En salle

21 juin 2014

Intermittents : de droite ou de gauche ?

Mon dieu ! J’ai osé critiquer le mouvement de grève des intermittents ! Me voila immédiatement qualifié de droitier… Surtout qu’auparavant, j’avais critiqué la grève à la SNCF. Pour un peu, j’entendrais parler d’inquiétante dérive droitière. Néanmoins, intermittent est un statut précaire dont le nombre de bénéficiaires à explosé en trente ans. S’en inquiéter me parait légitime.

Tout d’abord, je ne remets pas en cause le droit de grève qui est parfaitement légitime. La grève des intermittents l’est particulièrement puisqu’ils défendent leur statut (plus exactement leur régime d’assurance chômage). Celle de la SNCF l’est aussi puisque c’est un droit Constitutionnel, comme on dit (à tort, d’ailleurs, mais peu importe) mais le motif de celle-ci me semble suspect.

Qu’on ne remette pas en cause non plus mon droit à faire un billet d’humeur, rédigé sur un coin de comptoir entre le boulot et le métro.

Je ne critique donc pas la grève des intermittents mais je me pose des questions.

Par exemple, comment se fait-il que deux des quatre intermittents que je connais travaillent pour des boites privées qui organisent des manifestations commerciales ou internes à des entreprises ? Comment se fait-il qu’un des autres travaille à plein temps pour des organismes publics ? Evidemment, seul le quatrième, qui a réellement une profession artistique galère pour boucler des fins de mois, ce qui l’oblige à faire des jobs qui n’ont rien à voir avec sa spécialisation…

J’ai beau fouiller internet, on trouve assez peu d’informations objectives quantifiées sur le régime des intermittents. On voit juste que leur nombre a explosé en 30 ans (mais le monde du travail s’est durci en France, on ne peut pas reprocher à des gens de choisir un régime plus favorable et aux employeurs d’en profiter). Je dis « objectives » car on trouve des sites de syndicats mais aussi de médias fortement politisés, proches de l’extrême gauche ou de l’extrême droite.

Quelle est la proportion d’intermittents qui travaillent effectivement dans le monde du spectacle, c'est-à-dire qui sont artistes ou aident des artistes à se produire, ou qui travaillent à l’accès à la culture du plus grand nombre ?

Une dérive droitière ? C’est quoi ce système qui permet aux entreprises d’accumuler les CDD sans limitation de durée ? C’est quoi ce machin qui permet à des sociétés commerciales d’embaucher des salariés uniquement lots de pics récurrents d’activité ?

C’est quoi cette gauche qui soutient mordicus un machin qui entretient les salariés dans la précarité ? On va se retrouver avec les mêmes personnes qui critiquaient l’ANI et qui soutiennent maintenant un truc qui empêche les salariés d’avoir un CDI ! Ce sont les mêmes qui fustigent le libéralisme qui défendent des salariés qui veulent avoir la liberté de choisir au jour le jour ce qu’ils peuvent faire ?

Le régime a été créé avant la guerre parce que la production cinématographique ne pouvait pas entretenir du personnel à plein temps. Est-ce qu’on ne pourrait pas réfléchir à une évolution de ce système ?

Dans l’informatique, par exemple, on a quelque chose de très bien : les Sociétés de service en ingénierie informatique. Les clients peuvent disposer de personnel en permanence pour faire face à leurs pics d’activité ou disposer temporairement d’une compétence particulière. Les salariés des SSII ont un contrat de travail à plein temps, en CDI, mais on des périodes d’inactivité pendant lesquelles ils restent à la maison, à côté du téléphone (vive les portables, on peut aller au bistro). Le fonctionnement pourrait être le même pour une partie de « l’événementiel » dans la mesure où beaucoup d’intermittents travaillent de boulots en boulots plus de 1000 heures par an. Des boites comme France Télévision ou Radio France pourraient créer des régies pour mettre à disposition du personnel des différents services qui en ont besoin.

Mais les SSII ont un travers : elles emploient de moins en moins de salariés et font appel à des salariés qui sont à leur compte, parfois au régime d’auto-entrepreneurs.

En trente ans, avec ces salariés et les intermittents, on a vu exploser le nombre de types qui n’ont plus un contrat de travail normal.

Constater cela est une dérive droitière ? Lutter contre le libéralisme et favoriser des entreprises qui peuvent puiser à la demande dans un panier d’intermittents au gré de leurs besoins est-il vraiment sérieux ?

La précarisation des salariés augmente de jour en jour et les gauchistes sont d’accord pour défendre le système et pour qualifier de « droitier » un type qui s’en inquiète.

Bravo les gars… 

Rappelons ce qu'est intermittent ou un informaticien indépendant ? C'est quelqu'un qui peut très bien gagner sa vie mais sans jamais être sûr qu'il aura assez de travail pour survenir aux besoins de sa famille. Il n'y a pas qu'eux.

Illustration : One Direction en concert au Stade de France, hier. Combien d'intermittents pour préparer le spectacle puis démonter les installations ?

21 commentaires:

  1. Je pense qu'il faudrait arrêter de discuter avec les cons qui dénigrent et caricaturent la personne qui exprime une idée contraire à la leur, qui collent des étiquettes caricaturales et mensongères aux gens.

    Ces crétins qui ne parlent pas de l'idée, mais préfère attaquer celui qui émet l'idée, ça gonfle.

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  2. Bah. Surtout beaucoup évitent d'analyser les trucs quand "a priori c'est de gauche".

    Le plus drôle était à propos du travail du dimanche. Je suis contre pour différentes raisons mais quand je voyais des gauchistes lutter contre par principe avec un seul argument : la famille. Des gens de gauche...

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  3. Ceux qui gueulent sur ceux qui gueulent commencent à clabauder aussitôt qu'ils entendent le mot grève.
    Clabauder, j'ai entendu ce mot avant hier donc je le replace comme je peux

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    1. Clabauder est un verbe que l'on rencontre assez fréquemment chez Zola.

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  4. Beau mot.
    Le pb est ceux qui gueulent contre ceux qui gueulent contre ceux qui gueulent...

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  5. En plus court : la France a-t-elle les moyens de subventionner les professionnels de la culture au niveau auquel elle les subventionne aujourd'hui ?

    Question subsidiaire: tout spectacle est-il "culturel" ?

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  6. En plus court: la France a-t-elle les moyens de subventionner les professionnels de la "culture" au niveau auquel elle les subventionne aujourd'hui ?

    Question subsidiaire : tout spectacle est-il "culturel" ?

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    1. Seule la deuxième question est bonne. C'est ma réponse à la première question.

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    2. Ce n'est pas la france et l'ensemble des francais qui les subventionne mais seulement les salaries du prive, enfin leurs chomeurs! C'est surtout ca le probleme.
      On peut souhaiter un statut particulier mais qu'il soit peis directement sur le budget de l'etat. Il y a deux questions dans ce debat.

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    3. Oui. L'Etat doit payer. C'est d'ailleurs ce que disais pour la dette de la SNCF.

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    4. @ J"*égoun

      C'est ennuyeux, parce qu'il n'existe pas de réponse à la deuxième question.

      Pour clarifier ma première, posons-la autrement : le Bangladesh a-t-il les moyens de subventionner la culture au même niveau que la France?
      La réponse étant évidemment "non", ma première question devient pertinente, si on la formule ainsi : " La France a-t-elle les moyens de continuer à subventionner la culture au niveau auquel elle la subventionne aujourd'hui, c'est-à-dire à un niveau bien plus élevé que bien des pays plus riches qu'elle ?"

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    5. @pépere. Arrêtez de mettre des @ partout. La France ira mieux.

      Le pognon que dépense la France pour la culture doit il être comparé à celui des crevures du tiers monde ) w(smiley).

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    6. Plein de pays ne subventionne absolument pas la culture. On est pas les seuls a avoir un ministere pour ca? A part payer l'opera a l'elite (aller a vienne on trouve des places a moins de 15 euros) et alimenter des bulles sur des artistes new age qui exposent des boites de conserve en prenant un air torture, je vois pas trop l'interet pour les francais dans leur ensemble. Qu'on ne parle pas d'apporter la culrure au petit peuple.

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  7. Il est tout à fait légitime de s'inquiéter de l'explosion du nombre des intermittents. Il est tout à fait bizarre de déclarer que ceux qui soutiennent les intermittents en grève, parce qu'on veut durcir les conditions de leur indemnisation, soutiennent ou défendent le système qui empêche les salariés d'avoir un CDI. C'est une conclusion un peu hâtive, je crois, car on peut très bien considérer que la réforme envisagée ne fait qu'empirer la situation des intermittents (ce qui est vrai) sans approuver pour autant le système (encore que je n'ai vu de proposition de réforme de fond nulle part, pas plus chez les gauchistes que chez les autres, sauf peut-être au MEDEF qui veut, lui, carrément abolir le régime des intermittents).

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  8. hier matin sur Inter , un chroniqueur (Bernard Maris) déclarait que ne pas soutenir les intermittents c'était soutenir Disney
    tout comme être contre le prix unique du livre c'était soutenir Amazone

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    1. Ce connard à tout faux et les abrutis qui le soutient méritent l' émasculation.

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  9. Pour vous avoir vu quelquefois lever un verre, je suis en mesure de le confirmer : vous êtes bel et bien droitier.

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  10. "- Avant, il n'y avait pas de droit de grève et vous étiez bien emmerdés.
    - Ouais, maintenant il y a le droit de grève et vous êtes encore plus emmerdés !
    "
    Les Inconnus

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