qu’ils parlent
politique (bossant à la Défense, ils sont probablement cadre dans des grandes
entreprises ou dans des boites de service, donc pas spécialement significatifs
de l’électorat… Si les mecs qui passaient en métro ou en RER à
Neuilly-sur-Seine votaient, la ville passerait probablement à gauche…).
Je me fous de ce que j’entends de la droite : l’opposition
est de principe. Plus exactement, elle vient du cœur, exactement pour les mêmes
raisons que nous critiquons la plupart des actions de la droite, ce n’est pas
objectif… L’électeur est ainsi. Je m’en fous mais j’écoute, j’apprends,… C’est
peut-être ce qui fait défaut à beaucoup, qui rentrent dans le débat pour tenter
de contrecarrer l’autre sans se rendre compte qu’il ne pourra pas le
convaincre. Ainsi, chaque militant politique est persuadé comprendre ce que
ressentent les gens alors qu’il ne les écoute pas vraiment, uniquement dans le
but de prouver, éventuellement à lui-même, qu’il a raison…
Il n’empêche que je vis dans un milieu plutôt à gauche et
que je discute souvent politique. Les gens sont beaucoup moins opposés à la
politique de François Hollande que l’on peut le lire. Ils apparaissent résignés
face à la crise et n’attendent pas une sortie immédiate. Encore une fois, les
militants politiques se trompent souvent. Je prends l’exemple de l’ANI, ce
fameux accord signé début 2013 à propos du droit au travail et tant critiqué
par la gauche de la gauche. Dans la vraie vie, tout le monde s’en fout. Dans
les réseaux sociaux, il faudrait faire une enquête mais il est probable que les
principaux opposants de gauche à ce texte sont tous des salariés de grandes
entreprises qui sont relativement protégés et qui sont assez peu représentatifs
de l’électorat, composé aussi de chômeurs, de retraités et de salariés de
petites entreprises…
Les critiques faites à pépère ou au gouvernement ne portent
pas sur les lois, le budget,… Elles portent un peu sur le matraquage fiscal et
sur l’âge du départ à la retraite (j’y reviendrai aussi). Elles portent surtout
sur les couacs, sur le sentiment d’amateurisme dégagé par le gouvernement,… Je
suis désolé mais un président qui va voir sa gonzesse en scooter et se fait
avoir par les journalistes, ça ne fait pas professionnel… Les gens en rigolent
mais jaune…
Cela étant, les gens qui me connaissent savent que je m’étais
engagé avec François Hollande et évitent certaines discussions, contrairement aux
invités des diners de gauche d’Olivier Pasté.
Dans les réseaux sociaux ?
Le comportement des intervenants est différent du fait qu’ils
s’expriment en public. Il faut donc affirmer le positionnement politique plutôt
que la raison. Ils font deux grosses erreurs. Soit ils pondent des tartines
dans les blogs et les commentaires de blogs ne se rendant pas compte de l’inutilité.
Soit ils font des réponses en 140 caractères. Je ne m’exclus pas du lot.
Venant de la gauche, elles visent uniquement à démontrer que
les auteurs sont plus que l’autre (j’ai dit que j’y reviendrai, bordel !).
Ce qui n’offre aucun intérêt, ne fait rien avancer à part la satisfaction d’un
loustic.
Et c’est usant pour le sympathisant. C’est probablement ce
que connaît Olivier Pasté dans ses diners. Parfois, j’évite de faire des
billets de blog parce que je sais que des militants socialistes vont me tomber
dessus et que je n’ai pas envie de subir ça. C’est le cas pour l’ANI, par
exemple, puisque j’en parlais plus haut. Et ça sera le cas pour ce qui sortira
du pacte de responsabilité.
Je vais donc préciser ma position pour vous faire plaisir.
Feue France Télécom a perdu 40 000 salariés entre 1997 et 2008 alors que,
pendant ce temps, sont apparus internet et la téléphonie mobile (du moins, ils
sont montés en charge). On peut donc supposer que de plus en plus de gens ont
travaillé sur le sujet. Donc France Télécom a augmenté la sous-traitance, la
mise en « gérance » d’agence,… Les gauchistes qui défendent les
salariés des grandes entreprises font peut-être une erreur : le nombre de
salariés des grandes entreprises va fondre. C’est inéluctable. Il n’est pas
interdit de penser, dans ces conditions, que le droit du travail doit bouger…
La vraie gauche
Je crois bien que j’avais promis d’y revenir. Je vais
prendre un exemple récent, à l’étranger : en Allemagne. Le parti de droite
est arrivé en tête mais n’avait pas la majorité absolue, détenue par trois
partis de gauche. Le plus gros parti de la gauche, le SPD, n’a pas réussi à former
une coalition, il sait qu’une partie de son programme ne serait pas passé parce
qu’il aurait été bloqué le parti de la gauche de la gauche. Il n’avait aucun
moyen de former cette coalition. Alors il a choisi d’aller voir le parti de
droite et de discuter.
Du coup :
Petit 1 : les salariés allemands vont avoir un salaire
minimum. C’est une mesure de gauche.
Petit 2 : les Allemands ont à leur tête une coalition
représentant 75% des électeurs. C’est démocratique. Donc c’est de gauche (je me
comprends : la vraie gauche ne peut être que démocratique). Ils ont
négocié, ont trouvé une plateforme de gouvernement,… Ca roule…
Le SPD est donc plus à gauche que la gauche de la gauche, en
quelques sortes, vu qu’il arrive à faire passer des mesures pas de droite.
Les erreurs du gouvernement
Ce n’est pas le sujet du billet mais j’avais promis d’y
revenir. C’est la réforme des retraites et l’augmentation de la TVA.
C’est une double erreur parce que ce sont des trucs contre
lesquels on s’est battus quand c’est la droite qui les proposait. Comment
voulez-vous qu’on soit crédibles ? C’est mauvais quand c’est la droite qui
le fait et bon quand c’est la gauche… Bravo…
L’augmentation de la TVA est une erreur parce qu’on ne peut
pas argumenter quand on nous parle de matraquage fiscal. La gauche a augmenté l’impôt
le plus injuste. En plus, c’était pour récupérer 7 millions qu’il fallait
absolument et on nous dit qu’avec le pacte de responsabilité, on va trouver 30
à 50 milliards supplémentaires…
La réforme des retraites est d’une bêtise absolue. Augmenter
le nombre d’année de cotisations alors que le chômage des séniors est important
est grotesque : les gens le voient bien. Tiens ! Le nombre de chômeurs
de 60 ans a
augmenté
de 874% en un an. Ce n’est pas une erreur de frappe, il a réellement été
multiplié par près de 10 !
Alors comme, en France, on commence à attendre la retraite à
45 ans… Ce n’est pas malin…
Et alors ?
Je continue.
J’ai beaucoup aimé les réactions quand on a créé
Stopbashing, de la part de la droite comme
de la gauche de la gauche. Ils n’ont pas compris qu’on s’adresse aux soutiens
de François Hollande, pas à eux.
Qu’ils continuent à jouer entre eux dans les réseaux
sociaux, nos braves critiques…