16 avril 2014

L'Europe : son fonctionnement illustré par eCall

Hier, je ronchonnais contre les geeks et les réacs qui racontaient n’importe quoi à propos de propositions du CSA. Aujourd’hui, c’est reparti, mais à propos d’un vote du Parlement Européen à propos d’un nouveau machin sur une proposition de la Commission. A croire qu’ils veulent donner une mauvaise image du Parlement à quelques semaines des élections. Ou que le Parlement veut donner une mauvaise image de lui-même.

Toujours est-il que ceux qui ronchonnent ne connaissent pas le fonctionnement de l’Europe…

Ce nouveau machin est eCall, une carte SIM qui sera intégrée aux véhicules pour déclencher un appel aux services de secours en cas d’accident détecté. Ce machin transmettra des informations comme le lieu de l’accident mais aussi le modèle de véhicule ce qui permettra de préparer le matériel de désincarcération adéquat. Vous en saurez plus en lisant la page Wikipedia (lisez, c’est passionnant). Le système permettra de sauver des vies en réduisant le délai d’intervention et de désincarcération mais aussi, par exemple, de diminuer les embouteillages en anticipant les déviations. A terme, il devrait permettre des économies de l’ordre de 26 milliards à l’échelle européenne. Le système sera obligatoire sur les nouveaux modèles de voiture à partir d’octobre 2015 (2017, en fait, les constructeurs ayant obtenu des délais supplémentaires au cas où ils ne seraient pas prêts).

J’ai découvert l’information chez l’ami Korben qui dit que c’est « un exemple de libertés individuelles rognées par les bons sentiments... » « Et pourtant, c'est un putain de tour de magie qui est en train de se passer sous nos yeux ébahis. Car oui, même si d'après la Commission Européenne, ce système n'est pas conçu pour vous fliquer, il sera possible à votre assurance ou à la police de savoir combien de temps vous avez roulé, à quelles vitesses, par où vous êtes passé, combien de kilomètres ont été parcourus...etc. Et on le sait tous, même si ce système n'est conçu que pour se déclencher uniquement en cas d'accident, il sera probablement activable à distance tôt ou tard (pour tracer une voiture volée par exemple). »

Et comme hier, c’est Numérama qui lance le cri d’alarme. « Cependant, Bruxelles reconnaît également que "les possibilités de la plateforme technologique eCall (par exemple les modules de positionnement, de calcul et de communication) pourraient être exploitées pour des services additionnels". La Commission cite d'elle-même les "schémas d'assurance avancés", qui permettraient aux assureurs de savoir si un véhicule roulait trop vite sur une route donnée, de facturer au kilomètre parcouru, etc., ou le traçage des véhicules volés. L'eCall oblige à avoir un système embarqué de téléphonie mobile dans toutes les voitures. Le reste n'est qu'affaire d'imagination. »

Ils ont probablement raison mais les geeks sont parfois amusants. Ils hurlent contre les géants du net et les atteintes à la vie privée mais recommandent des téléphones portables avec des systèmes d’exploitation faits par ces géants du net. Ces téléphones portables assurent la géolocalisation de tous les possesseurs mais potentiellement géolocaliser les véhicules est interdits. Le bord de nos routes est jonché de radars qui coûtent la peau des fesses – et je ne parle même pas des portiques de l’écotaxe – qui permettent de savoir où on est. On paye les péages avec des cartes bancaires où, mieux, des machins comme le télépéage qui permet de suivre les mouvements des véhicules, mais ça, c’est bien ! Par contre, un truc pour sauver des vies, non.

Si un constructeur faisait une voiture avec une carte SIM pour capter le téléphone ou tracer la voiture en cas de vol, nos geeks seraient fous de joie et feraient des billets dithyrambiques pour louer le progrès. D’ailleurs, on peut parier que nos voitures auraient toutes équipées d’un tel système – avec l’appel des services d’urgence en cas d’accident ou de panne – d’ici quelques années d’autant que certaines le sont déjà.  

Mais quand ça vient de Bruxelles, c’est mal ! C’est surtout mal connaître le fonctionnement.

Tout d’abord, le système eCall n’est pas neuf. L’essentiel du boulot de la Commission a été de mettre des braves gens autour d’une table : opérateurs téléphoniques, centres d’appels de secours et constructeurs automobiles. Ceci a été un très long travail qui a permis d’aboutir à des normes qui font que le même système fonctionne sur tous les véhicules, partout en Europe. Ce n’est pas simple. Il a fallu adapter le 112 (le service d’urgence européen), un service public, pour traiter les nouvelles informations comme la géolocalisation,…

Ensuite, la Commission finance (environ 50 millions par an) la recherche sur les technologies de l’information pour améliorer la sécurité des transports, ce qui évite à chaque Etat de le faire.

Enfin, ce n’est ni la Commission ni le Parlement qui imposent ce truc mais les Etats qui ont signé des accords avec la Commission qui a pris l’initiative des travaux. Le texte est passé en première lecture et devra être validé par le Conseil et la Commission.

« Le déploiement d'un système d'appel d'urgence public à l'échelle de l'UE représente un progrès très important pour la sécurité des utilisateurs routiers européens. Près de 2500 vies pourraient être sauvées chaque année en Europe et la gravité des blessures pourrait être atténuée dans des dizaines de milliers de cas. Le système eCall sera gratuit, au bénéfice de tout conducteur en Europe, indépendamment de la voiture qu'il conduit. »

Mais il faut bien gueuler !

On a maintenant un standard à propos d’un dispositif de sécurité qui deviendra obligatoire mais qui aurait été déployé quoiqu’il arrive notamment dans les voitures des geeks qui aiment bien ce genre de gadget… Ca me rappelle quand la ceinture de sécurité a été rendue obligatoire en ville. Quelques années plus tard (5), je passais mon permis (mon dieu, ça fera 30 ans en juin), et des andouilles gueulaient toujours en disant que c’était dangereux, ça risquait d’étranger les gens en cas d’accident.

En 40 ans, le nombre de morts sur les routes a été divisé par 4 en France malgré l’augmentation de la circulation.

7 commentaires:

  1. Éventuellement, si la voiture pouvait te ramener à la maison certains soirs ou tu as abusé (quand je dis te et tu, je pense bien entendu à moi et pas aux autres)

    RépondreSupprimer
  2. Et puis, c'est bien connu, toutes ces vigies de la liberté et de la vie privée coupent et débranchent les batteries de leur téléphone mobile quand ils se déplacent, en bagnole ou en transports en commun...

    Sans vouloir tomber dans l'argument fallacieux selon lequel les gens honnêtes n'ont rien à craindre, il faut savoir que les autorités ont DÉJÀ la possibilité légale d'identifier et de tracer qui ils veulent, même téléphone éteint (je suis bien placé pour en parler). Donc ce n'est pas ce dispositif qui va faire basculer notre société dans un système totalitaire. Ce n'est pas l'existence de moyens de surveillance qui distingue les démocraties des Etats policiers, mais la façon dont cette surveillance s'exerce.

    RépondreSupprimer
  3. Je le trouve bien ce e-call !
    (Je garde l'exemple pour mon bidule-télé de la semaine prochaine sur l'Europe)

    Merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. De rien. À force de faire des billlets aujourd'hui j'avais oublié que je l'avais fait.

      Supprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...