Le blogueur (de droite mais peu importe) Jacques Etienne
habite une petite commune (290 habitants) du sud de la Manche, près de Vire, l’andouille,
mais dans le département voisin. Dans son
dernier billet, il critique un équipement public qui va être construit à
Mortain, le chef lieu de l’intercommunalité du coin, la Communauté
de communes du Mortinais, qui va la prendre en charge.
L’occasion, pour nous, de réfléchir à l’intercommunalité en
zone rurale, même si je ne connais pas du tout le coin. Jacques Etienne pourra
corriger mes âneries. Nous sommes parfois fâchés alors j’ai été très prudent
pour lui poser quelques questions. Il est de droite, pas moi, nous ne sommes
donc pas d’accord sur les notions de service public, ce qui est au fond de la
question. Il n’empêche que je n’étais pas loin d’être d’accord avec lui, hier
soir, et que je le suis presque totalement, ce matin, après quelques recherches
dans Google…
Cet équipement est le Forum du Mortinais. Le premier
article de presse que l’on trouve nous dit : « Initié par
l'ancienne communauté de communes de Mortain, c'est un projet "au service
de la population. Il a plusieurs objectifs : son but est de compléter l'offre
de service déjà existante sur le territoire, comme la Maison de service public
à Barenton, le Pôle de service à la population au Teilleul et le Centre
d'animation et de service à Sourdeval", explique Hervé Desseroueur,
vice-président en charge du projet. » Déjà, on ne comprend pas trop
ce que cela veut dire. Les oppositions au projet sont nombreuses. C’est une
autre phrase qui m’a fait tiquer : « nous avons des opportunités de financement que nous ne
retrouverons jamais. » Les lascars vont construire un truc parce qu’ils
ont des opportunités de financement.
Cela étant, peut-être que ce machin sera intéressant pour
les associations du coin mais parmi les opposants au projet, certains semblent
penser que ce projet ferait de l’ombre aux communes et l’argument de Jacques,
que je ne partage pas mais que je comprends (j’y reviendrai), est qu’il n’a
aucune raison de participer au financement d’un équipement qu’il n’utilisera
pas. La question de base est là : à quel moment un équipement public
doit-il être financé par des gens qui n’en ont pas l’usage ? Est-ce que
les seuls habitants (du moins leurs élus) d’un secteur doivent-ils être les
seuls à décider de ce qui ne va concerner qu’une partie d’entre eux ?
Est-ce que les négociations (je te paye ton rond-point, tu me payes mon forum)
ne vont pas aboutir à un gigantesque gâchis ?
J’en tire une première conclusion : à partir du moment
où il y a péréquation, qui est
souvent nécessaire pour le désenclavement de territoires, le niveau où elle se
pratique doit être suffisamment grand pour assurer une certaine neutralité. La
communauté de commune du Mortinais regroupe environ 15 000 habitants. Une
commune en a 2700, Mortain est la seconde avec 1700, il y en a trois autres d’un
peu plus de 1000. Cette interco a peut-être la taille idéale pour gérer l’assainissement
en eau et le ramassage et le traitement des ordures. L’intercommunalité peut être
faite pour cela : tous les habitants ont le droit à un service d’eau, de
ramassage,…
Prenons un exemple pour changer de sujet ou presque :
les écoles primaires et maternelles. Avec la décentralisation, elles sont à la
charge des communes. C’est probablement une connerie (c’est l’Etat qui gère l’Education…
Nationale). Je suppose que les grosses communes du coin ont des écoles et que les
habitants des petites y envoient leurs mômes. Il serait donc logique que l’interco
assure la gestion des écoles, en fonction des besoins, des décisions de l’Etat…
et du financement, qui devrait être assuré par dotation de l’Etat. Est-ce le
cas ?
J’avais promis de revenir sur Jacques. Il habite à côté de
Vire (12 000 habitants), dans le département voisin. Il est beaucoup plus
souvent à Vire qu’à Mortain. Il ne va peut-être jamais dans ce bled, d’ailleurs.
Il le droit de s’en foutre comme de la première bière qu’il a bue sans bouger
les oreilles.
Regardez la carte qui illustre joyeusement ce billet. Elle
représente les deux régions qui composent la Normandie et qui devraient
fusionner prochainement. On y voit les limites des cantons, des arrondissements
et des départements. Je vous la remets une deuxième fois, j’ai dessiné en rouge
l’interco qui nous intéresse. Je suppose que Jacques habite une commune du
canton le plus au nord. On peut se demander sérieusement si les braves gens qui
ont découpé le territoire à une époque n’avaient pas tendance à abuser du
Calvados. Pourquoi le hasard de ce découpage fait-il que le canton de Jacques n’est
pas dans le même département que Vire et donc pourquoi, la commune de Jacques,
n’est pas rattaché à l’intercommunalité de Vire ?
Pour aller plus loin, en observant la carte du coin, on
pourrait se demander pourquoi il n’y a pas une intercommunalité autour de Vire,
une autre autour d’Avranches ? Les communes du sud, d’ailleurs, pourraient
être rattachées à Fougères… dans une autre région. Tiens ! Regardez
Alençon ! Ce machin se trouve en limite de région… Pourquoi les braves
gens qui habitent à quelques kilomètres au sud paieraient des impôts pour des
infrastructures construites au Mans alors qu’ils profitent de celles d’Alençon
et pourquoi ne pourraient-ils pas bénéficier des services publics dans la ville
à côté de chez eux. Notons que j’ai exactement le même problème au
Kremlin-Bicêtre qui touche Paris : je me fous totalement de mon
département…
J’en tire une deuxième conclusion : la suppression des
départements est indispensable et le redécoupage des régions ne va peut-être
pas assez loin. Le découpage de la France devrait être organisé en fonction des
villes (c’est un des volets de la réforme territoriale avec le renforcement des
métropoles, mais les zones rurales sont orphelines). D’ailleurs, si je ne me
trompe pas, la commune de Jacques est à la croisée de trois départements.
Revenons au Forum du Mortinais. L’observation de cartes et
le bon sens montre que Jacques Etienne a raison de s’interroger, voire de
protester, tout comme son maire, d’ailleurs. Dans les commentaires de son
billet, Jacques me demande si la collectivité doit payer un équipement qui n’en
concerne qu’une partie. Nous ne sommes pas d’accord sur la réponse mais je
pense que ce n’est pas cette collectivité de raquer mais à une collectivité de
taille suffisante pour qu’une péréquation visant à améliorer l’aménagement du
territoire soit efficace.
Il me semble que la taille idéale serait proche de celle des
arrondissements (frontières blanches sur la carte, ou grise si elles
correspondent à celles du département).
Il n’empêche que dans l’Orne, ils sont mal barrés. Il faut
que j’en parle à mon copain Alain Lambert : les arrondissements sont tout
en longueur. Il y a un secteur géographique entre le sud-est de La Manche et l’ouest
de l’Orne sans aucune commune de taille importante. Qu’ils se débrouillent,
tous ces Normands ! J’ai assez à faire avec Loudéac et Le Kremlin-Bicêtre.
Tiens ! Il faudra que je traite du patelin de l’ami FalconHill, aussi à
cheval sur deux régions. D’ailleurs sa communauté de commune pourrait être
absorbée prochainement (des projets sont en cours nous dit Wikipedia) par celle
d’Avignon dans la région voisine.
J’en tire une troisième conclusion : l’intercommunalité
doit dépasser les frontières des structures connues actuellement et j’en tire
une quatrième pour le même prix : le découpage administratif de la France devrait
être organisé autour des villes et la réforme territoriale n’aurait pas dû se
faire par fusion de régions mais entièrement repensé. Ce qui aurait été assez
compliqué, je le conçois et on aurait trouvé des andouilles pour protester.
Ce qu’il y a de rigolo est que le maire de la Communauté de
commune du Mortinais est à l’UMP et qu’il est critiqué, pour cette action, par
un type a priori plus à droite et un autre à gauche. Comme quoi, ces histoires
locales n’ont rien à voir avec un combat gauche-droite.
N.B. : je rappelle que je ne connais pas le coin. Je ne peux donc pas prendre en compte les aspects humains et affectifs qui font qu'on se sent plus proche de telle ou telle ville ou de tel ou tel département. Je rappelle aussi que c'est parce que je ne connais pas le coin que j'ai fait le billet, une sorte de vision technocratique, quoi...
N'oublions pas non plus que Jacques Etienne fait partie des râleurs professionnels...
RépondreSupprimerIl y en a beaucoup.
SupprimerRâleur ? Pas tant que ça !
SupprimerLe truc le plus gênant, dans tout ce remue-ménage régional, c'est que, jusqu'à présent, j'étais un Haut-Normand et Messire Étienne un Bas-Normand, ce qui m'offrait la satisfaction de l'humilier un peu à chacune de nos rencontres. Hélas ! c'en sera bientôt terminé de cet innocent petit plaisir que je m'offrais…
RépondreSupprimerAh merde. C'est d'ailleurs étrange que personne n'ait souligné cette injustice et exigé un changement de nom.
SupprimerPour élever l'une sans trop rabaisser l'autre, ne pourrait-on pas appeler la nouvelle région "Moyenne Normandie" ?
SupprimerLa réponse d'Alain Lambert qui a eu la gentillesse de me répondre avant les vêpres, malgré son âge.
RépondreSupprimerÀ un moment, il dit qu'on a un désaccord. Je tiens à le minimiser. Je pense que l'organisation territoriale doit être à géométrie variable. J'habite le Kremlin Bicetre qui a 25000 habitants. Pour qu'une intercos tienne la route dans le coin elle doit avoir au moins 200000 andouilles, 300000 abrutis selon le gouvernement. Dans La Manche ou Orne la question n'est pas la même. Ou du moins la réponse. Pareil à Loudéac. Il fait y tenir compte de la géographie de la Bretagbe, délimitée sur trois cotés par la mer. Le Centre Bretagne est donc un cas à part. On va donc arriver à de nombreux cas à part. C'est que j'aurais voulu essayer de démontrer dans ce billet. L'organisation ne peut pas etre la meme partout.
Jacques a-t-il expliqué comment il participait au financement des équipements qu'il utilise a Vire en payant ses impôts dans la Manche ?
RépondreSupprimerIl n'en utilise pas.
SupprimerVu qu'il se fait un peu tard, je remets à demain ma réponse, probablement sous forme de billet. Vous avez bien saisi les données géographiques du problème. J'ai également lu le billet de M. Lambert qui, bien que centriste, me semble soutenir des positions que je juge de gauche. Mais comment un infâme droitier pourrait-il en juger autrement ?
RépondreSupprimerla réorganisation des intercommunalités arrive à grand pas : plus d'intercommunalités pour moins de 20 000 habitants nous a t'on promis à un moment. Les élus communautaires sont maintenant élus au suffrage universel (un peu compliqué car ils sont fléchés sur les listes municipales, mais c'est un progrès) et on peut espérer qu'ils considèreront moins les interco comme une banque capable de rapporter de la subvention
RépondreSupprimerOui. Le système est compliqué. Et la taille de l'interco doit être au cas pas cas.
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