Figure-toi que nous avons subi un gros choc pétrolier il y a
une cinquantaine d’années qui a provoqué le début d’une crise économique qui n’a
pas vraiment cessé depuis, avec notamment un chômage de masse, cette crise n’étant
évidemment pas de la totale responsabilité des enturbannés qui produisent notre
carburant fétiche. Sept ans plus tard, la droite qui gouvernait depuis le
dernier changement de Constitution était renversée par la gauche et, deux ans
après, l’extrême droite a commencé à faire de jolis scores puis à atteindre une
quatorzaine de points lors d’une élection à caractère nationale, en l’occurrence,
les européennes, comme si nous avions été aveuglés par le borgne.
Depuis, les opposants à la Mitterrandie heureuse ont dit que
c’était le vieux qui avait fait monter l’extrême droite pour saborder notre
belle droite la plus bête du monde, comme si elle avait besoin de ça. En fait,
tout le monde a cru expliquer la montée du Front National à sa manière comme ce
commentateur d’un de mes derniers billets qui explique que si Le Pen est à plus
de vingt points et à quasi-égalité au second tour, c’est de la faute de Macron,
comme s’il exonérait tous les partis de gauche de toutes responsabilités alors
qu’ils n’ont pas su parler au peu, ni même d’ailleurs que cette droite
traditionnelle issue de la bête immonde ci-dessus et ne confondez pas tout.
Parallèlement, dans ces années qui ont vu la première phase
de l’explosion du Front National, des associations se sont montées contre le
racisme comme SOS éponyme et le peuple de gauche a pris l’habitude de
manifester contre le racisme, justement, contre la xénophobie et contre la
haine. Les habitudes, en quarante ans, n’ont pas changé vu qu’il y avait hier
un tas de manifestations dans toute la France. Je vous passe à moitié les
conneries de Facebook et le nombre de militants qui expliquent depuis des
années que le « N » de « FN » puis de « RN »
signifie « haine » et ils ont l’impression d’être particulièrement
utiles. En cette période électorale, les militants quinquennaux et néanmoins
gauchistes rappellent au monde entier le danger que représente Le Pen et nous
explique qu’il faut mettre Le Pen à la porte (il fallait que je la sorte).
Parallèlement, nous avons des castors joviaux, comme moi,
qui expliquent à leurs potes, mais seulement à eux, sans faire de slogans
nationaux que bon attention les gars on a quand même un grand danger et il faut
lutter contre.
Ces explications de la montée du parti qui nous rappelle les
heures les plus sombres de notre histoire (je récite) et ces luttes contre sont
évidemment parfaitement ridicules mais si elles sont sans doute saines.
Evidemment, chacun a le droit d’avoir ses propres opinions
sur la montée des formations d’extrême droite. Pour ma part, j’aurais tendance
à dire que les gens sont lassés de voir des échecs continus de politiciens qui
baignent dans le système depuis des années, l’impossibilité d’avoir des rendez-vous
chez des spécialistes, des services publics incompréhensibles et peu efficaces,
le chômage qui continue à vivre sa vie, l’école où l’on vise 80% des jeunes
avec le bac avec pour conséquence une augmentation mathématique de l’échec
scolaire et j’en passe. Ils veulent tenter autre chose ou, au moins, marquer
leur mécontentement. Il y a évidemment des raisons que l’on cherche à minimiser,
à gauche, où on ne parlera plus d’insécurité mais de sentiment d’insécurité
juste pour le plaisir d’expliquer aux couillons qu’ils ne font que croire qu’ils
sont physiquement en danger… Et bien sûr, nous allons gloser sur le racisme par
des pauvres types qui n’ont jamais vu un étranger dans leur village comme si
nous étions allés voir ce qui s’y passe pour voir si, par mégarde, il n’y avait
pas un ou deux basanés qui feraient croire aux autochtones qu’ils ne sont plus
chez eux d’autant qu’on s’en fout vu que nous sommes amour et tolérance et devons
défendre les opprimés outre marins.
Je ne vais néanmoins pas insister. Il y a des gens brillants
qui ont parlé de l’insécurité culturelle, de la France périphérique et il faut
bien reconnaître que la conclusion est que la classe politique a oublié de s’occuper
d’eux, tant, par exemple, elle s’est concentrée sur la politique de la ville en
ne pensant qu’aux banlieues et à la construction de lignes de bus pour
rapprocher les délinquants des piscines et autres bibliothèques.
Famille heureuse dans les corons
Le dernier sujet que je voudrais aborder est la responsabilité
directe des insoumis, pas par méchanceté mais parce que c’est eux que l’on voit
souvent, dans les réseaux sociaux, accuser les autres de la montée du RN.
Tout d’abord, je vous invite à observer toutes les
publications relatives à la sociologie des électeurs de Le Pen. Certes, il y a
beaucoup de jeunes mais on ne sait pas d’où ils viennent et si les parents ne
sont pas un tantinet fortunés, les mômes votant gauchissssse car ils sont des
rebelles. On sait, par contre, que les employés et ouvriers votent majoritairement
très à droite et que Mélenchon a été en tête des votes dans une seule région :
celle qui est la plus riche de France. Même si cela fait mal, on pourrait en déduire
assez facilement que le vote insoumis n’est pas du tout un vote populaire. Vous
pouvez bien sûr en penser ce que vous voulez mais vous auriez tort d’éluder le
fait que je puisse avoir un peu raison.
En fait, dans les gens qui élaborent les programmes, on a
des types qui disent qu’il faut augmenter le SMIC, les minimums divers, donner
des allocations aux jeunes mais il est fort probable que les destinataires n’aient
pas la reconnaissance du venter et préfèrent voter ailleurs, laissant le vote
insoumis aux bobos parisiens qui pensent avoir la solution pour faire le bien.
Tout est là, pourtant, dans le programme mélenchonesque pour montrer que l’on
fait tout pour qu’ils s’en sortent, qu’on leur aménage l’accès aux soins, l’accueil
des vieux, les services publics, les transports et tout un tas de trucs mais la
mayonnaise ne prend pas sans doute parce qu’ils n’y croient pas, n’écoutent
pas, ne lisent pas, et vont directement à la candidate antisystème plutôt que
de voter pour un type qui fut ministre dans un gouvernement passé, d’une époque
où tout allait relativement bien mais qui a fini en eau de boudin, justement
avec la deuxième phase de l’explosion du FN.
Responsable comme les autres.
Joyeux militants |
Mais, en plus, il tient un programme « patriotique »
presque nationaliste, défendent la souveraineté, légitimant ainsi toutes les
thèses passées du FN alors que Le Pen a tout fait, cette fois, pour poursuivre
sa dédiabolisation. Pendant ce temps, Mélenchon a expliqué à longueur de
discours que si les partenaires européens n’étaient pas d’accord avec les
traités, on pourrait s’asseoir dessus.
C’est une faute politique majeure, non pas que ses propositions
ne sont pas efficaces, je n’en sais rien même si je n’y crois pas, mais elles reprennent
des solutions du camp d’en face alors qu’une gauche devrait être
internationaliste.
Enfin, il y a tous ces vieux politiciens qui pensent avoir
de l’expérience mais qui ne sont que des théoriciens et qui se disent que Le Pen
n’a aucune chance de passer et qui ne peuvent pas comprendre que les gens
votent pour elle parce qu’ils sont, eux-mêmes, totalement échoué. Alors je
passe les militants des réseaux sociaux, plein de bonne volonté, ne pouvant que
constater que leurs candidats se sont vautrés sans comprendre les raisons. Et
ils se disent : « on a failli battre Le Pen », il aurait fallu l’unité,
les autres auraient du se désister derrière celui qui allait arriver en tête
qui lui-même aurait du faire un effort de rapprochement…
Mais on s’en fout. Marine Le Pen aura près de 50% face à
Emmanuel Macron. Elle est aux portes du pouvoir.
Et on va continuer à manifester contre son incompétence, son
racisme… Voire ses dents jaunes mais ce n’est pas elle.
Une remarque : faut que tu y rajoutes une vision territoriale. Les pauvres du 93, des DOM ou du Sud-Ouest ont voté Mélenchon, celles et ceux du Nord, de l'Est et du Sud-Est Le Pen. Les classes moyennes se partagent aussi beaucoup.
RépondreSupprimerCe sont peut-être les coins où il y a vraiment beaucoup de "bronzés" (désolé de parler ainsi, mais je peux pas parler des immigrés dans les DOM...) et pas nécessairement une question de CSP.
SupprimerLe corollaire de la montée de l'extrême droite est la montée de l'immigration, c'est aussi simple que ça.
RépondreSupprimerLes préoccupations de pouvoir d'achat, quoi qu'on en dise, sont secondaires. Tant que les partis dits de "gouvernement" ne prendront pas ce problème à bras le corps, le vote contestataire continuera de bouillonner.
Je le dis dans mon billet mais aussi que ce n'est pas la seule raison.
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