Quatre hommes, une commune, un vote

J'ai voté. Ce n'est pas original. J'aime bien l'ambiance des bureaux de vote. Elle est différente, cette année, par rapport à 2012 et ses quatre scrutins. En 2012, on votait pour le changement. Pour se débarrasser de l'autre. Une manière de tourner la page. Cette fois, on est circonspects. Je ne sais pas si c'est une impression personnelle ou si tout le monde (de gauche) partage ce sentiment. 

À la table de vote, il y avait quatre personnes et j'avais la tête dans le cul. Je ne sais pas pourquoi. En principe, je suis très poli, presque obséquieux, tant je respecte ces lascars qui bossent le dimanche pour que la démocratie vive. Dans ma vie, j'ai été volontaire une fois, pour un dépouillement. Bref, j'ai oublié mes formules habituelles : ça se passe bien ? Bon courage. Tout ça. J'étais plongé dans une espèce de torpeur. 

Un des quatre types m'a remercié et souhaité une bonne journée en souriant. Je l'ai regardé : je le connais, depuis plus de dix ans, peut-être quinze. Il en a lui-même vingt-cinq. Je le sais : il est sur une liste. Pas la mienne. Ça fait 10 ou 15 ans que je le vois passer devant la Comète presque tous les jours. Je l'ai repéré parce, tout jeune, il allait faire ses courses avec son petit frère. C'était étrange de voir ces deux frères faire les courses. Plus tard, je les ai vus avec leur père et je les vois parfois avec un autre petit frère, bien plus jeune. Il a probablement l'âge qu'avaient les aînés quand je les ai connus. Je n'ai jamais vu la mère. J'ai émis plusieurs hypothèses mais cela ne me regarde pas. Il y avait ces quatre hommes qui vivaient ensemble et les deux aînés qui faisaient les courses. 

Tous les jours, ils passaient devant la Comète. Maintenant, le plus vieux tient un bureau de vote et est candidat sur une liste. Pas la bonne. 

C'est aussi cela une commune. 

Votez.