08 janvier 2015

Et les drôles de drames

« Pour moi il n'y a pas d'islam modéré. Il y a quelques jours j'ai été bouleversé d'apprendre qu'en Mauritanie un homme avait été condamné à mort pour apostasie, c'est à dire pour vouloir quitter la religion musulmane, par un vrai tribunal d'un vrai état membre de l'ONU depuis 1961. » a écrit RPH dans son blog, ce à quoi j’ai répondu que ce n’est pas de l’islam modéré.

On parle beaucoup de ce fameux « amalgame », depuis hier. Il faut arrêter. L’ami Yann qui a repris son blog en a fait un billet. Je lui ai répondu succinctement mais lui ai promis de revenir mais je ne sais pas trop quoi dire, à part peut-être un vague avertissement : quand on voit un type qui est visiblement d’origine nord-africaine et qu’on se dit « ah, le pauvre, il doit être victime d’amalgame car des gens peuvent penser qu’il est en partie responsable de la tuerie d’hier », on fait soit même un début d’amalgame.

Dans les blogs, j’ai lu de nombreux billets avec lesquels je suis plus ou moins d’accord, je ne vais pas en faire la liste ou dire l’origine de mes désaccords, il y a le temps pour cela, laissons les esprits se reposer. Je vais seulement en citer trois de plus, ceux de Marco et d’El Camino, d’abord, parce que j’y ai fait à peu près les mêmes commentaires, et celui de Tanguy, pour l’illustrer, vu qu’il a mis ce panneau « je suis Charlie » sous forme « d’extension Wordpress », vous pouvez lui la piquer si ça vous chante, c’est gratuit.

Je n’ai pas mis ce panneau, je n’ai pas tweeté avec « #jesuischarlie » (j’ai fait un tweet : « Je suis Charlie, où sont les drôles de dames ? » parce que seul l’humour doit l’emporter, je vais d'ailleurs le recycler pour le titre du billet) et je n’ai pas été manifesté.  Ce que j'ai dit dans les commentaires de mes potes, c’est que parmi ceux qui ont ce panneau, ceux qui manifestent, il y en a, dans quinze jours, trois mois, un an, qui me traiteront de raciste quand je critiquerai le port du voile, pratiquant ainsi un bel amalgame, d’ailleurs, une religion n’est pas une race (races qui n’existent pas, par ailleurs). Ils ont exprimé leur colère pendant quelques jours de ce que peuvent faire des connards au nom d’une religion puis ils vont oublier. C’est un autre sujet de débat que j’ai tenu dans les commentaires de mon propre blog, aujourd’hui : quelle est la place que nous devons laisser à l’islam dans notre société ? A titre personnel, j’aurais tendance à dire : aucune, comme à aucune autre religion. Cela étant, la liberté de foi est… une liberté, la question se pose donc de savoir où nous devons mettre la frontière entre ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas.

Et c’est pour ça, que je cite RPH en introduction de ce billet. Il y a forcément un islam modéré. Pour moi, être croyant, donc être musulman, c’est avoir la foi en une puissance machin truc. Je ne sais même pas comment le dire. Je ne sais pas ce qu’est « être croyant », je ne le suis pas. Et c’est un débat que nous devrons avoir (j’ai une position relativement précise sur le sujet, mais je n’ouvre pas le débat), parce que si on continue à se traiter de raciste ou de bien-pensant dès qu’on nie l’existence d’un islam extrémiste ou d’un islam modéré, le sujet n’avancera pas, le terrorisme continuera, des pays sombreront dans l’obscurantisme religieux,…

Mais, je pense qu’il faut revenir dans la vraie vie. D’ailleurs, dans les blogs, on trouve de beaux billets, par exemple de parents qui doivent expliquer à leurs mômes que des types ont été tués parce qu’ils avaient fait des dessins.

Tout d’abord, j’ai eu une discussion avec un type qui défendait l’hypothèse du « ils l’ont bien cherché ». Il pense évidemment ce qu’on veut mais il avait des arguments complètement délirants. Pour résumer, pour lui, l’attentat n’est pas une atteinte à la liberté d’expression dans la mesure où « ils » savaient ce qu’ils risquaient. Bref…

Enfin, ce soir, nous avions la galette des rois de l’entreprise. Même les musulmans étaient là, pour vous dire.

Le bigboss a fait un discours, il a expliqué qu’il avait imaginé l’annuler comme le pays était en deuil mais qu’il a préféré la maintenir afin que nous puissions faire une minute de silence, ensemble. Son discours (quelques minutes) était très bien. Il ne nous a pas parlé du travail de l’an dernier et de l’activité de la nouvelle année, comme à chaque fois.

Il nous a dit que le pays était en deuil et que nous devions nous recueillir ensemble.

J’étais ému, comme on découvrant la une de l’équipe, ce matin, sur le comptoir du bistro, comme en découvrant la une de Google avec un bandeau noir, comme en voyant des marques de solidarité venant du monde entier.

Bien plus qu’en lisant des âneries dans Twitter d’anonymes ou d’officiels qui n’ont strictement rien à dire mais cherchent à faire les meilleurs tweets d’une solidarité qu’ils tiennent à afficher ou des âneries dans les commentaires des blogs comme des types de trente ans qui se rappellent de Cabu faisant des dessins à la télé alors qu’ils étaient à peine nés.

Trop d’émotion tue l’émotion.


Je ne suis pas allé manifester, hier soir, je suis resté seul au comptoir, ne voulant parler à personne, comme prostré.

23 commentaires:

  1. J'aime ta phrase :l'humour doit l'emporter". Tu as raison.

    Sinon j'aime ton billet. Comme les autres que tu as écrit depuis hier

    RépondreSupprimer
  2. Tout est dit. J'ai souvent écris que l'on doit nous laisser mettre les vrais mots sur nos maux. Mais, à la place que j'occupe, je pèserais toujours ces mots, mes mots. Parce que c'est dans ma culture, notre culture, de ne vouloir blesser personne. Et pourtant, qu'avons-nous en face, si ce n'est des gens qui mettent dans la leur le droit et le plaisir de tuer ? Je suis plus qu'en colère. :((

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y a un maux à "écris". Cela étant on est d'accord.

      Supprimer
  3. Je picole, je commenterai plus tard !

    Super billet !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Et ne loupe pas mon billet du blog bistro, vers 20h30.

      Supprimer
  4. L'islam modéré, c'est la même chose que le communisme qui marche : on en parle tout le temps mais ça n'existe nulle part.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non Didier,

      L'islam modéré c'est comme les exoplanètes.

      Depuis qu'on sait les détecter, on sait que ça existe, et depuis qu'on les compte on les recense par milliers, alors qu'au début elles étaient simplement inimaginables. Far beyong our scope comme disent les Britiches.

      Nicolas fait un pari quasiment d’astrophysicien (probabiliste): " Il y a forcément un islam modéré" dit-il. On espère que c'est pas la mémoire de l'eau.

      Notre radar n'a pas été conçu pour détecter le pic d’émergence de l'islam modéré, donc on ne le détecte pas. Au contraire, depuis plus de 30 ans,nous sommes conditionnés pour analyser l'islam comme un truc négatif, mettons comme un accident de la route, un cancer du colon, ou une facture à payer.

      Si on remonte encore plus loin dans les enregistrements de la boîte noire, on voit bien que notre conditionnement négatif à l'égard de l'islam est plus ancien, il est d'ordre atavique (bataille de Poitiers, blabla).

      Donc on ne discrimine pas l'islam modéré (on ne le distingue pas du bruit de fond).

      Testez-vous: citez sans réfléchir un truc positif sur l'islam. N'importe quoi, le premier truc qui vous vient à l'esprit. Trichez pas, c'est du drill. Si vous séchez, vous appartenez aux 80% des gens qui, en toute sincérité, ont bien appris leur leçon.

      Faites le test avec les Juifs.

      Rabbi Jacob.

      On n'a pas de Rabbi Jacob musulman, on a Mohamed Merah.

      La difficulté est de construire du "vivre ensemble" (oui bon ok) avec du Merah et sans Rabbi Jacob. Notre représentation du Musulman, c'est les frères Dalton en AK 47 qui massacrent tout le monde en gueulant allah-ouakbar (et qui oublient leur carte d'identité dans la caisse, encore des puissants les mecs).

      Clairement on va avoir du mal.

      Faut retraiter le logiciel pour que ça marche, sinon on part direct sur un scénario zemmourien de guerre civile et de déportation. Notre cadeau aux générations qui nous suivront. Nos parents nous on filé la dette et la pollution, on file la guerre civile à nos gosses.

      Youpiiii.

      Supprimer
    2. Au lieu de pondre une tartine pareille, pour finalement ne pas dire grand-chose, vous auriez eu plus vite fait d'essayer de me trouver un pays à majorité musulmane, qui soit aussi une vraie démocratie, attentive à l'épanouissement des femmes, aux droits des homosexuels et où les religions minoritaires sont choyées. Allez-y, on vous écoute…

      Supprimer
  5. Eh bien, je comprends tout à fait le ressenti, comme on dit, de René-Paul Henry.
    Je ne vois pas très bien quel attrait pourrait avoir l'islam sur un homosexuel, une femme qui a goûté l'égalité des droits hommes-femmes ou toute personne ayant quelque désir de liberté de conscience.
    Qu'on me cite un seul pays musulman, un seul, où puisse s'exercer la liberté de la presse (blasphème y compris), l'égalité des droits hommes-femmes avec le droit à la contraception et l'avortement, le droit de changer de religion et de les critiquer toutes librement. Un seul. Les imams qui expriment leur indignation après le massacre islamiste à Paris avaient porté plainte contre les caricatures. L'existence de Charlie-Hebdo leur importe peu. Ils sont contre la liberté de la presse en France. Ils voudraient aussi qu'on autorise le voile à l'école, qu'on continue à financer leurs pratiques cultuelles. Ils sont tous, même les plus modérés d'entre eux, infiniment plus réactionnaires, plus liberticides, que les militants FN. Bien plus que les Civitas honnis.

    Il y a des musulmans modérés, et je prends modéré pas dans le sens "qui piccole ou ne voile pas sa femme", mais "qui voudrait bien qu'on purge leur religion de tous ses appels au meurtre, et aille vers l'égalité hommes- femmes. Ceux-là je les tolère, je vais jusqu'à en apprécier ou en aimer certains, mais ça ne va pas plus loin.

    RépondreSupprimer
  6. Nicolas, lis ça: http://quebec.huffingtonpost.ca/abdennour-bidar/lettre-au-monde-musulman_b_5991640.html?ncid=tweetlnkcahpmg00000011, dont j'extrais ce passage:"Ce refus du droit à la liberté vis-à-vis de la religion est l'une de ces racines du mal dont tu souffres, ô mon cher monde musulman, l'un de ces ventres obscurs où grandissent les monstres que tu fais bondir depuis quelques années au visage effrayé du monde entier. Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes fils dans la cage d'un Bien et d'un Mal, d'un licite (halâl) et d'un illicite (harâm) que personne ne choisit, mais que tout le monde subit. Elle emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées, tu associes encore la religion et la violence - contre les femmes, contre les « mauvais croyants », contre les minorités chrétiennes ou autres, contre les penseurs et les esprits libres, contre les rebelles - de telle sorte que cette religion et cette violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus fragiles de tes fils, dans la monstruosité du jihad !"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. RPH: il n'y aurait que des leaders comme Bidar, on n'aurait pas de problèmes avec l'islam.

      Je me souviens de ce que répondait un professeur blogueur de gauche, de tous ici connu, à quelqu'un qui lui demandait pourquoi il avait peur que ses élèves puissent identifier son blog, et savoir qu'il était homosexuel. "là où j'enseigne, tu sais, il y a beaucoup d'élèves musulmans..."

      Supprimer
  7. Tiens ! Je suis presque d'accord avec la tartine usuelle de Tshok.

    Je vais affiner ma pensée. Disons qu'il y a des musulmans modérés. Tous ceux que je connais sont modérés (n'oublions que je traine dans un milieu particulier : une banlieue bobo pleine de musulmans bobos aussi et un boulot dans une filiale d'une boîte publique, je n'ignore pas qu'il y a un monde à coté). Ils sont tous modérés. Ils pratiquent leur foi sans faire chier le monde. Ils se foutent de l'islam en tant qu'organisation parce que l'islam, contrairement au catholicisme, n'a pas d'organisation.

    La plupart pratiquent le ramadan. Une partie vous de l'alcool (mais les connais surtout au bistro). Je parle souvent de mon pote Djibril car nous parlons souvent et il est de mon niveau social ou intellectuel (je ne trouve pas le terme) et d'une part il connaît bien le coran (à ce que je peux en juger...) et d'autre part il boit de l'alcool et ne fait pas le ramadan et sait expliquer pourquoi (le ramadan c'est vivre sans avoir beaucoup à bouffer, comme les pauvres, ne pas bouffer la journée mais s'empiffrer la nuit est contraire aux principes de l'islam et du Coran (toujours selon lui, pour ma part je m'en fous).

    Toujours est-il que la plupart chez nous mais aussi dans les pays d'où viennent mes potes (essentiellement de l'Afrique de l'ouest, de la Tunisie au Sénégal et un peu la Turquie) sont pareil : des musulmans modérés et par conséquent laïques.

    Et ce n'est parce sûil y a des connards dans un certains pays qu'il faut penser que toute la population pense que l'islam doit exister en tant au organisation pour régenter la vie.

    Alors si on va en banlieue de Bicetre, on va trouver des populations défavorisées. Les immigrés sombrent un islam radical et les autres dans le Front National.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. « Je vais affiner ma pensée. »

      Putain, c'que vous m'avez fait peur ! Pendant une seconde ou deux, j'ai cru que vous alliez vraiment affiner votre pensée, dites donc ! Heureusement, la lecture de votre commentaire m'a rassuré.

      Vous répondez totalement à côté de la plaque, une fois de plus. Personne ne nie qu'il y ait des musulmans (c'est-à-dire des personnes, des individus) modérés. Ce qui n'existe pas, c'est un islam (un système d'organisation social et politique) modéré.

      Du reste, quand l'islam arrive au pouvoir quelque part, les musulmans modérés sont priés de la boucler sous peine de représailles sévères ; la plupart du temps, ils se "démodérisent" assez rapidement, ne serait-ce que pour sauver leur peau, ce qui est bien compréhensible.

      Supprimer
    2. Je ne réponds pas à côté de la plaque. Outre le fait que nous sommes dans les commentaires de mon blog au sujet d'un de mes billets, vous persistez à voir l'islam comme une organisation. Or ca n'en est pas une.

      Alors évidemment quand des types arrivent au pouvoir au nom de l'islam, c'est le bordel. Ne dites pas que je le nie.

      Supprimer
    3. Donc, ça rejoint ce que je disais : les musulmans modérés existent, mais on s'en fout comme de l'an quarante, dans la mesure où ils ne sont jamais au pouvoir et obéissent aux ordres que leur donnent les "islamistes".

      Supprimer
    4. Arrêtez de crier « j’ai raison, j’ai raison » quand vous êtes hors sujet. D’un autre côté, c’est mignon. Est-ce qu’il y a beaucoup de musulmans au pouvoir en Europe ? Non. Est-ce que vous en avez quelque chose à foutre des musulmans hors d’Europe ? Non (vous l’avez déjà dit plusieurs fois et je ne suis pas d’accord vu que c’est hors d’Europe qu’ils préparent leurs machins de terroristes).

      Une fois qu’on sera d’accord sur les mots, on pourra causer et vivrensembler les banlieues en y virant tous les connards qui foutent la merde.

      Supprimer
  8. Tshok tu es viré. C'est ainsi. Je vire les casse couillesx surtout les prétentieux et les bavards.

    RépondreSupprimer
  9. Je rappellerais simplement qu'au moins 117 journalistes ont été tués en Algérie lors de la décennie noire Des officiels décrétèrent un blocus sur l'Algérie plutôt que venir en aide aux "modérés" et certains affirmaient que "les islamistes étaient une bonne chose pour l'Algérie" . Donc les "musulmans" n'obéissent pas aux extrémistes, ils subissent comme en Irak Lybie Syrie Nigéria ou Soudan des terroristes armés et véhiculés avec du matériel non musulman.

    RépondreSupprimer
  10. Témoignage d'un survivant, ami de Charlie Hebdo : « Je croyais en avoir fini avec ces tragédies. Je viens d’un pays qui a connu cette terreur pendant plus d’une décennie, pour que des gens comme moi puissent continuer à dessiner, à s’exprimer. » En 1994, Dilem, menacé par les terroristes islamistes se rend à Paris « pour respirer un peu». C’est là qu’il fait la rencontre des dessinateurs de Charlie. « Parfois, je pensais renoncer à exercer mon métier, je pensais que c’était trop cher payé de risquer sa vie pour un dessin. Mais eux m’ont donné envie de continuer, ils m’ont montré que j’avais une utilité. »

    RépondreSupprimer
  11. Bravo Nicolas. Je n'ai pas non plus affiché "Je suis Charlie" sur mon FB, ni manifesté, ni regardé et diffusé la vidéo d'une exécution en direct. Ça me fait marrer (jaune) de voir des gens, que j'aime bien par ailleurs, et qui ne s'intéressent habituellement à rien d'autre que leur petit nombril, leurs séries et émissions de télé-réalité, écrire leurs 3 petites lignes, tous les memes, un peu comme ces vœux qu'on souhaite sans y mettre ni coeur ni sincérité.
    Bisous mon Nico !

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...