Dans Facebook, je n’arrête pas de ronchonner contre les
erreurs d’analyse des scrutins que l’on peut voir à droite ou à gauche. Dans la
vraie vie aussi mais j’y manque beaucoup moins de recul et je sais très bien qu’il
m’arrive aussi de raconter des grosses bêtises sur ce sujet soit par oubli de
certains faits soit, tout simplement, à cause d’une réflexion grotesque.
Dans ces erreurs d’analyse, il faut aussi intégrer les
analyses inutiles. Par exemple, on voit des gens qui expliquent que la gauche
peut retrouver une majorité aux législatives et un tas de propos en résultent
mais la vérité est que c’est hautement improbable. Ainsi, selon moi, lutter pour
le gain de ces élections est inutiles et, ce qu’il faut, c’est préparer l’avenir,
être en mesure d’être une force de proposition qui sera prête à revenir aux
manettes quand Emmanuel Macron ne pourra plus se présenter. Mes lecteurs
réguliers me reconnaissent sûrement facilement : j’ai fait trois ou quatre
billets au sujet de la stratégie du PS pour ce scrutin, ça veut bien dire que
ça m’énerve…
L’erreur d’analyse est souvent provoquée par un refus de
voir la vérité en face. Par exemple, il y a un tas de gens qui prétendent
maintenant que Macron n’a pas été élu sur son programme mais par rejet de Le Pen.
Ils en tirent la conclusion, pour des raisons qui m’échappent, qu’il doit
maintenant écouter les électeurs et mener une politique de gauche. Pour un peu,
beaucoup de gens relaieraient les appels à manifester… Or, le lascar a fait une
campagne sur des thèmes de droite assez forts comme l’âge de la retraite, les
conditions d’asile des immigrés et le travail obligatoire des allocataires du
RSA. C’est aussi avec ces mesures qu’il a atteint le second tour en siphonnant
l’électorat pécressophile. Il a bien été élu grâce à son programme et, à
prétendre le contraire, on devrait admettre que François Mitterrand et François
Hollande ont été élus surtout pour virer leurs prédécesseurs.
Dans ce billet, je vais beaucoup parler de Macron mais c’est
principalement parce que c’est lui la cible actuelle, pour le fond, je m’en
fous un peu.
Pour bien enfoncer le clou de l’illégitimité de Macron à
appliquer son projet présenté au premier tour, mes camarades font tout pour
démontrer qu’il est « mal élu », voire « le président le plus
mal élu de la cinquième république ». Objectivement, ça ne veut pas dire grand-chose
et, dans notre système, friser les 60% contredit largement ces propos. Il n’empêche,
et j’en discutais récemment avec ma consœur et surtout amie Elodie, qu’ils
arrivent à faire circuler une infographie (de France Info, le
deuxième schéma) voulant démontrer que c’est le président qui a obtenu le
plus faible taux par rapport aux inscrits au second tour depuis 1965 (sauf
1969). Chirac, en revanche, serait le mieux élu en 2002. Preuve en est que ça
ne veut rien dire vu que Macron a eu presque deux fois plus de bulletins au
premier tour que son lointain prédécesseur buveur de bière. On peut sortir des
infographies pour démontrer un peu tout…
Parmi les insoumis qui couinent contre la légitimité de l’élection,
tous oublient qu’aucun député de ce parti n’a atteint 25% des inscrits lors de
son élection (c’est facile de
critiquer les 38 de Macron…).
Une grosse erreur que l’on a beaucoup vue pendant la
quinzaine, venait d’antimacronistes voulant persuader les autres que Marine Le
Pen n’était pas un danger pour la démocratie (je me fous du fond, dans ce
billet) vu qu’elle n’aurait pas le pouvoir au parlement. Or il est facile de
conquérir l’Assemblée et beaucoup de démonstrations ont tourné à ce sujet. Pour
résumer, il suffit qu’elle fasse un referendum pour changer le mode d’élection
des députés avec un système qui favorisera son parti et le tour est joué !
Les opposants à cette théorie qui ne veulent pas qu’on trouve un prétexte pour
voter Macron expliquaient que la révision de la Constitution nécessite l’accord
du parlement en vertu de l’article 89. Sauf que les conditions d’élection
dépendent de la loi, pas de la Constitution et, surtout, que l’article 11
permet de faire des referendums à n’importe quel sujet et qu’on peut difficilement
expliquer que la décision du peuple est illégale. Surtout par des clowns qui
exigent le referendum d’initiative populaire ou citoyenne. Et ils ne savent
même pas que la révision de 62 a été faite, par de Gaulle, grâce à cet article
(qui a aussi utilisé pour le referendum suivant mais le résultat fut moins
glorieux).
A ce propos, d’ailleurs, on pourrait rigoler des motivations
pour la mise en place de la sixième république vu que n’importe quel président
peut s’asseoir sur une constitution, et heureusement, en sollicitant le peuple.
La VIème ne servira donc à rien (ce qui ne veut pas dire que l’on ne pourrait
pas améliorer nos pratiques institutionnelles).
L’erreur d’analyse est terrifiante quand elle est provoquée
par le seul aveuglement. Par exemple, depuis quelques jours, on parle beaucoup
de la candidature aux législatives de Taha Bouhafs pour LFI. J’ai été sidéré de
voir des copains anciens socdems passé mélenchomaniaques se porter à sa défense
alors qu’il parait évident qu’il ne devrait pas être le candidat d’un parti
républicain vu qu’il a été condamné en 2021 pour « injure
publique à raison de l’origine arabe » sans compter le reste de son CV…
C’est d’autant plus une erreur que cela grille encore plus LFI à mes yeux. Les militants
gagneraient à dire « cette fois, on arrête de déconner ». Voire à
fermer leur gueule.
Par les temps qui courent, les erreurs d’analyses tournent
beaucoup autour de l’analyse des scrutins et on a entendu n’importe quoi au
sujet de la sociologie électorale. Le plus drôle est ceux qui expliquent que les
séniors sont des enfoirés de voter pour quelqu’un qui veut augmenter l’âge de
la retraite alors qu’ils ne sont plus concernés. Comme si nos ainés n’étaient
pas aussi préoccupés par l’avenir de leur descendance, comme s’ils votaient
vraiment pour leur gueule et pas pour ce qu’ils croient le mieux pour les autres.
A propos de cette réforme des retraites, on lit aussi n’importe
quoi. Les militants en peau de fesse feraient mieux de citer l’introduction du
rapport annuel (pdf),
voire uniquement le premier paragraphe, qui dit qu’il n’y a aucun problème de
retraite jusqu’en 2070 (il y a d’autres sujets intéressants dans ce rapport :
par exemple, s’il n’y a pas de problème de financement, c’est parce que les
pensions vont moins augmenter que les salaires ce qui est quand même plus
préoccupant que le reste). Ainsi, si Macron a sorti cet élément dans son
programme, c’est sans doute (je ne suis pas dans ses petits papiers) uniquement
pour récolter des voix de droite aux élections mais le moment n’est pas à se
taper des manifestations monstres, en plus de celles qui pourraient être provoquées
par les gilets pipis. Tout comme faire travailler les allocataires : il
faudrait une telle logistique pour les encadrer que cela coûterait la peau des
fesses sans compter qu’ils prendraient nécessairement le boulot d’employés
normaux…
En matière de sociologie électorale, on lit beaucoup de
choses, notamment à propos de ouvriers et des employés qui votent Le Pen
majoritairement. Parmi, les lascars qui l’ouvrent, beaucoup oublient souvent de
dire que parmi ces employés, il y a les profs et les soignants, donc des
fonctionnaires, qui formaient le cœur de l’électorat du Parti Socialiste.
Quant au vote des jeunes pour Jean-Luc Mélenchon, qui est
bien réel, il ne doit pas occulter quelques éléments : les jeunes ont
souvent voire toujours été des gauchistes, les jeunes finissent par vieillir
et, même s’ils ont raison quand ils sont jeunes, ils changeront d’avis avant d’avoir
catherinetté. En outre, la bande d’encravatés nécessairement proche du pouvoir
est évidemment un repoussoir à notre jeunesse heureuse et festive qui se fait
un malin plaisir à conchier les élites autodésignées. Il n’y a aucune raison de
passer du temps à analyser cela…
La dernière erreur d’analyse dont je voudrais parler est
proche de la « Cancel Culture » et consiste à balayer d’un revers de
la main les arguments de l’adversaire en lui mettant la honte. Par exemple, l’expression
« mépris de classe » est à la mode, depuis quelques temps. Imaginons
que je dise : « les employés et ouvriers sont bien cons de voter Le
Pen » (c’est un exemple, hein !), aussitôt, je vais me faire
houspiller pour « mépris de classe » (alors qu’il n’y a aucun mépris :
je considère que des électeurs font des erreurs mais ils font bien ce qu’ils
veulent et ça ne me regarde pas). Cela veut dire « le gros se croit
supérieur aux pue-la-sueur ». Généralement, ça vient d’insoumis farouche
défenseurs de ce qu’ils pensent être la lutte des classes sans se rendre compte
qu’ils se voient supérieurs aux autres.
Parler de mépris de classe est bien pratique pour éluder le
fond (en l’occurrence, pour mon exemple, le fait que les ouvriers et employés n’ont
pas voté pour leurs défenseurs officiels…).
Ca ne sert à rien et c’est contreproductif.
Veuillez m’excuser s’il y a des erreurs dans ce billet.
Toutes les analyses que tu démontes bien n'ont que deux objectifs d'après moi. Le premier, porté majoritairement par LFi est de pilonner consciencieusement les fondements de la Vème pour aboutir à sa destruction... en se servant d'une hypothétique VIème alors qu'on sait bien que JLM veut détruire cette construction (et le PS) qu'il abhorre. Le deuxième est de n'avoir plus que 3 blocs... donc finis les restes des PS, LR et autres EELV, la bonne vieille tactique du salami chère à la guerre froide.
RépondreSupprimeret si la sociologie électorale avait du sens, on aurait un bon gros centre... ha ben oui, en fait, on l'a même si il ne dit pas son nom
Je parle des erreurs d'analyse par des militants, des observateurs, des journalistes... qui n'ont pas spécialement d'intérêts. Quand j'étais dans les équipes numériques de François Hollande, je n'ai jamais relayé une analyse que je ne partageais pas.
Supprimer« Le plus drôle est ceux qui expliquent que les séniors sont des enfoirés de voter pour quelqu’un qui veut augmenter l’âge de la retraite alors qu’ils ne sont plus concernés. Comme si nos ainés n’étaient pas aussi préoccupés par l’avenir de leur descendance, comme s’ils votaient vraiment pour leur gueule et pas pour ce qu’ils croient le mieux pour les autres«
RépondreSupprimerUne rectification qui était essentielle au milieu de cette montagne de lieux communs entendus pendant la « campagne »
Hélène
Ouais...
Supprimer« au milieu de cette montagne de lieux communs entendus pendant la « campagne » »
SupprimerFaudrait savoir : on est à la montagne ou à la campagne ?
C'est vrai. Il aurait pu parler d'un océan d'imbécilités.
SupprimerOn est dans des lieux communs à la montagne et à la campagne, mais des lieux très chics sur la côte basque
SupprimerHélène