En salle

08 avril 2014

Manuel Valls et la révolution territoriale

C’est bien une révolution de la carte de France que Manuel Valls a proposé dans son discours de politique générale, aujourd’hui. Une révolution d’une carte qui date de la révolution. Mais une révolution de la carte des collectivités territoriales, pas du découpage administratif du pays qui a été mis en œuvre à l’époque. Contrairement à ce que commencent à dire les opposants, il n’y a pas de suppression des départements, d’éloignement des services publics.

Les collectivités seront adaptées aux évolutions de la France avec, trois niveaux, comme actuellement : des communes, les mêmes, des très grandes régions, et, entre les deux, une structure adaptée aux besoins, centrée autour de ce que le premier ministre appelle des bassins de vie.

Prenons un exemple, la Bretagne, parce que c’est la région que je connais le mieux mais aussi parce que c’est la seule région (à part la Corse !) en grande partie délimitée par la mer. Imaginons, pour faire simple, qu’elle fusionne avec la région voisine, les Pays de Loire (non mais ho ! On ne va pas fusionner avec la Normandie, non plus !) au sein d’une nouvelle grande région que l’on va appeler Armorique pour faire joli. Elle aura une capitale, Rennes, probablement, puisqu’elle se trouvera en position centrale, et trois grandes métropoles, en plus de la capitale : Brest, Le Mans et Nantes. Elle aura d’autres grandes villes, comme Angers, Laval, Lorient, Quimper, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Saint-Nazaire, Vannes,… d’autres moins importantes, je ne vais pas toutes les citer. Ces bassins de vie formeront la base d’une nouvelle organisation des territoires…

En résumé

En 2021, les départements seront supprimés en tant que collectivités territoires. En 2017, le nombre de régions sera divisé par deux. L’intercommunalité sera revue en 2018, basée sur les bassins de vie. La clause de compétences générales sera supprimée pour les départements et les régions (pendant leur durée de cohabitation mais leurs champs de compétences sera bien fixé par la loi).

La clause de compétences générales est ce qui permet aux collectivités territoriales (municipalités, départements et régions) de s’occuper de volets qui ne lui ont pas été délégués par la loi. A titre d’exemple, si la loi dit que c’est aux départements de s’occuper du tourisme, les régions n’ont pas à le faire. La clause de compétences générales permet néanmoins à la région de faire des actions en vue du développement du tourisme. Ce ne sera plus le cas. La « compétence générale » est évidemment source de couteux doublons…

La supprimer permettra de tout bien clarifier et d’éviter de dépenser du pognon pour des conneries.

L’organisation administrative de l’Etat (préfectures, sous-préfectures) ne sera pas modifiée. Les départements ne sont pas supprimés.

Un peu d’histoire récente

Sous Nicolas Sarkozy, une réforme territoriale avait été faite par Nicolas Sarkozy. Elle prévoyait de fusionner les élus des départements et des régions et de supprimer la clause de compétences générales. Elle n’avait aucun sens (fusionner des élus sans modifier les structures et supprimer la clause de compétences générales sans redéfinir les compétences…) et n’était pas appréciée des élus de tous bords.

C’est le premier point que je voudrais aborder : l’organisation territoriale n’est pas une question « droite gauche ». D’ailleurs, une partie des propositions de M. Valls sont issues d’un rapport co-rédigé par Jean-Pierre Raffarin. La droite a fait des modifications, la gauche d’autres : tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut modifier l’organisation de ces collectivités (pas celle des administrations).

Il aurait fallu que la gauche donne une vision globale, auparavant, comme vient de faire Manuel Valls et comme avaient commencé à le faire Jean-Marc Ayrault mais dans un tintamarre incroyable.

Mon avis

Cette révolution est nécessaire ! On ne pouvait plus conserver une organisation figée, organisée par l’Etat de haut en bas avec des élus locaux qui deviennent des barons incontrôlables.

Et il fallait que la réforme soit de grande ampleur. C’était ce qui manquait à la réforme territoriale de la droite, cassée par la gauche. Elle se contentait de diminuer le nombre d’élus et de clarifier vaguement les compétences de certains échelons mais dans une pagaille généralisée. Le premier volet de la réforme initiée par la gauche ne couvrait pas ces aspects mais on entendait tout et n’importe quoi, certains voulant la suppression des régions, d’autres des départements,… Jamais je n’avais entendu parler d’une même réforme avec la suppression des départements et l’agrandissement des régions.

Cela me parait très bien.

Des exemples et des questions

J’ai parlé de la Bretagne, de son organisation autour des grandes villes. Pour ma part, je suis issu d’une ville de centre de la Bretagne, d’une ville de 10000 habitants, à 20 kilomètres d’une ville de 17000 habitants, dans un autre département, à 40 kilomètre d’une grande ville et 90 de ce qui ressemble à une métropole.

Le découpage par département ne sert à rien pour cette ville. Elle a besoin de se rapprocher des villes de tailles similaires ou des grosses villes voisines, pour son développement…

Reste à savoir à qui reviendront les missions du Conseil général… Comment, par exemple, s’articulera l’aide sociale entre les gigantesques régions et les communes ?

Pour la Région Parisienne, je n’étais pas partisan de la suppression des départements de petites couronnes. On a besoin d’une section intermédiaire, sous la région, qui couvre la partie urbaine mais, avec la suppression de ces départements, j’ai peur que cette section intermédiaire, qui a vu le jour sur le nom de Métropole de Paris en janvier ne prenne trop de poids, d’autant qu’elle va aboutir à la suppression des intercommunalités existantes.

Il me manque, dans le discours de Manuel Valls, un volet sur cette petite région, qui regroupe pourtant 20% des habitants du pays.

En conclusion

Le projet de Manuel Valls me plait bien, d’autant que je ne l’attendais pas vraiment à ce sujet…

Il n’empêche qu’il est temps de faire une vraie concertation entre la droite et la gauche pour déterminer ce que sera notre organisation territoriale et administrative dans dix ans…

On ne peut pas faire la révolution tous les deux ans…


Pour finir, l’extrait du discours :

Notre indépendance financière passe aussi par des réformes de structures. La France est prête à ces réformes et notamment celle du « millefeuille territorial ». Je propose quatre changements majeurs susceptibles de dépasser les clivages partisans :
-         Le premier concerne nos régions. Il s’inspire du rapport des Sénateurs Yves Krattinger et Jean-Pierre Raffarin. Nos régions doivent disposer d’une taille critique. Ainsi elles auront tous les leviers, toutes les compétences, pour accompagner la croissance des entreprises et encourager les initiatives locales. Je propose de réduire de moitié le nombre de régions dans l’hexagone. Sur la méthode, il s’agit de faire confiance à l’intelligence des élus. Les régions pourront donc proposer de fusionner par délibérations concordantes. En l’absence de propositions, après les élections départementales et régionales de mars 2015, le gouvernement proposera par la loi une nouvelle carte des régions. Elle sera établie pour le 1er janvier 2017.
-         Mon deuxième objectif, c’est l’intercommunalité. Une nouvelle carte intercommunale, fondée sur les bassins de vie entrera en vigueur au 1er janvier 2018.
-          Mon troisième objectif, c’est la clarification des compétences. C’est pourquoi je proposerai la suppression de la clause de compétence générale. Ainsi, les compétences des régions et des départements seront spécifiques et exclusives.

Enfin, mon dernier objectif est d’engager le débat sur l’avenir des conseils départementaux. Je vous propose leur suppression à l’horizon 2021. Je mesure l’ampleur de ce changement. Il nous faudra notamment répondre au sentiment d’abandon qui existe dans nos départements et territoires ruraux. Ce changement donnera lieu à un profond débat dans le pays qui associera les élus et les citoyens. Mais il est désormais temps de passer des intentions auxactes.

Pour ce qui concerne l’Etat, sa présence sur l’ensemble du territoire est indispensable. Le maillage territorial des préfectures, des sous-préfectures, ne sera pas remis en cause, mais il faudra l’adapter progressivement à la nouvelle donne territoriale. C’est la garantie d’un égal accès de tous les citoyens aux services publics. Je veux d’ailleurs rendre hommage à l’ensemble de ces agents, qui sont le visage du service public.

21 commentaires:

  1. Bon, je te rajoute dans mon billet, mais ce truc, comme je le dis, ça passe ou ça casse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y aura une fronde si le PS perd aussi les cantonales et les regionales

      Supprimer
    2. Développe... Des grandes régions seront plus facile à récupérer pour la gauche... Ce sont les élus socialistes qui ont fait que la gauche va perdre le Grand Paris. Ils ne sont pas fiers d'eux. Et si on perd les "cantonales", il n'y aura plus de poste à défendre.

      Supprimer
    3. Ça criera à la dictature socialisse qui tue la ruralité par magouille electorale, j'ai meme pas besoin de schématiser tant les argus ump sont previsibles on en a eu un aperçu pendant les municipales

      Supprimer
    4. Sauf que c'est eux qui ont dénaturé les cantons. Mais peu importe. Le FN fera l'arbitre et l'UMP sera baisé pour défendre la ruralité.

      Supprimer
  2. Même en conservant une préfecture et des services, la disparition du conseil départemental entraîne de fait une disparition du département.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pourquoi ? Saint Brieuc restera la préfecture des Côtés d'Armor. Les directions départementales resteront les directions départementales.

      Ce sont les deparetements de 1982 qui disparaissent pas ceux de la révolution qui marquent la place de la République.

      Je ne suis pas attaché aux symboles. Ce qui m'intéresse est de savoir comment seront réparties les morceaux entre les intercos et les régions.

      Supprimer
  3. Encore une fois le planing risque bien de faire apoter tout ou partie... pour l'aide sociale ce serait plus juste que ce soit les intercos qui les gerent pour eviter des tentations de clientelisme voire de preference nationale...

    Par ailleurs il remet à plat aussi les financements ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour les financements, oui je suppose. Pour l'aide sociale oui aussi.

      Le planning est très bien. Il y a le risque que la suppression des départements soient supprimer mais prévoir plusieurs années de concertation (c'était l'erreur de Sarko).

      Séparer les trois plannings est très bien. Ne pas mélanger les sujets.

      Supprimer
  4. Je n'ai pas fait le tour des blogs mais personne ne fait la remarque que Valls etait deja ministre ded collectivités et qu'il a deja fortement ramé l'annee derniere sur les cartes de l'intercommunalité ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tiens oui. Mais comme il finit par supprimer les cantons...

      Supprimer
  5. Je vois que la réforme territoriale t'intéresse toujours autant. Et à mon avis tu as bien raison, la modernisation de l'état, une décentralisation efficiente passe par ça.
    Beau billet.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Oui je pense que c'est cette grosse réorganisation qui nous sortira du marasme.

      Supprimer
  6. "On ne va pas fusionner avec la Normandie, non plus"!
    Et... pourquoi pas?
    "Nos régions doivent disposer d’une taille critique. Je propose de réduire de moitié le nombre de régions dans l’hexagone. Sur la méthode, il s’agit de faire confiance à l’intelligence des élus. Les régions pourront donc proposer de fusionner par délibérations concordantes. En l’absence de propositions, après les élections départementales et régionales de mars 2015, le gouvernement proposera par la loi une nouvelle carte des régions. Elle sera établie pour le 1er janvier 2017"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu étais viré de ce blog. Tes commentaires n'ont aucun intérêt. Tu réagis sur une boutade que je lance entre parenthèses en recopiant une partie du billet. Je n'ai pas à supporter la misère du monde. Vas chier.

      Supprimer
  7. Tiens oui, bon billet.
    J'approuve.
    Et ça peut marcher, il faut que ça marche.
    Overdose de mille-feuille.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voilà collent te débarrasser de l'importance de NDA.

      Supprimer
    2. "Comment". Connard d'iPhone.

      Supprimer
    3. Eh bien, voilà que j'approuve aussi, tout comme la Miss ! Décidément tout arrive…

      A priori, la démarche semble intéressante, à condition qu'elle conduise en effet à une plus grande cohérence et aussi à une diminution drastique du nombre de fonctionnaires territoriaux. Et ce serait bien, vous avez raison, que tout cela puisse s'accomplir dans un climat le moins sectaire et "politicien" possible. Mais ça…

      Supprimer
    4. Ils vont tous s'accrocher à leurs postes... Ce qui n'est pas droite gauche. Les cocos ne se rendent même pas compte qu'ils risquent de perdre tous leurs conseillers généraux même sans cette réforme par exemple. Le FN par contre devrait jouer le jeu : c'est la meilleure solution pour peser.

      Supprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...