11 juin 2020

J10 - les maladies professionnelles de riches


Dormir au travail, par votre équipe d'experts Deskeo. - DeskeoEn ce quatre-vingt-septième jour après le début confinement, je me rends compte que je file vers le quatre-vingt-huitième sans n’avoir rien glandé alors que j’ai truc à dire… Hier, je suis tombé sur un article qui parlait du « bore out ». C’est un peu le contraire du burn out. Pour ce que j’en ai compris, cela concerne les gens qui vont au travail mais à qui on ne file aucun boulot. Ils passent donc leurs journées à en chercher, presque pour s’occuper mais aussi pour se donner une utilité sociale. A force d’à force, ils finissent très fatigués.

Psychologiquement, on peut comprendre. On peut aussi en rigoler. Tant qu’on a un salaire, qu’importe le boulot qu’on ait à faire (sauf si le salaire est trop faible par rapport au boulot qu’on pense mériter). Je veux bien qu’on en souffre, en revanche, si on n’a pas d’autre possibilité que de faire semblant de travailler. Je vais citer quelques occupations que j’ai pu avoir intensément pendant mes heures de travail : raconter des conneries dans ce blog et lire des livres, vous savez ?, ces machins imprimés sur du papier avec des mots à l’intérieur. Le pire que j’ai fait, à l’époque où j’étais consultant, est d’avoir travaillé pour d’autres clients ! Admettons que j’ai deux clients, l’entreprise A et l’entreprise B. J’avais des jours imposés pour chaque, pour des raisons de facturation, mais les urgences faisaient que j’avais souvent à travailler pour l’autre. Je suis d’une honnêteté sans faille : je me suis toujours arrangé pour glander le même nombre de jours chez chaque client de manière à ne léser personne.

Voyant la description du bore out, je me suis demandé si je n’en étais pas victime. Je suis fatigué et quand je dois bosser, je me demande ce que je vais bien pouvoir foutre. C’était un peu comme ça, au début du confinement, quand on n’était pas trop organisés alors que je n’avais qu’une seule envie : me plonger dans le boulot pour faire passer le temps. Et ça me permettait d’éviter ce sentiment d’inutilité sociale. Je viens de dire que je suis honnête et c’est la pure vérité : je ne supporte pas d’être payé et de ne pas travailler, à un point où il m’arrive de prendre des congés… J’ai parfois des lots de consolation : des fois, en une réunion de deux heures, j’arrive à trouver une solution informatique qui permet d’économiser 200 000 euros à ma boite soit largement (dommage) plus que mon salaire annuel. A la limite, j’ai un boulot où je pourrais bosser deux jours par ans grâce à mon légendaire instinct pour les architectures applicatives (légendaire surtout dans les bistros du Kremlin-Bicêtre mais je ne suis pas mauvais pour autant). Mais je serais vite mis sur la touche par des connards qui accepteraient de faire gagner 200 000 euros à leur boite en n’étant payé qu’au SMIC.

Je disais donc que j’avais le sentiment d’être victime du « bore out ». Je suis fatigué, je dors mal, et je passe une partie de mes journées à me demander ce que je vais bien pouvoir branler en attendant l’apéro du soir. Cela étant, mon boulot consistant aussi à participer à des réunions pour faire la jonction entre les équipes et les sujets (je bosse dans le transverse, comme on dit), une réunion où je ne fais rien fait partie de mon métier. L’autre aspect est qu’avec mon insomnie chronique récente, je commence à bosser à quatre heures du matin, il n’est pas rare qu’en cette période de télétravail j’ai fait mes huit heures avant l’heure de la sieste tout en ayant l’impression de n’avoir rien glandé.

Je pense qu’il faut monter une cellule de soutien psychologique pour toutes les andouilles qui pensent avoir des maladies professionnelles du genre « bore out » voire « burn out » mais c’est de moins en moins à la mode. Par contre, et sérieusement, je compatis réellement avec ceux qui sont victimes d’harcèlement professionnel mais quand on a un salaire de cadre et qu’on n’arrive pas à dire à un supérieur rachitique d’aller se faire enculer, on peut aussi se demander si on n’est pas une sous-merde.

Dans la vie, il faut manger et s’acheter des iPhone. Les complaintes des beaufs qui touchent plus de 3000 euros par mois à glander m’intéressent assez peu. Pensons plutôt à l’ouvrier de base qui ne sait même pas pourquoi il ne mérite pas un iPhone.

6 commentaires:

  1. faut un certificat médical pour déclarer un bore out ?

    RépondreSupprimer
  2. J’ai pas répondu à ton billet qui pose un point de vue intéressant. Comme toujours super agréablement écrit.

    Je sais où tu as lu ce papier. Une maladie de riche peut être. Mais est ce que être « riche » rend la souffrance plus supportable lorsque des gens souffrent ?

    Se demander si on n’est pas une sous merde est une question que beaucoup se posent. Et qui pose d’autres problèmes.

    Cadre, ouvrier, peut être peut on faire en sorte que chacun travaille sans souffrir. Opposer l’un à l’autre n’est pas une bonne idée.

    Bref, comme tu t’en doutes, je me sens touché. Mais ton billet pose de bonnes questions. Mais attention juste quand la sous merde est convaincue d’en être une.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Je n'oppose pas, j'illustre... Le problème vient essentiellement du management, je crois, qui ne sait pas faire la part des choses. Dans nos réunions quotidiennes (qui se passent bien en général, ma critique est plus pour la forme), les chefs ne savent pas distinguer ceux qui tirent la couverture à eux. L'autre jour, il a fallu que j'en aligne par écrit (un type très sympathique, volontaire, j'ai eu de la peine à le faire) alors qu'il gueulait en réunion parce que les chefs de projet filaient trop de boulot à son équipe. Et il m'a pris en exemple (il a eu tort : je ne suis pas chef de projet et je lui ai donné une heure de travail). Il n'a rien fait du mal, il s'est juste mal exprimé mais je pense que beaucoup de gens de l'équipe l'ont mal pris. Moi, je m'en fous, je l'ai cassé par mail en y mettant les formes... et les chefs en copie. Mais les chefs auraient dû intervenir. Lui rappeler que les temps sont difficiles mais que son salaire dépend du travail que lui filent les autres. Du coup, c'est peut-être lui qui se sent pour une sous-merde, un exécutant obligé d'exécuter alors qu'il a un bon job pour coordonner les travaux de chacun.

      Ce n'est pas facile.

      Supprimer
  3. Notre président vient de donner la direction pour la suite "il nous faut travailler plus dur et davantage".
    Donc, exit le bore out et attention au burn out. :-))
    Hélène

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...