[Fiction] Quand il eut lu la tribune de Nicolas Sarkozy,
Alain Juppé pris immédiatement la décision et sut, par instinct, qu’elle était
bonne. Il prit son téléphone et appela François Fillon : « Allo, François, ça va ? Ta femme, les enfants ? »
« Oui oui et toi, la campagne pour la mairie se
passe bien ? » « La routine.
Bon, trêve de babillage. Tu as lu la tribune de l’autre gougnafier ? Ca ne
peut plus durer, il est en train de nous mettre hors circuit pour vingt ans,
sans compter ton rival, l’autre tartiflette, qui accumule les bourdes. »
« Ah ça ! Tu n’avais qu’à me soutenir… »
« C’est malin… Bon, voila ce que je te propose… »
Il appela son secrétariat puis passa deux autres coups de
téléphone puis se rendit directement à l’aéroport. Dans son pied-à-terre
parisien, il travailla longuement.
A 8 heures du matin, il retrouva Michèle Alliot-Marie,
François Fillon et Jean-Pierre Raffarin devant le siège de l’UMP. Ensemble, ils
se rendirent directement dans le bureau de Jean-François Copé dont ils
forcèrent la porte. Alain Juppé s’assit directement dans le fauteuil du
Président. Il sourit et dit : « Pauvre
Jeff, il n’est pas près de profiter de son fauteuil à nouveau. » En
même temps, les deux anciens premiers ministres dirent : « Bon, tu nous expliques ? »
« OK ! Asseyez-vous.
Nicolas, qui a sut mener la droite à une belle victoire, par le passé, vient de
commettre une lourde erreur. Sa tribune est ridicule, ses comparaisons de la
justice et de la police avec la Stasi sont pitoyables. Je comprends son
sentiment mais il risque de continuer tant qu’il aura ses casseroles. Il aurait
du garder un silence complet et revenir mi 2016. Il aurait eu un boulevard pour
être notre candidat. »
François Fillon était au courant depuis l’appel téléphonique
de la veille. Les deux autres étaient subjugués. Ils se doutaient bien que s’ils
avaient envahi le bureau du président de l’Union pour un Mouvement Populaire,
ce n’était pas pour jouer aux billes mais pour le renverser. Par contre, la
stratégie d’Alain Juppé devenait claire. Amusé de leur regard, ce dernier
continua.
« Oui, vous avez bien
compris. Je propose de torpiller Nicolas Sarkozy. Il restera un ami et je l’appellerai
pour lui expliquer. La primaire de 2016 lui reste ouverte mais tant qu’il est
empêtré dans des affaires judiciaires qui pourraient être très graves, le parti
ne sera plus solidaire. Si on est dans ce bureau, maintenant, c’est parce que
cette stratégie doit s’accompagner d’un grand changement du parti qui, même si
nous tenterons de limiter la casse, commencera par ce qui passera aux yeux du
grand public, comme un putsch. »
Michèle Alliot-Marie qui n’avait rien dit jusqu’alors pris
la parole : « Alain, je suppose que tu vas
nous exposer la suite et que nous aurions l’occasion d’en discuter mais j’ai
deux questions à te poser. Avant cela, je tiens à préciser que je partage ton
analyse : il n’y a pas d’autre choix que de larguer Jeff et Nico. La
première question : pourquoi nous trois ? La deuxième question :
pourquoi aujourd’hui, l’avant-veille d’une élection majeure dans laquelle tu es
largement impliqué ? »
« Pourquoi maintenant ?
Pour qu’on ne parle que de nous demain, samedi et dimanche soir. Si l’UMP
remporte une victoire même relative, on ne pourra plus le faire. Enfin, le
signal passé pourrait être très positif pour les électeurs si on leur montre qu’il
y a quelqu’un à la barre. Tu veux d’autres raisons ? J’en ai besoin pour
Bordeaux ! Oh ! Pas la municipale, je ne suis pas inquiet mais pour
communauté urbaine. J’ai besoin de montrer que je peux être un chef qui agit. Alors,
pourquoi vous trois ? François, c’est évident. Tout le monde sait qu’il a
la volonté d’être le candidat en 2017 et il est le dernier chef de la majorité,
quand nous étions dans la majorité. Toi et Jean-Pierre, c’est une question d’image
auprès des militants. Désolé mais vous êtes, avec moi, les deux derniers vieux
crabes de la chiraquie. François, je te laisse expliquer mieux pourquoi j’ai
fait appel à toi. »
« T’es gonflé ! Ha ha !
Voila, Alain a très bien compris ma stratégie. J’allais quitter le parti pour
en fonder un autre. A vue de nez, la moitié des cadres m’auraient suivi. Peu
importe les militants, dans un premier temps. Ils auraient fini par nous
rejoindre mais il fallait qu’on développe une offre politique auparavant qui
dépasse le vieux : il faut supprimer les 35 heures. L’opération aurait
probablement marché. Beaucoup de gens ne supportent plus Jean-François et l’image
du parti est mauvaise. Mais, en partant, c’est ma propre image qui aurait pris
un coup dans l’aile. Je serais passé pour un diviseur. Alain, tu as compris
comment, au fait ? »
« Mettons cela sur le compte
de l’instinct. Tu aurais probablement attendu le lendemain du second tour mais
tu n’avais pas d’autre choix que de te désolidariser de Nicolas et de l’UMP à
cause de toutes ces attaques contre la justice. Tu serais peut-être passé pour
le neuneu de service mais tu serais passé pour une espèce de sauveur des
valeurs de la République. Mais, comme toujours, tu hésitais. Et il y a toujours
un risque, si je puis dire, que l’UMP sorte renforcée de l’élection. C’est
aussi pour ça, Michèle, que j’ai décidé d’agir maintenant. Et Jean-Pierre, tu n’as
encore rien dit, même pas une de tes conneries habituelles, tu en penses quoi ? »
« Rien. Je crois que vous
avez raison. Le chemin de la reconquête passe par la rénovation de l’appareil ».
« Stop ! Alain,
continue à nous présenter ton projet. »
« OK… Jean-François et moi
allons émettre simultanément deux communiqués de presse annonçant la vérité, à savoir, pour ma part,
que je lui ai demandé de démissionner, de même que Luc et Laurent [NDLR : vice-présidents
de l’UMP], et de nommer, auparavant Marc-Philippe [NDLR : cherchez pas, c’est
Daubresse, il est un des trois secrétaires généraux du parti] secrétaire
général par intérim. Lui, dira en plus qu’il nous demande, à tous les trois,
Michèle, Jean-Pierre et moi, d’organiser rapidement un congrès en vue de
trouver une nouvelle direction au parti et préparant les prochaines échéances,
à savoir les européennes, les régionales et les départementales, puis, la
primaire, et l’organisation du parti à l’issue de cette primaire. François
émettra un communiqué pour dire « qu’il prend acte et se félicite »
tout en annonçant qu’il ne sera pas candidat pour la nouvelle direction du
parti. J’aurai annoncé, pour ma part, que je serai candidat. »
« Mouarf ! Tu es sûr de
gagner. »
« Je crois, oui,
Jean-Pierre. Marc-Philippe fera un communiqué plus solennel expliquant qu’il se
met immédiatement au travail pour se mettre en ordre de bataille pour le second
tour et pour l’organisation de ce congrès. Sur le thème : je comprends l’importance
de la mission qui m’est confiée. »
« Et les raisons annoncées ? »
« J’y viens, Jean-Pierre,
arrête de m’interrompre. On va dire la vérité : l’UMP est dans la
tourmente et n’a pas réussi à se donner une ligne politique rassembleuse.
Jean-François a décidé de soutenir Nicolas Sarkozy alors qu’une stricte
neutralité se serait imposée, du genre : « j’ai confiance dans la
justice de ce pays ». Je serai grandiloquent, du genre : le parti que
j’ai contribué à créer pour soutenir Jacques Chirac ne rempli plus ses
missions. J’ai proposé à Jean-François d’en quitter la tête et de nommer une direction
temporaire pour permettre de rebattre les cartes, après avoir demandé à
François de ne pas être candidat, ce qu’ils ont accepté tous les deux. »
« Mais vous les publiez
quand ? »
« Toujours pressée, Michèle ! Dans l'heure. Ils sont prêts. Dans ma sacoche. »
La porte du bureau s’est alors ouverte. Jean-François Copé
est entré. Il avait été prévenu par son secrétariat qu’il avait quatre invités
surprise. Dans le couloir, il avait imaginé plusieurs scénarios mais quand il
vit Alain Juppé assis à place, il comprit immédiatement qu’il n’y en avait plusieurs.
Il n’eut qu’une question : « quand ? »
Juste un mot : excellent.
RépondreSupprimerEt puis même un autre : merci pour cet exercice de stratégie politique fiction.
Tu es plus touché que je ne le pensais (lol)
RépondreSupprimerBen quoi ?
SupprimerQuelqu'un a le mail d'Alain Juppé? On peut lui vendre l'idée non? Des fois qu'il cherche...
RépondreSupprimer(Bobiyé!)