On parle beaucoup du rapport McKinsey
dans le milieu économique. Dans le
billet que j'évoquais hier, mon confrère Sarkofrance parlait
des Echos, il y a aussi, par exemple, un article dans les
pages économie du Figaro. Les journalistes semblent ne pas avoir
lu totalement les articles : ils parlent essentiellement de
mesures complémentaires qui occupent quatre pages sur 56. Ils
zappent complètement le principal : les grandes réformes que
l'Etat doit mener autour de trois axes : la mobilité des
actifs, la formation initiale et la baisse du coup du travail.
Le manque de mobilité
des actifs
Selon le rapport, malgré un fort taux
de chômage, beaucoup d'offres d'emploi sont difficiles à satisfaire
faute de main d’œuvre compétente et disponible. 400 000
tentatives de recrutement seraient abandonnées chaque année. Le
rapport pointe directement les politiques de l'emploi et note que la
France a des très mauvaises performances dans ce domaine par rapport
aux autres pays.
Il met aussi en avant un droit du
travail trop contraignant pour les entreprises pour ajuster ses
effectifs (toujours le même dogme : c'est trop dur de
licencier).
Ce qu'ils proposent
Petit 1 : réformer totalement le
service public de l'emploi et le régionaliser. Il faut le
moderniser. La création de Pôle Emploi (ils ne disent pas que c'est
un fiasco mais c'est bien ce qui en ressort) n'a pas été
suffisante, il faut moderniser, sortir du parcours identique quelle
que soit la catégorie professionnelle ou le type de chômeur.
Petit 2 : renforcer la
« flexsécurité » (mot horrible). Il faut sécuriser non
plus les emplois mais les personnes et faciliter les plans sociaux...
mais considérer la formation et la recherche d'emploi comme des
activités à part entière. Il faut mettre des sanctions pour les
types qui refusent des emplois ou des formations (ça vire
franchement sarkozyste). Les aides publiques à l'emploi doivent être
mobilisées uniquement vers les métiers d'avenir.
Petit 3 : travailler sur l'emploi
des séniors et ses spécificités (formation tout au long de la vie,
développement du temps partiels pour les plus âgés).
Mon avis
Le manque de mobilité est un sujet à
développer. Il est évident que, sauf exception, on ne peut plus
avoir le même métier pendant toute une carrière professionnelle.
Il faut que les acteurs publics (syndicats, politiciens,...) le
disent. On l'a vu par exemple au cours des dernières années avec
Florange, Gandrange,... : faire croire à des ouvriers que leur
avenir professionnel passe par la production d'acier est de la folie.
Le service public de l'emploi doit agir
en amont au niveau des reconversions professionnelles, en
collaboration avec les entreprises, plutôt que de constater, a
posteriori, des plans de licenciements.
Mais ils revient bien aux entreprises,
si elles veulent diminuer leurs effectifs, de préparer les
reconversions, par des formations, des aides aux mutations
géographiques (y compris pour la famille,...).
Le truc des sanctions est une belle
connerie (le type qui refuse du boulot finira par perdre ses droits,
de toute manière) et parfaitement démagogique.
L'emploi des jeunes
L'écart entre les compétences
disponibles chez les jeunes sortant de l'école et les besoins des
entreprises est abyssal ce qui est nié par les responsables
d'organismes d'enseignement qui défendent leurs paroisses mais
compte tenu de l'évolution des technologies, cet écart risque
d'augmenter.
Ceci est valable de BAC – 8 à BAC +
8...
Ce qu'ils proposent
Petit 1 : renforcer la
concertation entre les acteurs pour adapter les formations aux
besoins.
N.B. : je vous conseille le
graphique page 22 qui montre le niveau de chômage en fonction de la
durée des études et de la filière professionnelle. Il vaut mieux
être toubib que couturière, c'est évident, mais il vaut mieux
aussi être toubib que sociologue.
La concertation devrait permettre de
mieux décider les filières à développer (quel que soit le niveau
de formation) ou à diminuer.
Petit 2 : améliorer l'orientation
des jeunes.
Petit 2 bis : faire pareil avec la
formation en continu.
Petit 2 ter (plus ou moins exprimé) :
il faudrait un service spécial pour les jeunes qui sortent d'études.
Mon avis
Contrairement à la section précédente,
le rapport est imprécis voire bon à jeter à la poubelle. Je le
cite : « Renforcer les compétences
qu’exigent ces métiers de demain constitue donc un impératif
absolu et pressant pour créer des emplois à forte valeur ajoutée
et accélérer la transition de la France vers une économie du
savoir. » C'est très vrai mais tous les jeunes ne
pourront pas être orientés vers des métiers à forte valeur
ajoutée et nul ne peut prévoir quels sont les métiers de demain.
Pire ! Si on met en place une formation pour les métiers de
demain, quand les jeunes en sortiront, il est probable que les
métiers en question soient ceux d'avant hier. En outre, il est
probable que les enseignants ou formateurs ne puissent pas être
formés aux métiers de demain...
On a l'impression que ce chapitre a été
mis là pour faire joli. Je vais faire des propositions :
- limiter l'accès aux filières sans débouché. C'est ballot mais il y a trop de gens qui vont en fac d'histoire, de psycho, de géographie, de sociologie,... Où il n'y a pas de travail à par dans l'enseignement des matières en question. A la limite, l'entrée dans ces filières devrait se faire sur concours mais je sens que je vais me faire mal voir. Pourtant, si l'enseignement est le seul débouché, le concours d'entrée dans la fonction publique pourrait se faire avant les études,...
- développer les services pour les lascars entre 20 et 25 ans (voir le petit 2 ter, ci-dessus). Par exemple, on pourrait avoir une « école de la deuxième chance » proposant des formations, éventuellement en apprentissage et surtout un accompagnement plus personnalisé (je dis ça au hasard mais je vois bien les jeunes autour de moi qui cherchent du boulot : le chômage ou la condamnation à un boulot de merde à vie semble être la norme parce qu'ils ont merdé dans leurs études),
- permettre aux jeunes avec un emploi peu qualifié qui bossent de manière stable depuis trois ans d'avoir une formation longue en conservant un revenu équivalent à son salaire.
Le coût du travail
trop élevé
Le rapport constate que le SMIC est un
des plus élevé d'Europe par rapport au salaire moyen et qu'il a
beaucoup plus augmenté que ce dernier.
Ce qu'ils proposent
Petit 1 : réduire le coût du
travail sur les bas salaires sans réduire les revenus (réduire la
fiscalité, donc).
Petit 2 : créer un sous SMIC (ce
n'est pas dit comme ça) et favoriser les dispositifs de retour à
l'emploi (à la mode Sarkozy de la chose, of course).
Petit 3 : lier l'évolution du
coût salarial à la productivité et décentraliser les décisions,
le dialogue,...
Mon avis
Je suis favorable à la réduction des
cotisations sur les bas salaires mais en prenant bien garde aux
effets de seuil. Il faudrait mettre des cotisations « progressives »,
comme il est fait, par exemple, pour l'impôt sur le revenu, un
système de tranches, quoi...
Néanmoins, il ne faut pas se voiler la
face : ça ne créera directement aucun emploi. Le patron qui
pourra se payer trois employés pour le prix de deux ne prendra pas
un troisième pour autant s'il n'arrive pas à générer une activité
supplémentaire.
Pour le reste, il est temps que le
patronat considère le SMIC pour ce qu'il est : un salaire
minimum. Il peut déjà le détourner partiellement par les stages.
Il est grotesque et grossier de vouloir créer un salaire
intermédiaire, voire de le négocier par branche. Les branches
peuvent, par contre, négocier des salaires minimums pour elles,
éventuellement par type de poste, de formation, mais supérieurs au
SMIC et indexés sur ce dernier. Il va falloir leur faire rentrer ça
dans le crâne...
Les mesures
complémentaires
Dans les quatre pages dont je parlais,
il y a un tas de mesures orientées pour certains secteurs : la
distribution, le service, la santé, la construction,...
Certaines sont de bon sens et sont
d'ailleurs dans les projets du gouvernement.
D'autres sont probablement
contre-productives et inacceptables. On sent encore le patronat
tenter de recaser ses vieilles recettes, comme l'ouverture des
commerces le dimanche et assouplir la durée du travail pour les
cadres. Inacceptables ont voit facilement pourquoi.
Contre-productives, moins.
Prenons cette durée de travail pour
les cadres. Ils proposent de le faire dans la recherche, le conseil
et la technologie. Pour la recherche, je ne sais pas. Pour le conseil
et la technologie, par contre, c'est ou c'était mon job : tout
le monde est cadre... Ce sont des secteurs qui fonctionnent bien et
qui recrutent, où l'on fait appel à de la sous-traitance,... Si les
cadres (donc tout le monde) se mettent à travailler plus dans les
secteurs susceptibles de recruter, ils recruteront moins...
Ils estiment que l'on pourrait ainsi
créer un million d'emplois. Néanmoins, si on cumule le nombre de
postes par mesure, on arrive à la moitié ! Les chiffres
relèvent pour la plupart du grand guignol, dans tout ce rapport.
Par ailleurs, prendre ces mesures seraient renoncer à une partie de
notre modèle : pour 500 000 emplois potentiel, le jeu n'en vaut
certainement pas la chandelle. Sans compter les dommages collatéraux.
Conclusion
Je ne veux pas condamner le rapport :
je ne sais pas qui l'a commandé et une grande partie est très
intéressante. Il n'empêche que les articles de presse qui en
parlent semble s'appuyer sur les à-côtés pour vendre une soupe de
libéralisation supplémentaire.
C'est mal.
Par contre, j'ai rarement vu un rapport
aussi mal ficelé, le tout pour passer des heures sur un billet de
blog qui n'aura finalement aucun intérêt...
Et la partie qui me parait utile est également de la soupe...
Excellent billet....
RépondreSupprimerJ'ose ajouter que les liens formation emploi sont étonnants quand on voit les emplois que les diplômes en philosophie ou en littérature obtiennent en management opérationnel...
Par ailleurs, je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui mais il y a quelques années les cadres français travaillaient plus que les allemands avec le succès que l'on sait. Donc un allongement de la durée du travail est idiot. Les cadres travaillent déjà plus de 40 heures dans les faits ( bureaux, déplacements , maisons)
Ce truc de la formation est délirant. Ça fait 30 ans qu'on nous parle de ça pour résoudre le chômage et c'est toujours le même merdier.
Supprimer