Pour résumer, la nouvelle vague de réformes territoriales
annoncée par Manuel Valls provoque l’ire des départements et la joie des
régions. Les réactions du personnel politique sont néanmoins assez
difficiles à décrypter. Les élus socialistes qui ont voté la confiance peuvent
difficilement critiquer. Les élus UMPistes peuvent difficilement se prononcer
contre (Jean-François Copé s’était déjà prononcé en faveur de la suppression
des départements). Jean-Luc Mélenchon y est opposé mais je n’ai pas trouvé la totalité
de ses propos.
Il m’a néanmoins amusé en disant que cette réforme avait « beaucoup d'accents sarkoziens » et qu’elle
allait provoquer « un véritable effondrement de
la démocratie locale ». Dans mon blog annexe, hier soir, j’ai parlé de Méluche.
Comme à chaque fois, j’ai battu un record de visites et de remarques idiotes
dans Twitter. Comme souvent, il se trompe de réaction et ses fanatiques
suivent. Cette réforme n’a rien de sarkozïen. Nicolas Sarkozy avait
imposé une réforme du jour au lendemain, ou presque, alors que Manuel Valls
propose une réflexion étalée sur 7 ans… Quant à l’effondrement de la démocratie
locale, cet argument ne tient pas la route : demandez aux électeurs
quelles sont les domaines de compétences des départements, en tant que collectivités
territoriales. Je veux bien parier que 90% répondront à côté de la plaque…
Quelles sont les compétences des départements ?
Environ 25% de leurs budgets sont consacré à l’action
sociale : création et gestion de maison de retrait, de centre d’accueil
pour personnes en difficulté, handicapés,… 20% sont consacrés au RSA et à l’Allocation
Personnalisée d’Autonomie. 10% est dédié à l’entretien des infrastructures,
notamment des routes. 8% va à la construction des collèges.
On notera que le RSA et l’APA sont du domaine de l’Etat (ils
sont fixés par la loi). Ils ont été décentralisés par les réformes de
Jean-Pierre Raffarin, ce que j’ai toujours critiqué (les charges ont été
décentralisées, pas les circuits de décision). Ces missions pourraient très
bien être assurées par les CAF, par exemple, ce qui nécessite aussi quelques
réorganisations.
Les esprits chagrins noteront que
je suis plus sur la ligne de François Goulard que celle de Claudy Lebreton. Il
n’empêche que c’est bien le président UMP du Conseil Général du Morbihan qui a
dit que la disparition des départements devait être compensée par « des échelons déconcentrés de l'Etat affectées à l'action
sociale et aux routes. » Les routes ?
Elles ont justement été transférées aux départements par les réformes de
Jean-Pierre Raffarin.
Les CAF ?
Voilà quelque chose que les gens assimilent assez bien aux départements, tout
comme les préfectures (et les sous-préfectures). Ils sont obligés d’y aller
pour des démarches. Mais ces deux machins ne dépendent pas des conseils
généraux. Ainsi, il n’est pas inutile de rappeler que Manuel Valls n’a pas
évoqué la suppression des départements mais des Conseils départementaux. D’ailleurs,
les départements restent la base des élections régionales (pour lesquelles le
scrutin est départemental et par listes).
L’ami David
commentait chez moi en disant qu’il y avait bel et bien une disparition des
départements. Je lui réponds donc que non : l’essentiel des missions des
départements connues du grand public sont du ressort de l’Etat ou de la sécu. Dans
son blog,
en tant que nouvel élu local, il s’interroge sur la conséquence de l’éloignement
des centres de décisions par rapport aux territoires ruraux. Il a raison et j’y
reviendrai…
Des
économies ?
La
suppression des départements et d’une couche du fameux millefeuille provoquera
une diminution des coûts globaux mais il convient de rester très prudent. Ce n’est
pas parce que les départements seront supprimés qu’il faudra arrêter de
construire des routes, des collèges et de verser l’APA et le RSA… Les économies
porteront sur les frais administratifs qui ne représentent que 7% des budgets
des Conseils généraux et sur quelques postes (ceux concernés par la clause de
compétence que j’évoquais hier).
En outre,
ces frais administratifs ne seront pas supprimés. S’il faut du personnel pour superviser
les constructions de route, le nombre d’agent sera le même qu’il dépende d’un
Conseil général ou d’un Conseil régional…
Paradoxes
et retours en arrière ?
Ainsi, c’est François Goulard qui évoque la nécessité de services de l’Etat déconcentrés (pour les routes et l’action social). On en arrive à en déduire que c’est une partie de l’acte II de la décentralisation (les réformes Raffarin) qui sont partiellement supprimées. J’ajoute pour ma part qu’il faudrait une réorganisation des Allocations Familiales pour mettre en œuvre des services départementaux (en tant qu’échelon territorial de l’Etat) pour gérer les prestations sociales. Toutes.
Par
ailleurs, en supprimant des missions des départements, au profit des régions et
des intercommunalités, on revient vaguement en arrière sur l’acte I de la
décentralisation. Néanmoins, en supprimant l’échelon décisionnel départemental,
on se rapproche de la réforme territoriale faite par Nicolas Sarkozy et
supprimée par Jean-Marc Ayrault.
Dépasser
les clivages partisans
Cette
expression est idiote mais on voit bien que l’organisation du territoire ne
doit pas entrer dans un rapport droite – gauche. J’ai fait des suppositions,
comme la création de nouveaux services de l’Etat pour reprendre des missions
des départements, notamment les versements sociales, sur la base des CAF. C’est
donc un renforcement du service public que d’autres pourraient interpréter
différemment.
Les élus
locaux sont forcément partisans. Claudy Lebreton est le président de l’association
des départements. On comprend qu’il soit opposé à se faire harakiri. Plus
sérieusement, sa mission est de défendre les départements. Chaque élu local
doit s’interroger et oublier la politique politicienne.
Par
exemple, si les élections départementales avaient eu lieu en même temps que les
élections municipales, il est probable qu’une bonne partie des conseillers « ex
généraux » socialistes auraient disparu de même que la quasi-totalité des
communistes. Dans ce contexte, s’accrocher à son poste est complètement
grotesque. Ce qui compte est de savoir comment améliorer le fonctionnement du
tout, la démocratie,… tout en diminuant les charges.
D’ailleurs,
quand ils ont détricoté la réforme territoriale de l’an dernier, les élus
socialistes n’avaient pas vu qu’ils allaient perdre toutes les
intercommunalités qu’ils étaient sûrs de gagner… Nananère.
Des
inquiétudes légitimes
L’ami
David soulève des inquiétudes qui sont légitimes, de même que la plupart des
présidents de Conseils généraux… François Goulard fait une proposition que je
lui pique car je n’ai pas la réponse.
C’est
pour ça que j’aime bien le calendrier proposé par Manuel Valls : il donne
sept ans de réflexions et de réformes successives avant de supprimer les futurs
Conseils départementaux.
Les
inquiétudes sont légitimes. Je prenais, hier, l’exemple de la Bretagne. Je suis
issu d’une ville en plein Centre Bretagne. Que va-t-on devenir dans ce pataquès ?
Comment une ville de 10000 habitants, au centre d’une intercommunalité d’environ
30000 habitants pourra-t-elle s’en sortir ? Faudra-t-elle qu’elle fusionne
avec les grosses intercommunalités voisines pour avoir un poids auprès de la
région ? Ces nouvelles intercommunalités ne deviendront-elles pas trop
éloignées des habitants ? Ne vont-elles pas remplacer les départements au
quel cas il aurait mieux valu pisser directement dans un violon ?
Il y a du
travail…
Et les
régions ?
Je vous
invite à lire la tribune de Jacques
Auxiette, le président de la région Pays-de-Loire qui souhaite, comme moi, une
fusion de la Bretagne et des Pays-de-Loire. Comme moi ? Façon de parler
mais je vois difficilement comment on pourrait faire autrement. Voir l’illustration.
Et en plus, je n’y habite pas. Ca ne me regarde pas.
Il commence
par tordre le cou à des idées reçues. Les régions françaises sont les plus
grandes d’Europe après l’Espagne et devant l’Allemagne. Elles sont les 4èmes
plus peuplées. « Dire qu'il faut
fusionner les Régions françaises pour qu'elles aient une taille européenne est
une imposture. » Il rappelle ensuite ce
que je disais plus haut : le regroupement des collectivités ne générera
que très peu d’économies. Faire des économies passera par une réduction du
périmètre de l’action des collectivités. « Mais
ce sera douloureux. »
Il considérer ensuite que la fusion
de régions, dans ce contexte, est une erreur mais puisque le dossier est ouvert
« il est de la responsabilité des élus d'y
répondre ». Le rapprochement des Pays-de-Loire et de la Bretagne s’impose
donc.
Paradoxes et retournements de
vestes
Depuis
que je parle de décentralisation et de réformes territoriales, c’est la
première fois que je vois se dessiner un projet complet. J’étais contre la
suppression des départements mais, à force de réflexion, je suis pour leur
renforcement en tant qu’échelon administratif de l’Etat. C’est un sacré
retournement de veste de ma part mais je pense que c’est la condition pour que
la décentralisation puisse se faire.
Par
ailleurs, alors que j’étais surpris de cette décision de suppression des départements,
je me rends compte, à la lecture de la tribune de Jacques Auxiette que c’est
bien la diminution du nombre de régions qui doit être au centre des débats.
Est-elle utile ? Je ne crois pas en avoir fait un vrai billet, sur ce
blog, pensant, comme Auxiette, que les coopérations interrégionales sont plus
importantes.
Pourtant,
j’y suis favorable. Encore. J’aime beaucoup cette idée de la France divisée en
dix régions, elles-mêmes divisées en dix départements mais avec une démocratie
qui s’arrêtera à trois échelons : l’Etat, la région et la commune, les
structures intermédiaires, intercommunalités, métropoles et départements,
dépendant de ces structures avec des élus, sur lesquels on pourra mettre un
nom.
Un
dernier sondage
Demandez
à votre voisin de comptoir s’il connaît le nom du président de son Conseil général ?
Pour ma part, depuis que Jean-Yves Le Drian est ministre, j’ignore qui est le
président du Conseil régional de Bretagne…
Christian Favier le président du CG94 :D
RépondreSupprimerBravo.
SupprimerBillet très intéressant.
RépondreSupprimerMerci. Le suivant devrait te plaire.
Supprimerj'ai viandé mon commentaire - , c'est ici qu'il doit être
RépondreSupprimerYep , sur ta carte , pour autant que je sache encore compter , il y a 15 régions et pas 10
Il est où le commentaire de Bob ?
RépondreSupprimerDeux informations :
RépondreSupprimer- en Bretillie, l'apocalypse... c'est maintenant : http://wp.me/p3MK5Y-Wa
- un autre article intéressant : http://michelumix.over-blog.com/2014/04/oui-a-la-suppression-des-conseils-departementaux.html
Ce ne sont pas des informations.
SupprimerLe premier lien est une connerie sans nom. Du mensonge à état pur. Le deuxième ne se charge pas sur iPhone.
Je n'ai pas besoin de commentateurs débiles.
deux informations :
RépondreSupprimer- en Bretillie, l'apocalypse, c'est maintenant : http://wp.me/p3MK5Y-Wa
- un autre billet intéressant sur le blog de Michel Drouet (ancien directeur des ressources humaines puis des grands projets du Conseil Général d'Ille-et-Vilaine) : http://michelumix.over-blog.com/2014/04/oui-a-la-suppression-des-conseils-departementaux.html