En ce cent-sixième jour depuis de la fin du jour d’avant, je
me retrouve enfin dans ma situation de vie en télétravail jusqu’au vingt-et-un septembre
dans la maison de Loudéac. Je vais rappeler un peu longuement ce que sera ma vie de télétravailleur avant de tordre le coup à ceux qui sont contre, pour des raisons éditoriales, et méritent des baffes.
L’été sera coupé par trois semaines de vacances et
des allers-retours à Paris pour prendre l’air frais des bistros près de chez
moi, au Kremlin-Bicêtre. Lors de mon précédent séjour au bled, de 3 au 21 septembre,
j’ai eu un très mauvais temps (et ça ne va pas mieux après un séjour au soleil
de Paris) et j’ai eu à remettre la maison en marche, remplacer le frigo,
déconfiner le jardin et trouver mon rythme, moi qui n’avais jamais vécu dans
une maison après mes 18 ans (ou presque, disons, après mes 24 ans).
Pendant cette semaine au Kremlin-Bicêtre (du 21 au 28, donc),
provoquée par différents motifs (une visite à faire au bureau, la réouverture
de la Comète, les élections,…), j’ai beaucoup réfléchi à tout ça, à la différence
entre mes deux vies. Il n’y a pas photo. Dès la descente du car, hier midi, j’ai
retrouvé mes marques. Mon après-midi était chargée : il fallait que je
déjeune, que je bosse et que j’aille voir ma mère.
Figurez-vous que les « résidences service », une
partie des maisons de retraites, ne sont pas déconfinées contrairement à ce que
l’on peut voir à droite ou à gauche, seules les Ehpad le sont parce qu’ils ont
un médecin attitré. C’est grotesque. Il faut que je prenne rendez-vous pour voir
ma mère.
Aujourd’hui, c’était la première journée complète. J’ai
choisi de commencer à bosser très tôt (pas le choix, comment voulez-vous dormir
dans une maison où il fait 16 degrés ?), de prendre du temps à midi et de
finir tôt pour aller à « mon rendez-vous » qui finira traditionnel
puis d’aller revoir les copains au bistro.
Dans mon agenda, j’accepte les réunions de 8h à 18h30 (sauf
après 17 heures si elles ne sont pas planifiées avant la veille pour me
permettre d’honorer mon rendez-vous quotidien ou de l’annuler), je ne reste pas
plus de quinze minutes loin de ma messagerie professionnelle de 8 à 12h et de
14h à 19h et la vie se passe.
Le télétravail n’est pas que travailler à la maison, c’est
aussi, une façon de s’organiser, de gérer ses journées. Aujourd’hui, j’ai fait
ma toilette à 11 heures après avoir commencé la préparation de mon déjeuner. J’ai
repris le boulot à 11h30, bossé une demi-heure, continué la cuisson de la
viande (des filets de poulet au four avec des herbes de Provence), suis allé
faire un tour, ai déjeuné, repris le taf,… Pendant l’après-midi, j’ai consacré
quinze minutes à trucider les mauvaises herbes à coup de vinaigre blanc…
Cette folle pense donc que seuls les types qui sont obligés
d’aller « sur un lieu de travail » sont productifs, que tous les autres
sont d’immondes crevures. Evidemment que le télétravail va créer une fracture
entre ceux qui peuvent en bénéficier et les autres mais il faudrait qu’on se
force à prendre deux heures de transports en commun et faire des afterworks
avec les collègues (lisez bien le papier) pour être qualifiés de productifs ?
Le plus drôle est que cette débile mentale (je cite : « Directrice générale de l'INSEEC Business School et
Directrice de la recherche et de la valorisation académique du groupe INSEEC U »
pour vous dire à quel point elle a passé ses journées à faire du travail
productif) ne cite qu’un seul exemple de télétravail : un étudiant que
passe sa thèse ! Il peut maintenant passer les deux ou quatre heures de
soutenance en visioconférence, ce qui est très certainement lamentable, et
symptomatiques de toutes ces fainéasses d’improductifs qui bossent à la maison.
Je ne félicite pas le Huff d’avoir laissé public ce truc d’autant
que le boulot des journalistes ne consiste pas, non plus, à rester 8 heures par
jour au bureau (d’autant qu’on peut recevoir les dépêche AFP et rédiger des
papiers de chez soi).
Foutez-nous donc la paix, tas d’imbéciles qui ne connaissent
pas le boulot d’un bureaucrate ! Vous croyez que je stresse moins à la
maison qu’au bureau quand un serveur se plante, que je dois monter une cellule
de crise, assurer la communication auprès des clients tout en aidant les
collègues à résoudre les problèmes ?
Foutez-nous la paix et laissez-nous vivre ! Vous passez
à côté d’une évolution majeure de la société qui, certes, ne concerne pas tout
le monde, et vous allez nous gâcher la vie par seule envie ou besoin de
produire des lignes d’un texte à chier.
La crise sanitaire a montré que le télétravail est possible,
qu’il est bénéfique aux salariés et aux entreprises, qu’il permet de limiter l’encombrement
des transports en commun, ce qui est bénéfique à tous, non seulement à ceux qui
sont obligés de les utilisés mais aussi à ceux qui en supportent la pollution, qu’il
va permettre la diminution de la construction d’immeubles de bureaux. Ce sont
des évidences mais le confinement a permis une belle expérimentation : le télétravail est possible.
Prétendre des entreprises emploient volontairement des improductifs pour occuper des bureaux mérite un examen mental approfondi.
Les peine-à-jouir, fermez-la !