Je crois avoir un début de vague explication au fait que certains d'entre nous à gauche ont du mal avec la laïcité. Je viens d'ailleurs de voir un affreux tweet qui disait que la laïcité était une boîte à outils juridiques patati patata.
Il y a le fait qu'on soit né dedans. Qu'on l'ait toujours pratiquée ou vécue.
En 1977, à 11 ans, après un bref séjour vers 73 ou 74, je suis revenu aux Éclaireuses et Éclaireurs de France. C'était la seule association de scoutisme qui pratiquait la coéducation (l'éducation "en même temps" des garçons et des filles, ce n'est pas vraiment la mixité, les couchages et les douches étaient séparés ce qui est moins drôle) et surtout la seule laïque. Nous en étions très fiers, sans doute peut-être par opposition aux Scouts de France, à l'époque strictement masculins et surtout catholiques, à notre âge (je suis de 1966). Dans le Centre Bretagne, nous n'avions pas d'autre obédience du scoutisme (que cela soit les Guides de France, les filles catholiques, ou les machins israélites, unionistes - protestants - et surtout musulmans vu que l'association de scoutisme musulman a été créée plus tard).
Plus tard, à partir de 16 ou 17 ans, on a commencé à être formés plus formellement aux valeurs de l'association, vu qu'on allait progressivement devenir "responsables" (animateurs,...). Et on ne comprenait pas pourquoi des vieux crabes insistaient sur ces deux valeurs : coéducation et laïcité. Nous avions toujours vécu dedans, filles et garçons, athées et catholiques. Tous ensemble dans nos jeux, nos camps, nos projets, nos fêtes,...
Plus tard, je suis devenu responsable de centres de vacances, toujours pour les EEDF. Je n'avais aucun mal à expliquer aux parents qu'on ne faisait rien de religieux et que, en tant qu'athee, j'aurais du mal à accompagner les gamins à la messe et que je refusais d'adapter notre programme en fonction des pratiques religieuses de chacun (mais nous avions bien des menus de substitution pour certains et, si on mangeait du poisson le vendredi, c'était plus par tradition bretonne que catholique).
Plus tard, la routourne a tourné. J'ai quitté l'association et j'ai commencé à habiter dans une banlieue "cosmopolite" où nous pratiquions le vivre ensemble sans le savoir et à merveille. J'avais un boulot avec beaucoup de musulmans (arrêtons le politiquement correct : les ingénieurs formés en Afrique ont les mêmes compétences que "les nôtres" mais sont beaucoup moins chiants. Ils viennent en France pour parfaire leur formation pas pour révolutionner un secteur auquel ils ne comprennent rien).
Mais j'ai l'impression depuis quelques années que ma laïcité mais aussi ma cohabitation sont cassées. Les attentats, Charlie,... en sont évidemment beaucoup plus qu'une illustration mais j'ai l'impression que les dommages ont commencé avant. Je vois ça avec ma lorgnette de blogueur mais il me semble qu'internet et les années Chirac ont beaucoup mis en avant les différents communautarismes. Je me trompe peut-être.
Toujours est-il qu'à un moment notre monde est parti en vrille. Les gauchistes sont devenus béats devant les minorités, les mettant en avant pour ce qu'elles étaient, des minorités, pas pour les défendre ou pour intégrer ses membres. Le fait de vivre ensemble n'était plus une évidence parce que des types de gauche avaient déconné, ne comprenant rien à rien.
Quand on était gamins, à l'heure de la fin de la veillée, si un type manquait de respect à une gonzesse, il se prenait des baffes dans la gueule et s'était aussi bien ainsi.
Que de belles réflexions d'avant réveillon et pourquoi pas source de bonnes résolutions pour 2018.
RépondreSupprimerTu as eu la chance d'avoir dans l'encadrement du mouvement des jeunes adultes qui avaient vécu et participé aux mouvements de 1968. Cette période qui a fait craqué les conservatismes sociétaux imposés chez nous successivement par de Gaulle, Pompidou et Giscard entre autres. Peu d'années avant ta naissance, on entendait encore parler de "directeur de conscience" et alors qu'on voudrait maintenant ressusciter la tradition "judéo-chrétienne" de la France, il n'était pas rare d'entendre accuser les Juifs de déicides. Les premières discussions entre les deux religions n'ont eu lieu qu'après Vatican II soit en gros le moment de ta naissance.
Tu as bien raison de souligner qu'il faut revenir à cet état d'esprit de tolérance et de vivre ensemble.
Les enfermements communautaristes sont une superbe connerie, qu'ils soient religieux ou politiques.
Bon bout d'an quand même.
Merci !
SupprimerBonne année.
J'aime bien cette petite tranche de vie.
RépondreSupprimerJe suis un peu trop jeune pour savoir si les années Chirac ont joué ou non, mais j'ai bien l'impression qu'une partie de la gauche se fourvoie totalement dans un délire à la fois postmoderne et anglo-saxon, d'où l'abandon d'un certain universalisme. Et cela, je l'ai beaucoup vu cette année, plus encore que les deux trois dernières.
On est d'accord !
SupprimerJ'aime que tu utilises cette belle expression "la routourne a tourné", et rien que pour ça je retweeterai ton billet.
RépondreSupprimerSinon je partage bien des choses. Je pense que la fin des années Chirac (et le début de l'ère Sarkozy et du "vote musulman" qui valait le coup) ont en effet changé les choses. On a eu le 21 avril, et certains ont pensé que.
Je le dis en connaissance de cause : en 2008 pour les élections municipales chez nous (et autour aussi), les listes électorales étaient aussi étudiées en fonction de "la communauté" (tu comprendras).
Je suis d'accord avec toi sinon. Et comme j'ai dis ailleurs, je te souhaite pleins de belles choses.
Oui. C'est cons (Chirac aidé par les socialistes qui n'ont pas oser s'opposer) ont tout gâché.
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