Je réfléchissais à mon billet d’hier sur le
bordel au travail dans certains projets que nous menons et les conclusions que
j’en tire, bien aidé par les commentaires dans Facebook, tournent autour du
télétravail qui, mal organisé, aboutit à l’isolement des gens. Je vais y revenir,
de même que sur les solutions à mettre en œuvre.
Toujours est-il que, avant, constatant que cela fonctionnait, j’étais
enthousiaste à l’idée du télétravail et j’ai même fait des propositions dans ce
blog tant il me semble important que l’on puisse voir les gens de l’équipe au
moins trois ou quatre jours consécutifs toutes les deux ou trois semaines, de
même que les gens des autres équipes. Mais depuis une dizaine de jours, je
déchante un peu et je pense que les entreprises doivent plus y réfléchir, en
collaboration avec les salariés et prestataires (ces derniers devant avoir les
conditions de télétravail de leurs clients, pas de leurs boîtes).
Dans l’image populaire, pour ceux qui le pratiquent depuis
seulement quelques année (voire depuis le confinement), le télétravail consiste
à ne pas aller un, deux ou trois jours par semaine au bureau mais il faut
dépasser ce cap. Dans un couple, par exemple, on pourrait imaginer chacun des
parents en télétravail une semaine sur deux, celui qui doit se déplacer et
faire une journée normale s’occupe des gamins le matin et l’autre le soir, tout
en faisant les courses, le ménage, la préparation du dîner et en allant
chercher les mômes le soir et tant pis si on travailler 40 heures certaines semaines
et 30 les autres. Ce n’est qu’un exemple. Pour ma part, on pourrait imaginer
par exemple, que j’alterne les périodes de 10 jours entre la Bretagne et la région
parisienne.
Les employeurs et les représentants du personnel doivent
introduire de la souplesse par rapport aux accords actuels de télétravail tout
en tirant profit des nouvelles technologies tout en étudiant individuellement le
cas de chaque employé et en fixant des contraintes fortes comme : « les
trois premiers jours de la première semaine complète de chaque mois, tout le
monde doit être au bureau ». Cette négociation pourrait être avec moi :
je m’engage à venir au bureau si des réunions en présentiel avec des clients
doivent être organisés et à participer à toutes les confs indispensables mais
tu me laisses gérer totalement mes horaires quand je suis en télétravail pour
pouvoir prendre le train, aller voir ma mère en dehors des heures de repas et ainsi
de suite. Et je suis cadre au forfait, je m’engage à faire les heures
nécessaires à l’accomplissement de mes missions dans la moyenne de 39 heures
par semaine, environ 45 semaines par an, à être disponible en quasi-permanence
pendant les horaires normaux de travail au téléphone et à ne pas rester absent
de mes mails pendant plus de deux heures consécutives pendant ces mêmes périodes.
En introduction, j’avais promis d’y revenir car, depuis mon
billet d’hier, je pense que c’est le principal point noir du télétravail imposé
à cause du confinement. Je vais essayer d’être court car la psychologie n’est
pas mon truc. Au travail, chacun a une ou plusieurs missions ! Dans mon
domaine, ça peut être coordonner un projet, gérer une application, faire la
relation entre le client et l’équipe projet,…
Quand on est boulot, on entend forcément parler de ce que
font les autres, on a des discussions informelles, du bruit de fond. Tout seul
chez lui, le télétravailleur oublie le travail des autres et se focalise sur
ses propres missions qui deviennent forcément les plus importantes du monde. C’est
ma première conséquence : la personne oublie que l’entreprise a d’autres
missions.
La deuxième est qu’il a besoin de prouver à lui-même et à sa
hiérarchie, à ses collègues… qu’il est utile. Le nombre de mails avec plein de
personnes en copie va exploser, les invitations à des réunions avec 30
personnes aussi,… Les gens ne savent plus qui est qui, qui fait quoi,… Chacun
est persuadé avoir la bonne méthode.
Le premier point est visible depuis environ un mois. Je le
constate dans nos points d’équipes quotidiens : dès qu’un type à la parole,
il va la monopoliser pour centrer les dossiers sur ses missions en oubliant que
tout le monde est dans la même galère. Il y a une quinzaine de jours, et alors
que je ne suis pas manager, il a fallu que je mette subitement fin à un sujet
qui avait duré 20 minutes. La personne s’est un peu vexée mais je lui ai expliqué
et tout le monde a compris : tu monopolises l’attention de 25 personnes alors
que vous n’êtes que trois directement concernée, en plus des deux chefs.
Le deuxième est plus récent, disons une dizaine de jours (et
ce n’est peut-être pas une coïncidence si ça tombe sur le début du
déconfinement). C’est une des conséquences du premier.
Il ne s’agit pas de définir ici des solutions qui pourraient
fonctionner pour tout le monde. J’ai lancé une discussion sur Facebook pour avoir
les premiers avis. J’ai assez peu de réponse mais il est probable que les
braves gens soient partis se promener. Ou alors, ils ne s’intéressent pas au
sujet ce qui est désolant. On est en train de révolutionner le monde du travail
pour la part des Français qui peuvent télétravailler (25% des salariés, je
crois) mais des andouilles passent à côté et on va avoir des DRH et des
représentants syndicaux qui vont vouloir continuer à surveiller leurs ouailles.
Plus que de solutions, il s’agit de petits conseils.
Le point d’équipe quotidien
Réunir l’équipe pour un rapide point tous les jours le matin
pour une plus ou moins courte réunion est indispensable. Elle doit être sans
ordre du jour et, selon l’actualité, après avoir abordé les points « institutionnels »
(communication de la direction, organisation,…), on s’efforcera d’aborder tous
les sujets et de faire parler à peu près tout le monde. C’est très important
pour éviter l’isolement dont je parlais et de montrer que l’équipe forme un « tout
cohérent ». Ce point doit durer le temps qui faut sans, néanmoins, en
faire perdre à la majorité. Disons entre un et trois quarts d’heure. Il doit
commencer assez tôt pour permettre de traiter les sujets généraux avant que les
gens ne partent en réunion.
Je pense que ce point est primordial. Si certains n’en
éprouvent pas le besoin, il faut penser aux autres, à ceux qui sont vraiment
seuls, à ceux qui ne savent pas s’organiser, qui ne savent pas quelle tâche
prendre en premier… Tout simplement parce qu’ils comprennent les besoins de l’équipe,
de sa cohésion.
Les outils
Vous me connaissez et, pendant le confinement, je vous ai
assez bassiner avec Teams. Je ne vais donc pas en parler sauf sous deux angles.
Tout d’abord, il faut apprendre aux gens à l’utiliser et pas seulement pour des
conversations instantanées, par téléphone ou par visio. Ensuite, il faut une
stratégie managériale autour de ces outils. Un ordre formel. Des équipes et des
canaux créés selon les besoins, la consigne de ne plus partager de document en
dehors de l’outil.
L’outil doit devenir le centre, dans toutes les boîtes.
Prenons une concession automobile. Les commerciaux, les secrétaires à l’accueil
et surtout les mécaniciens ne peuvent évidemment pas faire du télétravail. Par
contre, le « back office » (la comptabilité, le standard, les
secrétaires de direction,…) peuvent travailler de chez eux s’ils ont les
outils. Un client vient se plaindre d’une facture à l’accueil ? L’hôtesse
doit pouvoir déclencher une visio avec la comptable.
La surveillance managériale
J’en ai discuté une première fois avec une amie Facebook ce
matin et je n’étais pas convaincu. Puis, deux ou trois propos d’un pote dans un salon Facebook (ça vient de sortir)
m’ont fait changer d’avis : il faut que les managers vérifient que les
collaborateurs ne travaillent pas trop et, paradoxalement, sachent relativiser
avec les horaires.
Pour le « trop travailler », je me suis fait
piéger en fin de semaine dernière avec deux ou trois grosses journées qui n’étaient
absolument pas nécessaire. C’est facile, on est chez soi, on se met au taf vers
8 heures, on mange devant le PC, on finit vers 20 ou 21 heures… Et on se rend
compte qu’on n’a rien vu. Ce n’est pas facile à faire. Surveiller que les gens
ne travaillent pas trop… Il faut que les managers consacrent du temps à chaque
collaborateur, pour leur bien, mais aussi pour détecter les collègues qui
tomberaient dans le piège.
Quant à relativiser les horaires, c’est autre chose. Un type
comme moi est capable de bosser de 8h à 11h et de 16 à 21. Ca peut donc être
normal que j’envoie un mail à 20h mais il ne faut pas que les destinataires se
sentent obligés de répondre. A la limite, il ne faut pas qu’ils le fassent.
La liberté d’horaire que je dois avoir en télétravail (j’en
parlais plus haut : chacun s’organise comme il veut avec l’accord de sa
hiérarchie sinon le télétravail n’a plus trop d’intérêt) ne doit pas créer d’obligation
pour les autres.
Et alors ?
Un vrai télétravail est sans doute possible pour 5 à 7 millions
de Français. Il est évidemment un vrai progrès pour eux mais aussi pour les
autres (ne serait-ce parce qu’on ne s’entasse pas dans les transports en
commun) et pour l’environnement (on limite le nombre d’immeubles de bureaux, on
diminue le nombre de personnes obligées d’habiter dans des grandes villes, donc
la densité urbaine, les déplacements,…).
Mais il ne sera réellement possible, au-delà des cas
particuliers, que s’il y a une vraie réflexion collective, pour tous les
métiers « télétravaillables », pas au niveau de chaque entreprise
mais au niveau de chaque poste de travail.
Au boulot !
Comment espérez-vous autre chose que la fuite de tous les commentateurs avec votre conclusion "Au boulot !" ?
RépondreSupprimerAh mais je me fous de mes commentateurs... (écrire me permet de mettre de l'ordre dans mes idées).
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