Ca ressemble à un premier couac : Emmanuel Macron a dit
qu’il n’était pas opposé à un retour sur les 35 heures. Ca n’est pas un couac :
il l’a dit dans une interview réalisée avant sa nomination au gouvernement. Il
n’empêche que méchants twittos de gauche continue à délirer comme s’ils n’avaient
pas vu les démentis du gouvernement. Il n’empêche que dans les propos de Macron
(au micro…), on peut relever quelques sujets d’inquiétude…
Ce désir de nuire et ce manque de recul sont amusants. Ce
matin, je me baladais dans Facebook et lisais quelques commentaires de
retardataires donner leur avis sur le remaniement. J’ai vu une petite dame qui
déclarait, ce matin : remplacer un industriel par un financier au
ministère de l’économie est lamentable. Je vous passe le fait que M. Macron n’est
pas un financier (ni une religieuse, d’ailleurs, et encore moins un Paris-Brest)
mais ma petite dame n’avait pas remarqué que M. Montebourg n’était pas un
industriel. C’est rigolo.
Revenons aux 35
heures…
Moi, vous me connaissez ! Ma gauchitude ne se traduit
pas par une défense immodérée du droit du travail. D’ailleurs mes camarades
gauchistes ne devraient pas oublier que nous sommes censés défendre les
opprimés, tels de braves Robin des bois, qui sont essentiellement des gens qui
ne sont pas concernés par le droit du travail, notamment des chômeurs mais
aussi des salariés précaires, ce qui est à peu près tout le cas de tous ceux
qui bossent dans les petites boites.
Il n’empêche que j’ai des marottes. Le temps de travail en
est une tout comme la défense du CDI ce qui me pousse hurler occasionnellement
contre le statut des intermittents et celui des autoentrepreneurs qui sont
majoritairement utilisés par le patronat pour contourner le droit du travail.
Alors, ce dernier, hein ! Pourquoi défendre les seuils sociaux alors que
dans notre monde merveilleux que l’on prépare le salariat sera un jour remplacé
par de la sous-traitance auprès de braves gens avec un statut particulier.
Je dis ça, j’ai l’air de déconner, mais je suis extrêmement
sérieux ! Prenez mon job. Dans l’informatique, on a toujours fait appel à
de la sous-traitance parce que les projets ont par nature une durée limitée et
la quantité de travail est élastique. J’ai moi-même été salariés de SSII
pendant 20 ans. Je dis que j’étais consultant parce que ça fait plus joli.
Ainsi, dans mon service, aujourd’hui, il y a un bon tiers de « prestataires
de services » que nous « louons » à des SSII. Figurez-vous que,
maintenant, de plus en plus de ces prestataires ne sont plus salariés de leurs SSII
mais sont autoentrepreneurs, entrepreneurs individuels voire salariés de toutes
petites SSII. Notez bien qu’hors période de crise, ça arrange bien tout le
monde : le prestataire gagne plus d’oseille et la SSII n’a pas de
contraintes de gestion.
En résumé, moi, représentant d’une grosse entreprise, quand
j’ai besoin de main d’œuvre, je fais appel à une société spécialisée (la SSII)
qui me fournit du personnel qu’elle récupère à droite ou à gauche. Je n’ai donc
pas de problème de gestion de personnel.
Il ne me surprendrait pas que ce mode de fonctionnement
finisse par devenir la norme… Tiens ! Je connais quelqu’un qui est
traductrice scientifique à son compte. Elle travaille soit pour des sociétés de
traduction soit directement pour des entreprises qui ont besoin de traduction (publications
scientifiques et autres notices ! Je me rappelle une fois, il y a une petite
vingtaine, d’années où je l’avais aidée vu que j’avais internet et pas elle, j’avais
passé des heures à me renseigner à propos des ciments). Toujours est-il qu’elle
ne compte pas ses heures. Le matin, vers 6 heures, sur le PC, à travailler,
vers 7 heures, elle s’occupe des enfants puis se remet au travail jusqu’à la
fin de l’école, rapatrie son monde à la maison, se remet au travail, revient
pour le repas et, quand les mômes sont couchés, rebelote. Pendant des périodes,
elle n’a pas de client et peu souffler un peu mais le pognon ne rentre pas.
Alors pendant les vacances, elle amène son ordinateur, se connecte à internet via
la 3G de son iPhone et au boulot ! Le pire est qu’elle n’a pas le choix.
Ce mode de fonctionnement est devenu un standard de la profession qu’elle a
choisi il y a vingt ans, mais, outre le fait qu’il faut bien faire rentrer de l’argent,
il faut bien qu’elle réponde aux besoins des clients, sinon ils vont chercher
ailleurs et elle perdrait toutes ressources.
Elle ne connait ni les 35 heures, ni les 5 semaines,… Elle
ne facture pas son travail au temps passé et personne ne peut savoir le nombre
d’heures qu’elle y passe. Et cela pourrait bien être le cas de plus en plus de
monde. Ou, du moins, il pourrait très bien y avoir de moins en moins de
salariés.
Ainsi, si j’étais ministre de l’industrie, j’irais voir mon
collègue ministre du travail et je me tournerais vers les partenaires sociaux pour
leur suggérer de réfléchir à tout ça. Outre le fait que le travailleur n’est
plus protégé par le code du travail et ce qu’il y a avec, l’entreprise ne verse
plus de salaires et de cotisations sur le travail, c’est le prestataire qui paye ces cotisations
(salariales et patronales, je ne sais pas exactement comment ça marche), en
plus des différents impôts. L’entreprise ne paye qu’une facture globale en
fonction de la prestation, majorée de la TVA par ailleurs récupérable.
Le modèle de société change… Et je ne suis pas Don
Quichotte.
Revenons aux 35
heures…
Le temps de travail est globalement encadré par un nombre d’heures
maximum par semaine, un nombre de semaines travaillées par an et un nombre d’années
de travail au cours d’une vie. C’est un résumé mais, pour moi, la
problématique du chômage ne peut pas être distincte de celle de la retraite… En
gros, au cours de ta vie, tu devras
travailler 64 000 heures et basta.
La limitation du temps de travail couvre plusieurs aspects.
Le premier est que c’est un acquis social, une conséquence
du progrès et le résultat d’années de revendications, de luttes,… Il n’empêche
que s’il y avait le plein emploi et que nous n’arrivions pas à produire
suffisamment pour satisfaire nos besoins, nous concevrions très bien de
travailler plus.
Le deuxième est que c’est garde-fou au « travailler
plus pour gagner plus ». Des gens qui en ont la capacité pourraient
souhaiter faire plus de 60 heures par semaine pour gagner du pognon. Je me
rappelle d’une histoire qui avait fait l’actualité : une femme de ménage
était salariée de deux entreprises différentes ce qui fait qu’elle dépassait 48
heures par semaine. La justice avait sévi.
Mais je me rappelle de commentaire de gauchistes à la petite semaine qui
la plaignait… Avec la fin annoncée du
salariat, il est temps de penser à ce sujet sérieusement…
Le troisième, et c’est ce qui génère ce billet suite aux
propos de M. Macron, c’est que c’est un élément de partage du travail et donc
des revenus. Si 9 types travaillent 39 heures, ils fournissent 351 heures de
travail, ce qui pourrait occuper 10 lascars aux 35 heures. Evidemment, tout n’est
pas une question de mathématiques et tout n’est pas aussi simple…
C’est un peu comme le travail le dimanche, tiens ! Si l’ensemble
des Français ont 20 milliards (je dis ça au hasard) à dépenser par an dans les
grandes surfaces spécialisées, qu’ils le fassent sur six jours ou sur sept ne
change pas grand-chose et ne profite pas à l’économie, sauf dans les zones
touristiques où pourrait consommer une clientèle étrangère.
Ainsi, les salariés français travaillent au total environ 40
milliards d’heures par an. Il me paraitrait à peu près plus juste de les
répartir entre 30 millions de personnes qu’entre 20… Le coût serait le même et
le montant que les Français auraient à dépenser dans l’économie. A droite, on
dit qu’il faut travailler plus pour faire marcher l’économie et sortir de la
crise. Ils ont raison ! Mais ce sont les 40 milliards qu’il faudrait
augmenter, par le travail hebdomadaire de la partie de la population qui en a
un.
Le ministre de l’industrie est chargé de permettre d’accroitre
ce potentiel global de 40 milliards (que j’ai d’ailleurs sorti au hasard :
ça fait 25 millions de salariés multipliés par 1600 heures).
Par contre, M’sieur Macron, M’sieur Rebsamen, M’sieur Valls
et M’sieur pépère, ne touchez pas au 35 heures, bordel !
D’autant qu’avec la fin programmée
du salariat, on est un peu dans la merde, et, surtout, qu’avec le progrès
technologique, on a besoin de moins travailler pour subvenir aux besoins de la
population (surtout qu’on achète des produits faits à l’étranger par des gens
qui travaillent à notre place, ce qui n’est pas plus mal, au fond, mais fait
sortir du pognon du pays).
Dans dix ans, toutes les caisses des supermarchés seront
automatiques. Il n’y aura plus de caissière.
C’est un exemple. Je vais en prendre un autre. Je discutais
hier avec un collègue. Mon boulot est de concevoir des logiciels. Le sien est d’aller
les installer dans les agences « pilotes » (les premières qui vont
utiliser ces machins pour les tester avant de les mettre dans toutes les
agences). Hier, il me disait que les
agents étaient inquiet par notre dernière trouvaille parce qu’ils avaient
effectivement moins de travail à faire. On les rassure comme on peut (z’inquiétez
pas les gars, on ne va pas vous virer mais quand machin partira à la retraite
il ne sera pas remplacé).
Qu’on ait moins de travail est très bien ! Ca nous
dégage du temps pour faire les cons dans les réseaux sociaux. Il n’empêche que
cette réduction ne doit pas profiter uniquement à l’actionnaire mais à toute la
société. On appelle ça la redistribution aussi. Ca peut se faire par l’impôt et
les cotisations pour donner des sous à ceux qui ne peuvent pas en avoir par le
travail.
Mais ça peut aussi se faire par le partage du travail. Les
35 heures en sont un outil.
N’y touchez pas,
bordel !
Sauf pour les serveurs de bistro quand j’ai encore soif
après la fermeture.