En cette cinquante-neuvième journée de déconfiture, j’ai
mangé un risotto de poulet au curry et j’ai diffusé la recette dans Facebook
pour observer les réactions alors que le gouvernement avait fait des annonces
que j’ai zappée. Mon billet confiné sera « court ». Ma journée de
travail était semblable à celle d’hier. En début de journée, je ne savais pas
trop ce que j’allais faire à part reprendre le sujet de fond que j’avais
commencé et six réunions de dernière minute se sont enchaînées dont trois
décidées dans la journée. Les heures sans réunion ont été passées à rédiger des
mails de fond non prévus.
A 18 heures, j’avais fini ma journée de travail. J’appelle
ma mère. Pendant la réunion, je reçois deux mails d’un collègue au sujet d’un
que j’avais rédigé et lui avais envoyé une copie. Il montrait qu’il était
vraiment intéressé par mon dossier (peu de gens répondent « réellement »
aux mails quand ils ne sont vraiment en copie), j’ai donc répondu aux deux (ses
arguments étaient mauvais mais réfléchis) ce qui m’a poussé à 19h. Mais ses
arguments (faux mais pas dénués de bon sens) m’ont poussé à lui faire une
troisième réponse (à 19h10) puis une quatrième mais non professionnelle, comme
si on était à la machine à café, à 19h45. Entre temps, j’ai reçu un mail d’un
autre collègue qui nécessitait une courte réponse. A 19h50. En pensant à lui, je me suis dit que
les réponses que j’avais faite au premier l’aurait intéressé. Je commence à
rédiger une bafouille quand je reçois un mail de sa part dans lequel il me
faisait part de réflexions suite au message initial en question (celui du
premier collègue auquel j’ai répondu) et je me suis lancé dans une réponse
structurée et argumentée envoyée à 21h52.
Il faut dire que c’est mon futur chef. Médisants comme je
vous connais vous allez dire que je fayote mais il n’en est rien. J’ai dix ou quinze ans de plus que lui (et
sans doute 10 ou 15000 euros de plus par an) et nous n’avons pas le même
employeur (on bosse dans une filiale de deux grosses boîtes au sein de laquelle
on est détachés). Je pourrais dire qu’il est sympathique (ce qui est la vérité)
et que je tente de lui montrer que j’ai les meilleurs arguments (mais je m’en
fous et j’aurais pu le faire demain). La vérité est que le sujet est très
intéressant.
J’ai un boulot passionnant.
Si je bosse moins, d’habitude, c’est surtout que je suis
plus souvent confiné au bistro qu’à la maison et, comme je le disais hier et en
début de billet, je commence souvent mes journées par me demander ce que j’allais
glander. Je ne suis pas du genre à me créer du travail pour me créer du travail
ou une utilité sociale ou pour justifier mon salaire mais pour m’occuper quand
je ne croule pas sous le travail de routine, ce qui me plonge dans des trucs
encore plus passionnants.
Côté, déconfiture, je n’ai pas consulté l’actualité ce soir
mais j’ai vu à midi que le gouvernement avait fait des annonces. Je n’ai pas
tout lu. Je sais simplement qu’on pourra partir en vacances en juillet et en
août (comme s’ils savaient que la Covid allait prendre ses cinq semaines
acquises grâce à Mitterrand) ce dont je me fous un peu : je ne rêve que d’aller
confiner où j’avais prévu d’aller en vacances, dans mon deuxième chez moi, la
maison en Bretagne. Du coup, je crois que j’irai déconfiner en Bretagne et que
j’irai en vacances au Kremlin-Bicêtre.
Car la deuxième annonce du gouvernement a soulevé mon
attention est que les bistros pourront ouvrir début juin dans les zones
actuellement vertes. Début juin, Paris ne sera peut-être pas vert. Je rentre à
Loudéac. L’épidémie va reprendre en province en juillet et la Bretagne passera
rouge, je reviens à Paris qui sera devenu vert et ainsi de suite. Si je m’organise
bien, je peux passer de zone verte (donc à bistro) en zone verte (donc à
bistro) en alternant les allers-retours selon les idées de la Covid.
Avec mon boulot, je suis à peu près sûr qu’on ne
déconfiturera pas avant l’extinction de pépère et qu’on continuera à
télétravailler sauf quelques jours en septembre (les bureaux vont déménager et
il faudra bien qu’on aille vider nos caissons dans des cartons). En plus, je
peux prendre des congés quand je veux (dans la limite des stocks disponibles)
sous réserve que cela ne perturbe pas le service (je ne peux pas prendre des
congés pendant que le chef de projet de nos serveurs principaux est absent vu
qu’il faudra prendre les bonnes décisions en cas de crise pour donner des
consignes aux gugusses de son équipe… Il faudra que je forme mon nouveau chef à
le faire. Et l’ancienne cheffe, par intérim, n’est pas encore partie ce qui me
donne de la marge.
Jusqu’à il y a deux ans, j’étais seul mais il a été décidé
de créer un service spécifique car je ne pourrais pas tout gérer. C’est un
service transverse qui assure la coordination entre les différentes
applications informatiques du pôle. J’étais donc rattaché (depuis 2004) à la
cheffe du pôle. Suite à la reconstruction de toutes les applications du pôle,
celui-ci a pris de l’ampleur et a nécessité la création de mon service (pour le
PMO, la MOA et le transverse). Il était évident que je ne pouvais pas en
prendre la tête vu que je conchie l’organisation, la gestion de projet, le management,
le suivi budgétaire et j’en passe. Ils ont donc pris une consultante pour
cheffer mais elle va atteindre la date de péremption dans la mesure où elle
préfère prendre sa retraite. Donc ils ont trouvé un nouveau chef compatible
avec moi et je crois bien que c’est moi qui ai suggéré à la cheffe du pôle de
le consulter.
Dans le service, il y a un jeune qui assure la direction d’un
projet très important (ne confondons pas directeur de projet et directeur tout
court), un type de mon âge (mais plus grand et moins gros) qui assure la
direction des autres projets transverses, la cheffe par intérim qui assure
essentiellement les volets « PMO » (mais a d’autres cordes à son arc
vu qu’elle bosse depuis 35 ans dans le secteur et on se complète sur son
périmètre et le mien) et le nouveau chef (avoir un nouveau chef en période de
confinement n’est pas facile pour apprendre à bosser ensemble ; j’ai dit
que j’avais contribué à son arrivée mais je n’entends pas le manipuler pour
autant, qu’il prenne sa place tout seul avec le gros frisé – s’il n’en prend
pas trop). Et il y a moi, dans le service. J’ai tout mon temps de cerveau
disponible pour étudier et préparer les évolutions du système d’information des
points de vue de l’architecture et des fonctionnalités. Pour se faire, j’ai
besoin d’avoir les directeurs de projet pour les mettre en musique et surtout
des chefs pour analyser mes idées, valider mes estimations de coûts, vendre
cela à la hiérarchie et aux clients, gérer le pognon. J’ai besoin des chefs de
projet des autres équipes et de leurs collaborateurs…
Mon métier est fascinant.
Cela étant, je suis bien conscient que je ne suis pas au
centre du monde. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. Du moins, tout le
monde l’est, au centre du monde. Chaque type dans mon pôle ou mon service est
indispensable et il le sait autant que moi. Ce qu’il sait sans doute mais sans
s’en rendre compte, c’est que le boulot qu’il fait aujourd’hui est la
conséquence d’une décision prise il y a deux ans sur la base d’un dossier que j’avais
contribué à monter.
Je parlais d’une restructuration qui avait abouti à la mise
ne place d’un service au sein du pôle qui fait que je me trouve avec deux
chefs. La même opération a fait que la cheffe du pôle se retrouve avec un
adjoint (à sa demande et avec beaucoup de qualités : il connait bien le
domaine, il est sympathique, il est passionné et il sait cheffer). Et une autre
réorganisation, au niveau supérieur, a fait que le directeur de département a
été adoubé, lui-même d’un adjoint, ce qui fait que j’ai perdu quatre échelons,
par rapport au directeur général (deux chefs, deux adjoints). Je suis passé de « N-3 »
à « N-7 » en deux ans tout en continuant à faire ce que je veux et en
étant à la base des décisions de mon domaine (le pôle) pour les aspects qui me
concernent. Et à toucher ma dose de primes ce qui laisse à penser que je suis un
tantinet utile à la firme.
Parallèlement, tout cela me permet d’évoluer dans mes
méthodes de travail. Le fait d’avoir deux chefs m’oblige à les convaincre tous
les deux. Ils m’aident à préparer les dossiers sur la forme. Celui d’avoir un
adjoint de la chef des chefs connaissant le boulot, étant passionné et sachant
cheffer m’apporte du recul sur la manière d’appréhender les sujets et un contrepoids
technique.
Mon job est pllus que fascinant.
Cela étant, on va
bientôt passer à la journée de déconfiture suivante et j’avais promis de faire
court.
C'est vrai que ce genre de billet est impossible à commenter pour ceux qui, comme moi, ne savent pas faire la cuisine et ne font pas un métier proche du vôtre
RépondreSupprimerJe me doute. Mais vous y arrivez très bien sans même être hors sujet.
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