En
ce soixante-dix-septième journée de confiture et cinq jours fériés idiots, on
peut considérer que nous finissons la onzième semaine et cette série de billets
numérotés même si je n’ai aucune parole quand je jure avec moi-même : les
bistros rouvrent demain et j’ai presque trois mois de retard à rattraper !
J’imagine
déjà les scènes. La Comète étant fermée, nous mettrons les masques pour entrer
dans les autres bistros pour commander à boire et nous les enlèverons dehors
pour siroter les verres de pression. Nous allons franchir les sommets du ridicule
et c’est presque heureux, paradoxalement.
Nous
fûmes grotesques confinés et le seront à la sortie !
S’il y a quelque chose que je regrette, au
sujet de ces trois mois, c’est d’avoir loupé la fermeture de la Comète et de ne
pas avoir salué les bistros que je fréquente à la Défense vu que je n’aurais probablement
plus l’occasion de retourner dans ce coin trop éloigné du RER pour que j’ai le
courage de faire le retour.
Le
jeudi 12 mars, j’étais au Nouveau Monde quand Macron a fait son discours, plein
de gravité mais, au fond de moi, je n’y croyais pas vraiment. Le vendredi, je
suis retourné au boulot et on voyait bien que les chefs préparaient quelque
chose mais je restais innocent. Le soir, je suis passé au nouveau monde, pour
la dernière fois.
Le
samedi, j’ai déjeuné à la Comète puis y suis retourné après la sieste. Roger,
le serveur, a reçu un coup de fil de son fils qui bosse au ministère de l’intérieur
et nous a annoncé : les bistros seront fermés ce soir. On a attendu la
confirmation officielle puis j’ai foncé chez Leclerc faire des provisions pour
une semaine en cas de confinage. Jojo le loufiat a reçu un appel de la patronne :
tu peux préparer le bistro pour une longue fermeture. Il fallait donc qu’il
mette à la poubelle les produits frais. Elle n’a pas pensé à lui dire qu’il
pouvait rincer la gueule aux clients pour finir les fûts de bière. Nous sommes
partis plus tôt que d’habitude…
Le
dimanche, j’avais décidé de ne pas aller voter, par principe. Si la situation
de l’épidémie poussait les autorités à fermer les bistros, il était complètement
délirant d’aller aux urnes. Néanmoins, en me promenant à la recherche d’un
bistro qui ne respecterait pas les consignes, je me suis retrouvé près du
bureau de vote. J’ai accompli mon devoir puis suis rentré.
De
nouveau au bureau le lundi, les chefs nous ont préparé au confinement : si
Macron allait prendre la parole, le soir, c’était pour l’annoncer. Pendant une
partie de la journée, je me suis demandé si je n’allais pas rentrer en Bretagne
puis j’ai pesé le pour et le contre, j’étais bien mieux chez moi, à Bicêtre,
avec un Leclerc juste en dessous, qu’à Loudéac avec les bistros fermés. Au bout
de deux ou trois semaines, j’ai regretté cette décision alors que d’autres
arguments se battaient en sa faveur, notamment le fait de ne pas risquer d’aller
contaminer la Bretagne.
J’ai
fini par ranger mon bureau puis à prendre mon PC et mon portable professionnel
et suis parti vers 18h. Le bar tabac près du Nouveau Monde était ouvert. Je
suis allé saluer le patron. Il m’a demandé si je voulais un verre. Je lui ai
dit qu’il n’avait pas le droit d’en vendre. Ce couillon était persuadé que les bars
tabac n’étaient pas concernés. J’en ai profité, évidemment, et j’ai bu
suffisamment de bière mais pas trop pour ne pas avoir envie de pisser dans le
métro. C’était une bonne soirée, on a bien rigolé avec des jeunes du quartier.
Puis je suis rentré… Ca fera onze semaines ce soir alors que Macron avait dit
deux semaines et les chefs huit. Pour moi, ça fera six mois au total lors de
mon retour au bureau.
Les
deux ou trois premiers jours, dans mon appartement, furent dramatique pour moi,
dans mon souvenir. Et, progressivement, en deux ou trois semaines, le rythme a
été pris. Le fait de disposer de l’attestation sur le smartphone a été une
première délivrance, pour moi (d’autant qu’un copain avait développé un script
qui la remplissait automatiquement, il ne restait plus qu’à cocher la case en
face du motif et à générer le QRCode). Il ne fallait plus que je recopie à la
main ce putain de formulaire…
La
deuxième délivrance fut la fin officielle du confinement, quand il a été
supprimé, puis quelques jours après, quand j’ai pu acheter un ordinateur
portable. C’était il y a deux semaines. Je n’étais plus « obligé » de
passer mon temps sur celui de la boîte avec des restriction d’accès à internet
à cause du VPN et, surtout, j’avais la sensation d’être au boulot en permanence
ce qui était d’autant plus dérangeant c’est qu’on a été obligés de prendre 10
demi-journées de congés.
Cette
« deuxième délivrance » a, en revanche, était une belle douche froide.
Les huit semaines annoncées par les chefs étaient passées mais on se disait
bien depuis quelques temps que les entreprises seraient incitées à maintenir le
télétravail pour ne pas obliger les gens à s’entasser dans les transports en
commun. C’est ballot car, dès fin avril, j’avais commencé à rêver à mon retour
en Bretagne et à y travailler. Il fallait que je commande sur Internet quelques
produits, comme une tireuse à bière, un barbecue, un taille-haie électrique,
une nouvelle télé, un PC,… Dans ma tête, j’étais déjà déconfiné. Puis le
premier ministre a annoncé la règle des cent kilomètres, idiotes, comme toutes
les annonces faites depuis le début. Mon moral n’est pas tombé en chute libre,
j’avais d’autres satisfactions, comme ma sœur et mon frère qui pouvaient allez
voir ma mère et cette dernière heureuse comme tout de pouvoir aller chez le
coiffeur avant !
Et
pendant toute la période entre l’annonce du premier ministre et le 11 mai, j’étais
persuadé que j’allais pouvoir émigrer… J’en ai même fait un billet de blog. Il
me suffisait d’une attestation de la boîte pour dire que mon lieu de
télétravail était Loudéac. Mon directeur a été maladroit quand il a contacté
les RH, il a laissé penser que je voulais une « fausse attestation » et
que je ne pouvais pas travailler normalement.
Cette
« deuxième » a été aussi la possibilité d’acheter des masques pour
pas cher (pour un célibataire, pour une famille et des mômes qui vont à l’école,
ça fait un paquet) à un moment où je ne voyais pas le bout de la pandémie. Je
pensais bien que ça allait se calmer mais je pensais sérieusement que les
mesures de protection, telle que le masque, allaient durer éternellement et,
même aujourd’hui, alors que la maladie recule vraiment, je me demande si ça va
s’arrêter un jour ! D’un autre côté, ce n’est pas très grave si on n’arrête
de faire la bise aux collègues et de se prendre des postillons sur la tronche
dans le métro.
La
quatrième délivrance était dans la journée de jeudi quand j’ai lu que le
premier ministre allait probablement supprimer la limite des 100 kilomètres (on
le sait, il l’a annoncé le soir, mais j’étais persuadé que ça allait arriver :
cette limite ubuesque avait été imposée pour empêcher au gens de partir pour la
Pentecôte et elle cesse le lendemain, comme tout le confinement absolu a cessé
après deux longs week-ends ! Ils ne pourraient pas l’annoncer franchement,
ces cons ? Cela n’aurait pas été plus simple de dire que les voyages
étaient interdits sauf pour raisons impérieuses de jeudi dernier à mardi
prochain inclus ?).
Dans
la minute qui a suivi l’annonce d’Edouard Philippe mon billet était commandé !
Il l’aurait été dans les dix secondes si je n’avais pas faire une erreur de
manipulation…
Mais
je n’ai pas parlé de la troisième ! C’était au début du week-end dernier,
j’ai croisé un copain, place de la Comète. On a discuté, puis j’ai eu l’idée de
génie : acheter une bière fraîche dans l’épicerie du coin et la boire,
avec lui, devant… Depuis, j’ai pris le pli, tous les soirs, à 18h30, d’y faire un
détour et de rester une heure ou deux… Des copains ont pris l’habitude et,
encore quelques jours, ça serait devenu un rituel ! Mais c’est terminé !
L’Arabe du coin est fermé le lundi.
Et
demain, les bistros ouvrent !
Trognon ton billet ! 🙂 il sent les beaux jours. J’aime beaucoup la fin.
RépondreSupprimerHelene
Bonne soirée devant la Comète et bon voyage pour demain.
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