En politique, l'important, c'est d'être d'accord avec le patron de bistro d'autant que son métier consiste essentiellement à taire ses désaccords avec les clients.
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Le numérique et les candidats à la présidentielle
Je dois avouer que quand j’entends le mot « numérique », j’ai tendance à m’énerver rien qu’à l’idée des âneries qui vont être débitées par la suite. On nous parle d’un enjeu majeur et tout ça mais je ne vois pas beaucoup de candidats à l’élection présidentiel qui en parlent et la politique du Parti Socialiste m’énerve depuis toujours même si Axelle Lemaire fait un bon job. Ce n’est pas à un ministère de travailler les conséquences du numérique.
Le numérique est souvent réduit aux technologies utilisées et à ce qu’elles permettent de faire tout en laissant entendre que c’est nouveau et que le rôle des politiques publiques est de favoriser le développement de ces technologies. Pas plus tard qu’en faisant caca, hier matin, je lisais une publication d’un Conseil Départemental (le 22 pour ne rien vous cacher vu que je faisais caca chez ma mère, ce week-end). Ces braves gens nous expliquaient que le Conseil en question allait favoriser le développement de la fibre.
C’est très bien mais on s’en fout. Il n’empêche que ma mère a le téléphone depuis aussi longtemps que je puisse m’en rappeler. Je suppose qu’il a été installé avant 1970. Par ces fils pendus à la maison, on a pu avoir le Minitel dans les années 80, Minitel qui me servait à consulter mes comptes bancaires, comme on peut le faire maintenant avec une tablette. 20 ans plus tard, on a pu lui prendre un abonnement à Internet. Le monde bouge, rapidement, lentement, mais il bouge. Pouvoir faire sa déclaration d’impôt par internet n’est pas neuf et j’ai parfois l’impression que si on parle beaucoup de numérique, c’est pour masquer les conséquences de ces progrès technologiques continus.
On parle de révolution numérique, de transformation du même métal,… Des types qui auraient eu des cravates au siècle dernier nous parlent de disruption sans même savoir ce que cela veut dire et Mélenchon fait un discours avec hologramme pour paraitre moderne. Sauf que la technologie n’a rien à voir avec des hologrammes. C’est une projection vidéo en 2D depuis le plafond sur un écran presque transparent placé à 45 degrés. Les frères Lumière auraient pu le faire.
Dans la suite de ce billet, je vais continuer à utiliser ce terme, « numérique », mais vous devriez lire « progrès technologique » à la place.
Tenez ! On nous parle de voiture autonome mais, il y a quinze ans, j’avais une voiture qui parlait, qui allumait automatique les phares quand il faisait nuit ou les essuie-glaces quand il pleuvait, qui bipait quand j’approchais d’obstacle en marche arrière ou dépassais la vitesse autorisée... Quinze ans après, que les voitures puissent se débrouiller toutes seules, c’est logique. L’exemple de la voiture autonome est intéressant. Ca y est ! Ca marche. Il reste des problèmes industriels à résoudre mais aussi des bricoles, comme sur le plan juridique : qui est responsable en cas d’accident, par exemple, quand une voiture n’a pas de chauffeur ? D’autres sujets plus intéressants sont à aborder : peut-on prendre une voiture électronique quand on est saoul comme un terrain de manœuvre (je ne veux pas stigmatiser les Polonais aujourd’hui). Voilà de vrais enjeux du numérique : comment une boite informatique peut s’associer avec un constructeur automobile (ou vice versa) pour produire ? Comment faire évoluer la réglementation ou la législation en conséquence ?
Outre le fait qu’on pourra rentrer saouls du bistro, quelles sont les conséquences de la voiture autonome ? Uber va pouvoir en acheter et n’aura plus besoin d’employer des chauffeurs. Je vais être cynique mais dans ce contexte, Uber a raison de mal payer les chauffeurs. Pendant une semaine, pour des raisons de santé, j’ai dû prendre le taxi pour aller au travail (c’est plus pratique pour moi qu’Uber, mon côté ringard). J’ai donc découvert l’application G7 pour smartphone. D’ici quelques années, il n’y aura plus besoin de chauffeurs de taxi (sauf pour manifester pour défendre les monopoles…).
Notons que c’est bien rigolo de voir les conflits entre les chauffeurs de taxis et les chauffeurs Uber : ils ont les mêmes défis à relever (s’assurer un job) et se battent les uns contre les autres pour les intérêts de de leurs patrons réciproques qui se préparent déjà à assurer l’ère « voiture électronique ».
Une profession, celle de chauffeurs de voitures individuelles à destination du grand public, va disparaitre. Les sociétés mères vont se mener une grande guerre, les tarifs vont baisser et les habitants des grandes villes n’auront plus intérêt d’avoir leurs propres véhicules et les charges qui vont avec. Les véhicules électriques vont se multiplier, les questions d’autonomie n’auront plus d’intérêt, les voitures se débrouilleront toutes seules. Toute l’industrie autour de la voiture (les vendeurs, les assureurs, les réparateurs, changeurs de pneus, laveurs, vidangeurs,…) va disparaitre (au profit de grands garages gérés par G7, Uber ou les constructeurs de voitures, presque totalement automatisés).
Des dizaines ou des centaines de milliers d’emplois vont disparaitre mais nos politiciens continuent à voir le numérique comme une application pour smartphone permettant de commander une voiture géolocalisée.
Cette profession ne sera pas la seule à être bouleversée. Certaines l’ont été par le passé et on l’a oublié ! Où voit-on encore des pompistes ? Combien de temps aura-t-on encore des caissières ? Surtout quand tous les produits auront des puces genre RFID et seront comptabilisés quand vous les mettrez dans votre caddie ? Et nos pauvres libraires dont on annonce la disparition à cause des méchants d’Amazon ?
Cela fait très longtemps qu’on parle de la disparition de métiers. On nous explique qu’ils seront remplacés par d’autres y compris dans le numérique, d’ailleurs (en pensant encore aux nouvelles technologies). Mais ce n’est pas vrai. On bosse de moins en moins (en cinquante ans, on est passés de plus de 2200 heures par an à moins de 1600) et le chômage augmente… Pour un politicien, ce n’est pas facile de dire à l’électeur : « hé ben ducon, on ne sortira pas du chômage ».
Et la présidentielle ?
Si je n’avais éliminé Arnaud Montebourg et Manuel Valls parce que je ne peux pas les blairer, je les aurais éliminés pour leur rapport au travail, à cette fameuse « valeur travail ». Je vais éliminer Emmanuel Macron. Ses propos, ce week-end, autour de ces thèmes n’étaient pas satisfaisants. Ils étaient presque destructeurs. Je vais l’éliminer temporairement (si, en avril prochain, il est plus en mesure de figurer au second tour qu’un type de gauche, je changerai d’avis). Pour un peu, il va nous vanter l’émancipation par le travail. Mélenchon va un peu dans le bon sens, mais…
Seul Benoît Hamon évoque ces sujets. Il le fait maladroitement. Sa taxation des robots est grotesque et ses propos relatifs au revenu universel ne sont pas clairs, pas vendeurs. Pourtant, il a raison. Les voiture autonome d’Uber et de G7 sont bien des robots. Et le chiffre d’affaire fait par les robots sans main d’œuvre doit bien être taxé afin de permettre de redistribuer les revenus d’Uber vers une espèce d’allocation pour les braves gens qui n’auront pas la chance d’avoir un job…
Benoît Hamon porte, dans cette élection, le seul vrai sujet valable dans les secteurs sociaux et économiques. Aidons-le !
Et le numérique dans tout ça ?
C’est un titre d’accroche pour mon billet. Parce que tout le monde met n’importe quoi derrière ce terme numérique, d’un progrès humain en passant par une augmentation de compétitivité, des sources de revenus, des économies, une nécessité face à la concurrence. Pour ma part, ça fait 30 ans que je bosse dans l’informatique, sur des automates qui remplacent le boulot d’hommes parce que le service rendu est meilleur, que le travail remplacé était chiant,… Je ne me suis jamais vanté de bosser dans le numérique.
Le numérique est plein de chose mais c’est surtout une baisse du travail, parce que c’est le progrès et que nous ne sommes pas faits pour travailler.
Mais pour aller au bistro. C’est l’heure, d’autant que ça fait longtemps que je n’avais pas pondu une tartine comme ça. Vive l’iPhone dans le TGV et la fonction qui vous rappelle à 18 heures le lendemain qu'un billet est prêt ! C'est aussi ça, le numérique...
Mais halte aux tireuses de bière reliées à un ordinateur qui vérifie la quantité servie, hein !