En ce cent-onzième jour de nuit des temps, je suis tombé sur
une publication d’un copain, Frédéric, qui citait un
article de presse évoquant des universités d’été du PS remplacées par des
universités d’été de toute la gauche, avec son commentaire : « Ca ne vous a pas suffi, la primaire élargie qui nous a
imposé le pire candidat qu'on ait eu, et qui a abouti à un tonitruant 6% ? ».
Je parlais récemment d’Olivier Faure qui disait que le Parti Socialiste pouvait
ne pas présenter de candidat et s’effacer derrière un autre.
Hier, la gauche a gagné la mairie de Marseille et c’est un
beau boulot de la part du Printemps Marseillais et une des conséquences largement
positives de l’unité à gauche. Les écolos ont gagné de grandes villes et c’est
très bien. LREM a pris une grosse baffe et on peut s’en réjouir. On peut en tirer
toutes les conclusions qu’on veut. Des débats se conduisent dans des réseaux
sociaux et c’est très bien. Mais restons calme.
Tiens ! On va parler de l’histoire de la gauche en France.
Revisitons rapidement l’union de la gauche. En 1974, un candidat commun et surtout
« le programme commun » : la gauche perd la présidentielle (elle
ne l’avait jamais gagné). L’union part en vrille. La droite gagne les
législatives de 1978. En 1981, la gauche part divisée mais avec deux partis
forts avec des leaders charismatique. Elle gagne la présidentielle (non sans
être aidée par le bordel à droite). Toute la gauche gouverne ensemble et a de
belles réalisations mais tout part en couilles en quelques années. Les
législatives qui suivent, en 1986, sont un échec, peut-être atténué par une
modification du mode de scrutin. Ne parlons pas de la victoire de 1988 due à
notre droite la plus bête du monde. La gauche devient majoritaire mais il faut
un gouvernement d’ouverture car la gauche est divisée. En trois ans, tout est
foutu. Aux législatives de 1993, c’est la bérézina ce qui n’empêche pas au
candidat socialiste d’arriver en tête en 1995 mais c’est anecdotique (le candidat
à droite a été très bon), tout comme 1997 qui a vu le retour aux affaires de la
gauche avec la fabuleuse gauche plurielle qui n’arrive pas à en bénéficier aux
présidentielles de 2002 parce que les candidats de la gauche socialiste ne sont
pas rassemblés ce qui empêche un candidat de gauche d’être présent au second
tour. On peut dégoiser sur 2007 (une primaire pas adaptée, une candidate
maladroite, un parti pas uni derrière elle) mais la défaite est surtout due à
la présence d’un excellent candidat à droite, comme en 1995. Cela est un résumé
et on ne va négocier tout point par point, hein !
Ca nous amène en 2012, préparé par un bon travail du PS sous
la direction de Martine Aubry et l’organisation de belles primaires (malgré l’épisode
DSK). La « gauche de gouvernement » arrive unie à l’élection (unie
surtout parce que la candidate des verts était nulle). Elle remporte le scrutin
(sur fond de dégagisme pour le président de la droite) mais le quinquennat se
passe mal pour l’union. Trois ans après la fin, les vraies raisons n’ont jamais
fait consensus faute d’un vrai travail du PS. Parlons-en un (mais je suis bien
conscient d’être hors consensus et peut-être pas spécialement objectif). Tout d’abord,
il y a eu de mauvais accords électoraux, passés dans le dos du candidat,
appauvrissant la majorité de ce dernier à l’Assemblée. Pour rassembler les
troupes, il avait tenu ce magnifique discours du budget. Trop magnifique :
les sympathisants ont cru qu’il devenait gauchiste alors qu’il ne fut que
rassembleur… Alors, il y a eu les frondeurs et le joyeux bordel dont on se
souvient. Cette fronde est responsable de la plus grande partie du bordel
(attention, je ne critique pas les frondeurs, ici ! Ne me faites pas de
procès : en leur âme et conscience, ils ont considéré que la politique
menée n’était pas celle prévue et n’était pas « assez à gauche » :
ce n’est pas mon avis mais ce n’est pas l’objet du billet). Le tout a abouti à
la panique de 2017 également due à la nullité des dirigeants du Parti Socialiste
qui n’ont pas su accompagner le gouvernement… et préparer l’échéance, ce qui
avait pris plus de trois ans pour la précédente (mais c’est plus facile d’agir
dans l’opposition).
Il y a d’ailleurs un point auquel je suis très attaché :
le parti socialiste aurait dû modifier ses statuts dès 2015 pour ne plus rendre
la primaire obligatoire ! Elle a participé à l’empêchement d’Hollande de
se représenter (il ne l’aurait peut-être pas fait et, s’il avait été désigné
automatiquement comme candidat, il n’aurait sans doute pas remporté… Mais il n’aurait
pas fait 6% et laissé un boulevard au candidat issu du centre gauche).
Alors essayons de tirer une conclusion de tout cela (et, je
me répète, je ne cherche pas à récrire l’histoire mais plus à exprimer mes
sentiments). Commençons à l’envers : l’unité de la gauche n’a jamais duré
une fois celle-ci aux manettes après une présidentielle. Elle a été à peu près constante
en 1997 et en 2002 mais les petits partis de gauche se sont autorisés à
présenter des candidats à la présidentielle 2002 et le candidat n’a pas su
aller les repêcher. Quand l’union de la gauche a été faite, les présidentielles
ont été perdues. Les deux seules vraies fois où la gauche a gagné des présidentielles,
en 1981 et 2012, il y avait deux candidats forts à gauche qui avaient réussi à
pomper les voix des petits candidats, comme en 2012 (en 1981, il y avait moins
de candidats).
Il y a une seule conclusion à tirer de tout cela : ne
faisons de l’union de la gauche l’alpha et l’oméga de la victoire et du retour
aux commandes. Elle ne doit pas être jetée aux oubliettes pour autant mais
on a le temps. Disons dix-huit mois. La victoire des écolos aux municipales est
en trompe l’œil : ils n’ont gagné que quelques grandes villes. Pour le
reste, ils sont dans les choux. Il y a une infographie qui tourne dans Facebook.
Je ne sais si elle est exacte mais elle montre que seules trois forces
politiques ont un nombre conséquent d’élus municipaux : LR, le PS et le
PCF alors que ces trois formations n’ont pas le vent en poupe au niveau
national.
Un rassemblement de l’électorat de gauche ne pourra se faire
qu’autour du candidat qui sera le mieux placé dans la dernière ligne droite
avant la présidentielle de 2022.
Il y a un autre élément à prendre en compte : l’essentiel
de l’électorat de Macron en 2017 vient de la gauche, c’est presque
mathématique. Il ne faut pas les voir comme des traitres mais, au contraire,
comme des braves trahis d’un côté par Macron et de l’autre parce qu’il reste du
PS qui a fini par se gauchiser pour la seule raison de s’opposer à Macron.
Encore une fois, je n’affirme pas qu’il a eu tort, je fais un constat. Ce n’est
ainsi pas l’union de la gauche qu’il faut faire mais l’union des sympathisants
socialistes qui, en 1981, 1988 (à un taux exceptionnel), 1995 (à un taux un
peu moindre), 2002 (mais dans le bordel), 2007 et 2012 représentaient le quart
des électeurs au premier tour.
Cette union ne peut pas être faite autour d’un programme. On
a toujours un clown qui va dire : « ah ben
tiens, l’écologie est à la mode, il faut qu’on aide les propriétaires à rénover
leurs logements. » Ne rigolez pas ! Je l’ai entendu plusieurs
fois. Il faut la faire autour de valeurs. L’environnement en est une. L’aide
aux propriétaires peut en être une, pas surtout pas de gauche… Il y a plein de
valeurs à mettre en avant. C’est assez facile. Tiens ! Le PS pourrait
faire un joli communiqué de presse pour condamner les propos de la députée LFI ayant
critiqué que fait que le nouveau premier ministre soit encore un homme blanc
(on peut ronchonner sur le fait que ça soit encore un homme, mais pas « un
homme blanc », c’est contraire aux valeurs de la République et une députée
qui se place en dehors des valeurs de la République doit recevoir des baffes, à
la limite pas « par méchanceté » mais pour rappeler que la République
– qui n’est pas qu’un numéro de constitution, en déplaise à certains – est une
de nos valeurs).
Que le parti socialiste fasse l’union autour des valeurs
et d’un projet de société pour se retrouver et non pas pour élaborer un
attelage bancal qui ira dans le mur en 2022. Et s’il s’aperçoit alors qu’il
n’a pas de candidat pour promouvoir ses idées, il trouvera une autre solution.
Mais il aura un candidat capable d’atteindre les 15% le faisant sortir du ridicule
voire de flirter avec les 20 points, clé d’accès au second tour et à la
victoire.
Il en a. Pas les verts. Les verts aidés par le PS pourraient
atteindre ces 15% mais le PS se suiciderait au profit d’un parti sans colonne
vertébrale.
Alors le PS ne doit pas faire une querelle de personne. Peu
importe qui de Royal, Cazeneuve, Montebourg ou un autre cheval qui pourrait
arriver soit le candidat providentiel ! Le PS doit se centrer sur les
valeurs et le projet pour faire l’union dans ses propres rangs.
Tu vas t'attirer les noires colères féministes car à propos de Royal, il est plus approprié de parler de jument. Sinon, ton billet est bien construit car il s'achève sur une bien triste vérité avec la photo de Hamon, le fossoyeur du PS. Amen !
RépondreSupprimerAh merde !
SupprimerIl y a quand même des candidats qui, par leur seul passé ou leurs déclarations, sont des machines automatiques à perdre : Ségolène Royal ( " Nous n'avons pas besoin de nous parler pour nous comprendre ", " Je vous conduirai vers de nouvelles victoires") et candidate à absolument tout depuis 2007 ( secrétariat national du PS, députée, présidente de l' Assemblée, Arctique et Antarctique, et qui prétend maintenant s' être vu proposer le ministère de l' Ecologie par Chaix, ce dont je doute fort), Jérôme Guedj qu'on dit entrant dans le prochain gouvernement alors qu'il avait voté la motion des frondeurs contre Hollande), etc.
RépondreSupprimerLe plus urgent pour la gauche sera de se débarrasser des écolos, de leur discours...
RépondreSupprimerOui, discrètement...
SupprimerIl suffit de mettre "bio" devant chaque mot, comme ils ont réussi à le faire pourl'alimentation,ce qui permet en outre d'augmenter les prix. l y aura des bioautoroutes, des bioaéroports, des biovoitures au biodiesel,des bioAirbus au biokérosène, des bioréacteurs nucléaires, etc.
SupprimerEh ben, je vous souhaite bon courage car leur victoire "en trompe l'oeil" aux municipales n'enlève rien au fait que leur électorat augmente, lentement et en dents de scie mais de façon indéniable. Ils étaient loin devant le PS ou le PC aux européennes. Aux municipales, la plupart du temps, le PS n'a pas perdu ou a gagné une nouvelle municipalité en s'alliant à EELV. Sinon, il a perdu, face parfois à des listes menées ou intégrées par EELV. Et à Lille, ça a été très très chaud, à 227 voix de différence. La présidentielle n'est pas l'unique élection en France. A oublier ça, on se ramasse, union de la gauche ou pas. Et les élections sénatoriales par exemple se jouent en partie aux municipales, avec une importance accrue pour les grandes villes, étant donné le mode de recrutement des grands électeurs issus des conseils municipaux (plus la ville est grande plus leur nombre est important). Peut-être ne suffit-il plus de traiter à longueur de blogs ou de pages facebook les gens de cons pour les convaincre et surtout de convaincre les électeurs de ne pas voter pour eux. Je ne parle pas seulement pour Nicolas Jégou mais pour beaucoup d'autres. Le mépris marche un temps seulement. Les caricatures ou les allégations mensongères pareillement. Cf Lyon, Strasbourg, etc. C'est une machine à perdre. Mieux vaut je pense un combat d'idées, programme contre programme, propositions contre propositions, arguments contre arguments.
SupprimerJe ne vais pas répondre car je pense que tu n'as pas lu mon billet. Ou que tu es, du coup, vraiment très con. Désolé.
SupprimerIntéressant lapsus : le magnifique discours du "budget " pour le magnifique discours du Bourget !
RépondreSupprimerA.b
Ce n'est pas la première fois que je le fais, en plus !
SupprimerVoilà un billet qui me donne l'impression – étrange mais pas désagréable – d'effectuer un grand bond… dans le XXe siècle. C'est un peu comme s'installer confortablement dans son fauteuil pour regarder un film "d'époque", si on veut…
RépondreSupprimerAu contraire, je trouve (sauf évidemment dans les trucs que je rappelle) : il me semble que je me dis que les partis doivent faire leurs chemins sans s'occuper des conneries du passé comme l'union de la gauche. Mes conseils vont d'ailleurs aussi pour la droite.
SupprimerOui, oui, je sais, j'ai bien lu. Il n'empêche que ces histoires de droite, de gauche, de programmes, d'alliances, etc., me font irrésistiblement penser au siècle dernier, et me semblent n'avoir aucune pertinence pour les temps qui s'annoncent (qui ont même, sans doute, déjà commencé).
SupprimerMais je puis aussi, c'est assez mon habitude, me gourationner du tout au tout.
Vous avez d'autant plus raison que gauche et droite, aujourd'hui, sont des distinctions artificielles entre des organismes qui ne servent qu'à faire carrière en menant des politiques contraintes et peu différentes. Le petit-fils socialiste d'un de mes amis s'est précipité sans états d'âme sur un poste d'attaché parlementaire d'un député LR qui l'appréciait.
SupprimerDidier, votre mail était resté dans les tuyaux. Le problème pour eux est de savoir ce qui est pertinent...
SupprimerPutain de billet pour la jeunette que je suis !
RépondreSupprimerMerci.
"Le tout a abouti à la panique de 2017 également due à la nullité des dirigeants du Parti Socialiste qui n’ont pas su accompagner le gouvernement… et préparer l’échéance, ce qui avait pris plus de trois ans pour la précédente (mais c’est plus facile d’agir dans l’opposition)."
PAS MIEUX.
Mais si mais si.
SupprimerLa gauche rassemblée autour du PS ne pourra jamais gouverner durablement tant que les Français préfèreront faire l'essuie-glace... 3 ans à gauche, 2 à droite, 2 à gauche, 3 à droite,... A part essuyer le pare-brise ça ne sert à rien. Le seul épisode qui a duré plus longtemps, entre 1997 et 2002, s'est traduit par une déroute totale et l'arrivée au pouvoir d'ultra-libéraux pendant 10 ans.
RépondreSupprimerIl y avait une belle opportunité de centre-gauche avec Macron, mais pilotée par un gamin ça n'a pas marché. Les valeurs ? Un projet de société ? Oui, pourquoi pas. Mais il faut quelqu'un qui ait de la carrure pour porter ça. Il y aurait bien Rocard ou Mendes-France mais... ils sont morts.
Surtout qu’ils ont souvent brillamment porté de projets et été élus.
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