En un peu moins de 12 heures après l'annonce,
dans Facebook et sur mon blog, de la venue du président du Syndicat
des Médecins Libéraux à une soirée de blogueurs, ce sont deux
copains qui me font le reproche de l'avoir invité pour écouter leur
propagande. Comme si la sécu allait bien et que la loi Touraine
aller tout sauver. Alors, je vais leur répondre.
Tout d'abord, ce sont les blogueurs que
j'invite à ces soirées. Les personnalités, comme les dernières,
Céline Pina, Dominique Strauss-Kahn et Claude Bartolone, viennent à
la Comète parce que leurs équipes les ont persuadées que c'était
utile et m'ont sollicité. Non mais sans blague. Tiens ! Je vais
lancer une invitation publique, pour la première fois : c'est
avec plaisir que nous recevons tout le monde (sauf le Front National
car nous sommes sectaires), mais après DSK et Barto, côté
politique, le tout venant risque de ne pas attirer les foules. Il
nous faut des têtes de liste, des chefs de partis...
Ronald nous rappelait récemment
qu'avec l'ami Rosselin, nous avions reçu une affreuse libérale.
C'est en me fritant avec une d'entre elles, qui tenait un blog
« privatiser la sécu » que ma réputation de grossier
personnage avait démarré. Il faut dire que
mon
billet avait pour titre « Connasse blogosphérique »
ce qui n'était guère aimable.
C'était ma première raison : je
reçois tout le monde et j'aime bien m'engueuler avec les libéraux qui n'ont rien entre les oreilles.
La deuxième est que je me fous de la
propagande : je suis assez grand pour faire la part des choses
entre les arguments et, au fond, je m'en fous réellement, n'ayant
pas vraiment de pouvoir pour faire bouger le pays. Ce qui m'intéresse
est d'écouter et comprendre et d'en tirer des billets de blog, si
possible rigolos quand je suis en forme, contrairement à certains
blogueurs de ma connaissance qui s'imaginent avoir un pouvoir
quelconque. Je suis capable d'écouter, je n'ai pas un avis prémaché
sur à peu près tout et une capacité d'indignation extraordinaire.
La troisième est que le confusionnisme
m'exaspère. Notre sécurité sociale consistant à prendre du pognon
sur le travail (cotisations salariales et patronales) et sur les
revenus et à les refiler dans les poches de machins privés, comme
des médecins, des pharmacies et des laboratoires, elle n'a
absolument rien de gauche. Dans la mesure où les prélèvements sont
obligatoires, elle n'a absolument rien de libérale. Disons qu'elle
est étatique et capitalistique, sans être gérée par l'Etat mais
par des partenaires dits sociaux. Notons que je n'ai rien contre.
En d'autres termes, si un toubib
libéral peut ne pas être content d'être obligé d'accepter le
tiers payant, je peux ne pas être content de filer du pognon à un
privé par l'intermédiaire de mes impôts et cotisations... Pas de
confusionnisme, donc.
La quatrième est que je n'ai qu'une
confiance minimum dans les professionnels de santé pour des raisons
personnelles. Je me rappelle une fois où j'avais une plaie sur
l'avant bras qui ne guérissait pas. Vaguement inquiet, je vais à la
pharmacie demander des conseils. La pharmacienne refuse de me
conseiller et m'envoie voir le généraliste qui me prescrit un
antiseptique et de l'éosine après m'avoir indiqué que c'était du
psoriasis et vu qu'en j'en avais aux coudes et au cuir chevelu et
qu'on le soignerait quand ma plaie serait guérie. Et me voilà de
retour à la pharmacie pour acheter des trucs que j'aurais pu prendre
dans n'importe quel centre commercial (j'ai eu la même plaie
récemment, je n'ai rien fait, au bout de quatre semaines elle avait
disparu). Quant au psoriasis dans les cheveux, il a disparu après
deux ou trois shampoing avec un truc antipelliculaire suite aux
conseils d'un copain.
Je vais raconter une autre anecdote,
tiens ! Un jour, j'avais le palpitant qui partait en couilles.
Le docteur m'avait faire des prises de sang et différents examens.
En marge, je lui avais dit que j'avais parfois très mal aux
articulations des doigts. Elle s'était foutue de ma gueule :
c'était de la goutte. A mon âge. Je me rappelle ses propos :
vous allez voir, cela fait très mal mais n'est pas dangereux. Un peu
après, je raconte ça au médecin du travail qui me dit : vous,
vous mangez beaucoup de tomates. Je réponds : non, j'ai horreur
de cela. Il me dit : des champignons, alors ! Gagné !
J'en mangeais presque tous les jours.
Du coup, j'ai plus confiance dans la
médecine du travail que la traditionnelle.
La cinquième est que le système va
mal. Vous avez déjà tenté d'avoir un rendez vous chez un
généraliste en Centre Bretagne sans vous y prendre quatre semaines
à l'avance ? Vous avez déjà été pris dans la demi heure aux
urgences ?
La sixième est que cela va aller de
pire en pire. L'ami Gilles, le véritable organisateur de la
rencontre, en parle
dans
son blog. La vérité est que les complémentaires vont prendre
le dessus parce que l'offre médicale étant insuffisante et
compliquée, il vous faudra téléphoner à votre complémentaire
pour savoir quoi faire. Regardez bien autour de vous, tous les cas un
peu particuliers auxquels vous avez eu à faire. Vous n'auriez pas
aimé de l'assistance, un service qui vous conseille, qui vous dise
quoi faire ?
Et seuls ceux capables de payer une
véritable complémentaire privée pourront en profiter et la
médecine sera de plus en plus inégalitaire car progressivement, les
« déremboursements » vont augmenter, les maladies prises
en compte à 100% diminuer, le tout au nom d'une logique comptable.
Le médecin libéral défendra
nécessairement sa corporation, a priori pour gagner plus d'argent
mais il n'est pas le principal fautif dans cette histoire, le fautif
est une organisation de la sécurité sociale depuis des années,
avec un tas de rustines dans tous les sens, imposées par l'Etat ou
les organismes sociaux. Au moment du déploiement de la carte vitale,
j'avais observé l'avancement des travaux (c'est très proche de mon
domaine professionnel) et je regarde les évolutions...
Quand un type est malade, il faut le
soigner. Pourquoi mettre une photo sur une carte vitale qui ne sert
pas à grand chose si ce n'est à identifier un patient ? Est-ce
que, finalement, tout cela ne coûterait pas excessivement cher pour
une utilité médiocre ? Est-ce que le tiers payant généralisé
incitera les plus démunis à se faire soigner sachant qu'ils devront
quand même payer la partie non remboursée ?
Depuis quinze ou vingt ans, je suis
opposé à tous les replâtrages de la sécu mais je veux bien
écouter tout ceux qui ont quelque chose à dire...