C’est la troisième fois que ça m’arrive depuis le début du
confinement et du télétravail non stop. Il y a eu la première semaine où tout
le monde était occupé par la mise en place du nouveau dispositif de travail
mais je n’étais pas vraiment concerné… Je m’occupais en me documentant sur les
outils de travail collaboratif, notamment Teams, ce lui que nous allions avoir
à utiliser. Il y a eu une autre phase, vers fin avril. Je crois avoir analysé
comme un retour à la routine, pour les équipes mais qu’elles n’avaient pas
réussi à se replonger dans les dossiers ! Pas facile de se plonger dans
des projets quand on n’est pas au bureau. La gestion quotidienne se fait très
bien en télétravail mais une page blanche ne se remplit pas. Je me rappelle
avoir appelé l’adjoint de la chef pour lui supplier de me donner du travail, n’importe
quoi, est Excel à remplir pour préparer le plan de charge, de la documentation
à faire sur un sujet que je ne connais pas,… Ca fait plus de quinze ans que j’ai
la même chef et elle est habituée à ce que je rende satisfaction mais se fout
totalement de ce que je peux glander au quotidien…
Quand je suis au bureau, je suis connu par mes collègues
pour passer du temps par période, à glander dans Facebook ou à jouer avec mon
iPhone, tout en étant disponible de 8 à 21h et, pendant d’autres, à bosser
comme un fou en courant dans tous les sens.
Pourtant, ce n’est pas facile de ne rien faire quand vous
êtes au bureau si vous êtes quelqu’un de normal (j’entends par là, pas un
fainéant, un fainéant n’a pas de complexe et on les repère assez facilement :
ils passent leur temps à discuter avec les autres pour s’occuper alors que les « normaux »
voudraient le faire en travaillant). Il vous faut faire quelque chose, non
seulement pour vous occuper mais aussi pour vous donner l’impression d’être
utile « socialement »… et éviter d’avoir celle que les chefs pensent
que vous ne serviez à rien.
Evidemment, il y a une grosse différence entre le travail
normal et le télétravail. En télétravail, vous ne distrayez pas les autres en
glandant et vous avez toujours de quoi vous occuper. Vous vous foutez des chefs :
ils ne peuvent pas vraiment savoir ce que vous faites mais ils ne sont pas
mécontents vu que le travail pour lequel vous êtes payés est fait (ce n’est pas
souvent que je donne un argument contre le télétravail, ici, mais la
contrepartie est que, si vous glandez au bureau, c’est la productivité de vos
collègues qui baisse). En plus, au bureau, vous êtes à votre poste de travail
et vous pouvez lire les mails dès qu’ils arrivent et donc y répondre au plus
vite.
Pendant la première partie de mon télétravail de déconfinage
en Bretagne, je m’efforçais de prendre des pauses d’un quart d’heure plusieurs
fois par jour ou, du moins à ne pas passer plus d’un quart d’heure en pause (à
faire la cuisine, à entretenir le jardin, à faire ma toilette, à déjeuner,…)
sans consulter mes mails « au cas où ». C’est peut-être à cause de ce
que j’appelais « l’utilité sociale » ou ne pas supporter le sentiment
de trahir la confiance de celui qui vous accorde un salaire… Cela étant, hormis
ces deux dernières semaines, j’ai été bien occupé, de quoi dépasser 8 heures
par jour de boulot (comptez donc le temps de travail effectif d’un cadre dans
un bureau d’une grande entreprise, en comptant l’heure tardive d’arriver, la
pause déjeuner consacrée aux courses, le départ à la bourre pour aller chercher
les mômes, les discussions avec les collègues, les travaux personnels, courses
et démarches administratives sur internet : cela dépasse rarement 6h30 – j’ai
vérifié : je suis une pute, les salariés étant renforcés dans leurs idées
du fait qu’ils passent deux heures de travail par jour dans les transports en
commun et sont donc absents de la maison près de 9h par jour).
Du coup, pendant ces deux semaines, j’attendais les mails,
histoire d’avoir une occupation plus rapidement. Et comme j’étais fatigué (sept mois sans vrais
congés, je passais du temps sur mon lit, dans le fauteuil du séjour… à lire à
jouer… et à dormir), je ne pouvais passer du temps devant mon PC à attendre les
mails. J’ai alors eu une idée géniale : activer les notifications sur mon
iPhone pour les mails professionnels.
Je l’ai fait un peu par hasard. Je m’étais inscrit à des réseaux sociaux ou réactivé
d’autres (comme Instagram, voir mon billet d’hier) et donc revu les notifications… Et j’ai pensé à Outlook ! L’idée géniale en question. J’ai subitement retrouvé une sensation de liberté, disponible à 100% sans, pour autant, être scotché à mon poste de travail. Je m’étais toujours refusé à le faire au nom de la sacrosainte au nom de lu sacro-saint « droit à la déconnexion ». J’avais désactivé les notifications sur mon téléphone professionnel car je ne l’utilise que pour être appelé et j’en avais marre d’y recevoir des notifications alors que je les avais sur mon PC mais je n’avais jamais pensé à l’iPhone personnel !Le bonheur ! Je vais au bistro à 17h30 et je reçois une
notification pour un mail professionnel. Et je le lis ou le traite… Il ne s’agit
pas de tricher et de faire croire qu’on travaille tout le temps : la
plupart des cadres supérieurs en entreprise reçoivent des centaines de message
par jour, il faut les lire souvent pour éviter d’en avoir une cinquantaine à la
reprise, le matin. Il y a deux choses : d’une part ce sentiment d’utilité
sociale (dont le fait de mériter un salaire) et, d’autre part, un besoin d’efficacité
collective : si vous pouvez traiter un mail en quelques secondes pendant
vos heures de loisirs, cela empêchera vos collègues de passer des heures à
trouver la réponse et donnera toute satisfaction au demandeur.
Alors pourquoi ne pas étendre la réflexion aux congés payés !
De toute manière, le cadre supérieur a intérêt à lire ses mails au jour le jour
pour éviter d’avoir un stock trop important à la reprise. Ce stock important lu
en vitesse vous ferait zapper des informations importantes perdues au milieu de
tonnes de données et vous occuperait plusieurs journées. On le fait quasiment
tous. Et quitte à lire les mails, autant les traiter s’il faut le faire, sinon,
on oubliera à la rentrée (on ne va pas relire les mails déjà lus…). Et vous n’avez
pas les traiter vu que vous êtes en congés : donc vous les faites suivre à
des collègues si vous n’avez pas une réponse immédiate à apporter. C’est paradoxal :
vous les traitez parce que vous n’avez pas à les traiter parce qu’en les
traitant en mode « déconnecté », vous pouvez le faire superficiellement
et que vous n’aurez plus à les traiter à fond !
Ainsi, le droit à la déconnexion est une vraie foutaise.
Evidemment, vous ne lirez pas les mails pendant un repas de famille ou une
après-midi à la plage mais vous les lirez après…
Vendredi soir, j’étais en congés et j’ai oublié de désactiver
les notifications. Dans le fond, ce n’est pas grave (c’était sans compter avec
les six mails de statistiques hebdomadaires que je reçois à 4h le lundi matin
et qui m’ont réveillé) : je ne reçois pas de mail le week-end sauf cas
particulier ! Et il y en a eu un dimanche : les types de la
production informatique ont cru qu’un de nos serveurs était planté et qu’il y
avait eu un impact pour la clientèle. En tant normal, je n’aurais rien pu faire
alors, à la fois en congés et en week-end, ce n’était même pas la peine que je
bouge un sourcil… Recevoir un mail important (et ceux en réponse, au fur et à
mesure du traitement de l’incident) ne pas dérangé !
Ce matin, je n’y pensais plus (sauf à 4h…). Ce n’est qu’après
avoir commencé à rédiger ce mail que j’ai commencé à recevoir des notifications
et à les lire d’un œil discret. Je ne sais pas si je vais les couper (je vais
arrêter le bip qui va avec, quand même…). En fait, ce qui m’a le plus dérangé,
ce matin, ce sont les mails négatifs, en l’occurrence ceux d’une
collègue d’un lointain service qui nous rappelait ce que nous avions à faire,
histoire de montrer à tous que c’est elle qui menait le jeu. Ce qui m’a gêné,
en fait, c’est qu’en étant en congés, je n’ai pas plus lui répondre avec ma
pensée profonde : « si tu veux faire notre boulot, tu peux le faire,
mais je vais aussi dire à ton patron que tu veux faire notre boulot et qu’en
nous disant quoi faire, tu fais un truc pour lequel tu n’es pas payée et tu coûtes
cher à la boite. »
Je crois que tous ces sujets doivent être traités
globalement : le droit à la déconnexion, celui de glander pendant les
heures de travail ou de travailler pendant les heures de glande, le
télétravail, la surveillance du travail des autres doivent être traités globalement,
surtout dans les grandes entreprises. Ainsi, qu’une personne d’un autre service
nous rappelle ce qu’on a à faire est beaucoup plus dégradant et fatigant que de
se sentir obligé pour différentes raisons de lire des mails.
Et le monde du travail s’en sortira beaucoup mieux…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...