Morceau de République |
L’épisode du 49.3 a montré qu’on a un problème d’exercice
démocratie en France. Certains expliquent que faire passer un texte avec le
49.3 est un déni de démocratie. Pour ma part, je pense que le premier ministre
est nommé à un poste pour faire un job, ce n’est pas un déni de démocratie qu’il
ait le droit de faire passer un texte par an pour faire le job s’il n’a pas de
majorité pour le faire. Le plus drôle est que je dirais exactement le contraire
si c’était la droite qui faisait ça.
C’était l’objet de mon billet d’hier : la droite a
utilisé beaucoup moins souvent le 49.3 parce que les députés sont disciplinés,
qu’à droite on suit le chef et tout ça. Je disais qu’ils étaient tenus par les
couilles. A gauche, par contre, on aime bien les avis contraires, les
discussions. Il est donc beaucoup plus difficile de trouver une majorité.
Ce qui ne sont pas d’accord avec la majorité sont souvent
ceux qui prônent une Sixième République (et même si je parle souvent de
Constitution parce que cela me passionne, je ne suis pas vraiment d’accord avec
ce que j’ai pu lire sur « leur » ligne) mais il y a un hic :
changer les institutions ne leur fera pas réunir une majorité. Si vous regardez
le résultat des élections présidentielles, il est rare qu’un président élu
recueille plus de 30% au premier tour et personne, depuis 1969, n’a fait plus
de 50. Il faut donc que le président trouve cette majorité et fasse des
compromis, des négociations,… D’ailleurs si les politiciens de gauche qui se
retrouve derrière cette nouvelle République étaient élus dans le cadre de cette
République, ils peineraient à former une majorité.
Je ne sais pas si le phénomène est spécifique à la France.
Prenez l’Allemagne où le fonctionnement de l’Etat pourrait être pris comme
exemple pour ne nouvelles institutions. Le président est fantoche et c’est bien
le parlement qui gère le pays mais le plus grand parti de droite a du faire une
coalition avec le plus grand parti de gauche. Chez nous, cela serait
impossible.
C’est d’ailleurs pour ça que je ne suis pas en train de
faire un billet prônant un changement des institutions. En France, on a le
fameux rapport « droite gauche ». Il va sans doute prochainement
tomber d’ailleurs. Imaginons que François Hollande fasse une dissolution, là,
maintenant, parce qu’après il a apéro. On pourrait avoir une assemblée
constituée ainsi : petits partis de gauche 15% (je parle en nombre d’élus),
PS, 25%, UDI+UMP 40% et FN 20%. Il serait logique que le président appelle le
patron du gagnant, l’UMP comme premier ministre et ce dernier serait bien
obligé de faire appel au FN ou au PS pour former un gouvernement.
En France, on appelle ça l’ouverture. Mitterrand l’a fait en
1988 parce qu’il en avait besoin. Sarkozy l’a fait en 2007 pour faire joli (il
avait la majorité). Si on refait cela aujourd’hui, c’est-à-dire dans un sens
inédit : une ouverture de la droite vers la gauche pour trouver une
majorité, ceux de gauche acceptant ce principe sur la base d’un texte de
compromis, seraient appelés par la vraie gauche des traitres alors qu’ils ne
feraient qu’éviter à l’UMP de se droitiser en pactisant avec le Front National.
Et c’est ce rapport « droite gauche » qui fout le
bordel. Je ne souhaite pas le faire sauter, je me sens profondément de gauche
mais pas nécessairement de la même gauche que d’autres qui ont une position de
principe. Je vais prendre quatre exemples. Je précise que ce n’est pas de la
provocation mais de l’illustration.
Le premier. Je
vais le prendre dans le rapport Macron. Il y a un truc pour permettre la
privatisation des aéroports. Les mecs de gauche gueulent : ah mais bon
dieu c’est une mesure de droite, il ne faut pas privatiser les infrastructures,
et l’aménagement du territoire bordel ? Je pourrais m’attacher à démontrer
le contraire. Par exemple, l’Etat n’a pas à gérer des équipements utilisés
exclusivement par des opérateurs privés, c’est bien la droite de dépenser des
sous pour permettre à d’autres de gagner du pognon. Ou : prendre les
aéroports de Nice et de Toulouse défendre pour l’aménagement des territoires,
ce ne sont pas ces grandes villes qui en ont besoin. Ou : hého la plupart
des aéroports sont déjà gérés par des CCI qui ne sont pas des structures
publiques.
La seule question qui doit se poser est : ah mais
bordel si un type juge rentable de dépenser un milliard pour acheter un
aéroport et qu’il gagnera des sous avec c’est complètement con de le vendre
puisqu’on pourrait les gagner nous-mêmes. C’est le principe de la privatisation
des autoroutes : des andouilles gouvernementales ont jugé utile de le
faire, on gueule parce que les tarifs sont trop élevés et les acheteurs s’en
foutent plein les fouilles.
Donc je suis contre la privatisation des aéroports. Et c’est
exactement le genre de position qui pourrait faire consensus (d’autant que moi,
blogueur de gouvernement encore disponible, je prends une position qui est le
contraire de celle de la loi en question). On réfléchit à froid. Et personne ne
jugerait utile de passer en force pour privatiser nos autoroutes, nos aéroports
ou nos toilettes publiques.
En aparté, ça montre le deuxième défaut de notre système :
la possibilité de faire des lois « fourre tout » comme la loi Macron.
C’est une erreur de leur part.
Rassurez-vous, je vais abréger les exemples suivants.
Le deuxième :
le referendum de 2005 (et de manière plus générale). La fracture n’est pas
droite gauche. Elle est entre les « bouts »
et le centre. Et être partisan de la construction de l’Europe est être partisan
de l’amélioration de Maastricht qui est un truc de droite que nous a collé la
gauche, donc un truc de gauche. Et être européaniste est être
internationaliste. Et être de gauche nécessite, pour moi, d’être
internationaliste.
Le troisième :
le déficit et l’austérité. A gauche, ils veulent moins de restrictions
budgétaires. Or la dette, elle est souscrite auprès d’opérateurs privés, des
marchés financiers,… Donc vouloir que l’Etat dépense de l’oseille favorise le
privé et c’est donc de droite.
Le quatrième : le
mariage pour tous. C’est un truc bien de gauche que de vouloir que tous les
couples aient les mêmes droits et j’en suis profondément partisan. Mais
admettez que c’est quand même bien rigolo de voir la gauche défendre le
mariage, cette putain de vieille institution catholique et réactionnaire.
Fin. Des exemples.
Je rappelle qu’ils ne sont pas là pour faire des
provocations mais pour illustrer le fait que tout ne peut pas être réduit à un
rapport droite gauche.
Dans ces paragraphes numérotés, j’ai introduit une deuxième
numérotation, celle des défauts, conneries ou des difficultés de notre système.
Le premier : la nécessité du compromis pour avoir une majorité rendu
difficile par le rapport droite gauche. Le deuxième, abordé au détour d’une
phrase, est la possibilité de faire des lois fourre tout et, d’une manière
générale, cette habitude que l’on a, à droite comme à gauche, de légiférer pour
un oui ou pour un non. Tiens ! Je vais prendre un truc que j’approuve dans
la loi Macron : la libéralisation du transport par car (c’est une position
qui pourrait être qualifiée de droite mais j’en ai déjà fait des billets, je ne
vais pas me justifier). Je suis tombé sur le cul quand j’ai appris qu’un
opérateur privé ne pouvait pas faire une ligne de transport interrégionale sans
autorisation de l’Etat ! C’est délirant.
Et on en revient à nos aéroports : en France, vu de
gauche, il faut que le service public soit assuré par l’Etat. Il peut l’être par le privé. Et aussi par les
collectivités territoriales.
Je parlais, hier soir, avec un camarade MRC (il y en a
plein, à Bicêtre) qui notait tout le bien que faisait le service public,
notamment à Bicêtre, au niveau de l’aide sociale, ce qui est vrai. Il m’a dit
que c’était ça, pour lui, la République. J’ai dit non… Ce qui fait par la ville
n’est pas du ressort de la République sauf si c’est imposé par les lois de la
République.
Et c’est le troisième défaut ou connerie de notre système, c’est
d’utiliser le mot République pour un oui ou pour un non. Pour résumer, le mot « république »
signifie qu’on n’est pas en monarchie, ce qui ne veut pas dire qu’on est en
démocratie, d’ailleurs (et ceux qui se sont appelés « républiques
démocratiques » n’étaient pas franchement des démocraties). Si on y colle
un R majuscule, « République » peut s’appliquer à notre pays, qui est
une république. Par contre, l’adjectif « républicain » ne peut s’appliquer
qu’à la forme d’organisation du pays, l’opposition à monarchie. Ainsi, ceux qui
cherchent à casser le Front National en disant que ce n’est pas un parti
républicain se trompent de combat. Ca aurait quel sens de dire qu’un parti d’extrême
droite anglais n’est pas républicain ?
Alors le Front Républicain apparait comme une grosse
connerie. Les braves gens ne font que dire qu’il faut un consensus entre la
gauche et la droite pas extrême pour barrer la route à l’extrême. Et ce mot, « République »,
dont nous sommes très fier au point que certains voudraient rendre férié le 21
janvier, tout en en faisant une Sixième perd son sens.
C’est étrange. Je suis républicain parce qu’opposé aux
privilèges que nécessite une monarchie mais surtout un démocrate, bien plus que
républicain. Et le démocratie nécessite le consensus.
On ne fait pas une majorité tout seul. Et faire une sixième
République ne garantit visiblement pas la démocratie.
Quand tu ne comprend pas un texte, il y a deux solutions. Soit il est mal rédigés. Soit tu es con.
RépondreSupprimerOui.
RépondreSupprimerLa photo est très bien. L'autre photo aussi.
RépondreSupprimerEt vice versa.
SupprimerDésolé j'ai besoin de faire un test et c'est tombé sur vous (j'ai de la chance).
RépondreSupprimerMoi pas...
SupprimerLong billet, agréable à lire. Je suis totalement d'accord avec toi sur le deuxième point, et sur la fracture aujourd'hui : je partage totalement cette analyse...
RépondreSupprimerEt j'aime beaucoup les photos, les deux. Ca a l'air joli la Bastide d'engras (j'ai fait Google Image, parce qu'il m'a plu ton village et il me rappelait des coins vers chez moi).
C'est à coté de chez moi en plus, vers les coins où je marche en ce moment : il faudra que je fasse...
Merci.
SupprimerJ'ai pris une photo au hasard...
Ben tu es tombé à 20 km de chez moi : félicitations (tu as gagné un verre de rouge à ta prochaine descente)
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