Je ne sais pas si l’économie est vraiment une science comme
les autres. Par exemple, les mathématiques ne reposent sur une aucune dose d’idéologie
contrairement à notre brave économie qui, en outre, a surtout comme support l’observation
du passé. En outre, il n’est pas compliqué de déduire que les investissements
publics dopent l’économie mais on sait difficilement à quel moment on va se
prendre le retour de bâton. Enfin, s’il me fallait des signatures pour une
tribune d’économistes pour défendre un programme de gauche, j’écrirais à 200
professeurs d’économie travaillant dans le secteur public : de toute manière,
ils sont de gauche. Y trouver 170 signataires est assez facile. C’est sans
doute ce qu’on fait les lascars à l’origine de celle
parue hier dans le JDD. C’est encore plus facile de faire un tweet pour
indiquer que 172 économistes ont signé ce machin. De toute manière, seuls des
nupéssiens et des andouilles comme moi vont lire ce truc.
Le projet de Nupes étant de gauche, la plupart des mesures
vont être approuvées par les gens de gauche mais le diable se cache dans les
détails.
« Les investissements
concernant la reconstruction des services publics et la transition écologique
nécessitent des financements. L’option choisie est d’abord celle de la justice
sociale au service de l’efficacité. Une fiscalité plus progressive sur les
revenus et les patrimoines, le rétablissement de l’ISF et la suppression de la
flat tax ainsi que la lutte contre la fraude permettront de dégager des
ressources supplémentaires importantes et de limiter le recours à
l’endettement. » Vous pouvez relire mon blog : je suis pour
tout cela (je ne suis pas un grand fan de l’ISF mais je défends souvent les
autres machins). Par contre, je ne vois pas pourquoi la lutte contre la fraude
fonctionnerait plus qu’avec d’autres gouvernement.
Nous avons donc là une grosse supercherie : la seule
conclusion possible est que le programme n’est pas financé et que, si la lutte
contre la fraude ne fonctionne pas, on va droit dans le mur.
Ensuite : « Si
l’effort prévu est substantiel pour les plus favorisés, en particulier pour les
riches héritiers, les impôts seront constants ou en baisse pour 90 % de la
population. » La stigmatisation d’une partie de la population est
évidente et elle n’est pas délirante : les héritiers ne méritent pas leur
fortune et les taxer plus n’est moralement pas condamnable de même que la
taxation des « geonpis » au début du quinquennat d’Hollande.
On sait où ça a mené.
Toute la tribune doit dont être étudiée. Cela commence très
fort : « Pour la première fois au XXIè
siècle, la gauche en France est rassemblée pour mettre en œuvre une rupture
avec le néolibéralisme. » Il faut bien une introduction à un texte.
Regardez celle de mon billet où je fais semblant de conchier les économistes…
Seulement, là, il y a une série de mensonge. Ce n’est pas la première fois,
bien évidemment mais ne refaisons pas l’histoire. Il se trouve, quand même, que
la gauche n’est pas rassemblée. Nous avons une espèce de conglomérat qui
rassemble un peu moins de 30% de la population (29% exactement en moyenne des
sondages depuis la présidentielle mais 26,4 pour ceux de juin : la
dynamique est en baisse malgré l’activité frénétique). C’est mal, de mentir. La
vérité est que la gauche rassemblée devrait être à plus de 40 points et que nous
avons là, la plus faible proportion d’électeurs se déclarant à gauche depuis le
début de la Cinquième (à part 2017).
La phrase se termine par la dénonciation du néolibéralisme,
ce qui fait toujours bien dans un texte de gauche mais c’est surtout un terme
péjoratif, utilisé depuis 1844 et qui n’a donc rien de « néo » et
correspondant globalement à une politique avec un désengagement de l’Etat ce
qui est à plier de rire en parlant de la France qui est celui des grands pays
de l’UE avec le plus fort taux de prélèvements obligatoires (en hausse à peu près
constante entre 2008 et 2018, j’omets volontairement la période suivante :
la crise sanitaire a faussé la donne).
L’introduction de ce texte est ainsi de pure rhétorique. C’est
con. Sans compter la dose de mensonges dont je parlais : le gouvernement
propose des aides ciblées pour les plus nécessiteux, ce qui n’est pas
franchement libéral alors que Nupes propose des mesures telles que le gel des
tarifs qui vont s’appliquer également aux plus riches sans impact sur les
inégalités…
L’introduction continue (je ne vais pas tout détailler) et
on entre dans le vif du sujet : « En tant
qu’économistes nous savons que ce programme est ambitieux. » Voila
la traduction par jegoogle translator : « bon,
ça va les gars, on sait bien que programme n’est pas réalisable faites pas
chier pour autant ».
Il y a bien sûr quelques vérités : « Face à la précarité endémique, à la guerre et à la
transition écologique, prétendre qu’il n’y a pas d’alternative aux politiques
économiques actuelles est mensonger et dangereux. » Translator :
« il n’y a pas d’alternative, en fait, à ce
que propose Nupes. » Pouf pouf.
« Balloté par les
événements, le pouvoir macronien navigue à vue. Il y a certes un regain
d’interventionnisme, à l’image du « quoi qu’il en coûte » et, dans le discours,
avec la récupération du terme de planification écologique. » Cépafo
mais qu’auraient fait nos économistes s’ils avaient eu à faire face à une crise
sanitaire ou à une guerre à nos portes ? Tout gouvernement peut être confronté
à des différents événements. En introduction, je chiais sur les économistes
mais l’économie ne peut en aucun cas être quelque chose assurant des prévisions
fiables…
« Mais la doctrine reste la
politique de l’offre : le marché est le seul opérateur pour organiser les
échanges, ce qui donne aux entreprises et aux détenteurs de capitaux le plein
pouvoir de définir notre mode de développement. » Je rigole
toujours quand je vois des types promouvant la réindustrialisation fustiger la
politique de l’offre. Il est de bon ton de prétendre que les détenteurs de
capitaux ont le plein pouvoir patati patata mais je ne vais pas refaire un
couplet sur notre taux de prélèvement obligatoire. Ah si, tiens ! On est
en gros à 50%. Ca veut dire que la moitié de la richesse produite est préempté
par la collectivité pour être redistribuée (ce n’est pas une critique de ma
part, d’autant que cela inclut les retraites).
Dans ce texte, tout est fait pour émouvoir. On se demande,
par exemple, ce qu’a fait la France pour le climat. Rien, bien sûr à part la
COP qui a abouti à des textes différents, dont des directives récentes au
niveau de l’UE pour diminuer l’émission de gaz à effets de serre. Alors que la vérité est que Nupes propose de
ne plus suivre les décisions européennes. C’est fort.
A un moment, on parle de l’évolution de la mortalité
infantile. Il est vrai qu’elle a très légèrement augmenté depuis une dizaine d’années
mais une recherche google montre que les scientifiques en sont encore à
chercher la cause. Aussi bien, c’est uniquement un phénomène statistique (que
sont 30 morts par rapport à 750 000 naissances, à part bien sûr les drames
pour les familles ?). La vérité est que la mortalité infantile a été
divisée par cinquante (ben oui, de 150 à 3…) depuis le début du siècle
précédent et que cette baisse s’est faite dans un affreux monde libéral où il
est interdit de donner les enfants à manger aux cochons.
Pourquoi les économistes parlent de la mortalité infantile et
du climat ? J’ai un élément de réponse : ils ne savent pas de quoi
parler…
Vous pouvez – ou devez – lire la suite mais essayez donc d’avoir
le recul nécessaire. Par exemple, vous pourrez rigoler au moment où ils parlent
de la dette et expliquent que la conjoncture va bien pour l’augmenter.
D’ailleurs, ils ne parlent pas des évolutions de la
conjoncture tout comme ils oublient deux éléments qui me semblent importants.
Le premier est que « la finance » risque bien de nous couper les
crédits ou de nous pousser à rendre le déficit extérieur abyssal. Le deuxième
est qu’on ne poussera pas les investissements en France en dissuadant ceux qui
ont le pognon, d’une part en empêchant le nucléaire donc l’assurance d’une
production d’énergie suffisante pour assurer le fonctionnement des usines (je
parle de l’assurance, vous pouvez penser que le renouvelable permettra tout, ça
ne convaincra pas les financiers) et, d’autre part, bien entendu, en augmentant
les impôts de ceux qui peuvent dépenser de l’oseille pour faire tourner nos
boutiques…
C’est mal de conchier la politique de l’offre à l’heure de
la mondialisation. Il faut enlever ses œillères mais les économistes sont pris
dans un système et une formation qu’ils ont eux-mêmes eu il y a vingt ou trente
ans par des profs déjà dépassés. D’où mon conchiage introductif.
Ils auraient pu nous rassurer pour cela mais aussi apporter quelques
éclaircissements sur trois ou quatre dossiers.
Petit 1 : l’augmentation des salaires. Je ne doute évidemment
pas que cela soit nécessaire tant pour faire en sorte que les gens vivent mieux
et cotisent plus mais aussi pour qu’ils puissent dépenser plus dans l’économie.
Néanmoins, tous les gouvernements ont toujours échoué et ont été réduits à
créer des usines à gaz comme la prime pour l’emploi. Comment peut faire un gouvernement
Nupes alors que l’Etat n’a du pouvoir que sur le niveau du SMIC ?
Petit 2 : l’augmentation du SMIC. La encore, je ne suis
pas contre. Mais ne faudrait-il pas en étudier les conséquences. Il y a d’une
part l’impact pour les petits salaires supérieurs au SMIC qui vont s’en rapprocher.
Les braves gens ne vont pas être contents et le niveau de smicardisation de la société
va augmenter. D’un autre côté, c’est égalitariste (et je ne gueule qu’à la
marge : « pousser l’égalité vers le haut » n’est pas
dramatique, évidemment. D’autre part, quel sera l’impact pour les employeurs ?
Et ne me sortez pas les propos du patron du Medef qui vient de déclarer, à peu
près : « ben on va être obliger d’augmenter les salaires, vu qu’on ne
peut pas embaucher ». N’y aura-t-il pas une hausse des tarifs des biens
produits ou vendus pour payer les augmentations ? N’y aura-t-il pas une
diminution des marges qui pourrait pousser les investisseurs à aller voir
ailleurs ou à changer de modèle économique ? N’y aura-t-il pas une hausse
de l’inflation assez mal venue de nos jours du fait de l’augmentation de la
capacité à dépenser des plus démunis et de la nécessité de maintenir les marges ?
Petit 3 : l’augmentation « des minima », la
prime pour les jeunes et tout ça. Ne serait-il pas de temps de passer à autre
chose, comme le revenu universel ? Pourquoi cotiser toute une vie si, au
bout du compte, on touche un revenu supérieur à 1000 euros ? Alternative
au RU, ne pourrait-on pas imaginer que l’on puisse aider les gens autrement qu’en
leur versant du pognon qu’ils n’ont pas spécialement mérité ? Je n’ai pas
dit qu’ils n’en ont pas besoin, hein ! Je suis bien favorable à quelque chose
mais les mille balles promis aux jeunes ne seraient-ils pas mieux placés dans la
construction de foyers d’accueil des jeunes, par exemple ? Et le pognon
filé aux vieux pour payer la dépendance, les hébergements, les soins à
domicile, la livraison de repas ou que sais-je ? Mes questions concernent
bien les économistes et les conséquences diverses : les politiques font
évidemment ce qu’ils veulent.
Petit 4 : le blocage des prix. Pourrait-on, enfin, s’interroger
sur les conséquences et les possibilités. Pour ce qui concerne ces dernières,
on sait par exemple que les prix dépendent des marchés internationaux. Si les
prix à l’extérieur des frontières augmentent, nos producteurs seraient perdant
à vendre chez nous… Si on ne les y oblige pas, ils seraient tentés par vendre à
l’étranger (ou, du moins, sur les marchés). Quels sont les impacts sur les
intermédiaires, par exemple, comment tout cela va se goupiller ? Une
partie des prix, notamment pour le carburant, serait à bloquer au niveau de la
taxation. Ce qui nous intéresse est bien le prix à la pompe. Il n’est pas idiot
de faire participer les industriels qui se gavent à l’effort mais cela réduira
les recettes fiscales largement et les Français ne sont pas fous : ils savent
qu’une partie de leurs factures de carburant passe dans les poches de l’Etat.
Pourrait-on nous détailler tout ça ?
Les économistes ont beau jeu de poser des mots les uns après
les autres mais il faut bien reconnaissent qu’ils ne font que de la politique
et n’apportent strictement rien. La tribune aurait été intéressante si quelques
sujets avaient été poussés (brièvement, il ne s’agit pas de faire un cour d’économie),
beaucoup plus que d’aligner des banalités gauchisantes (et pas toutes fausses,
loin s’en faut). Je ne dis pas qu’ils auraient dû le faire (qui aurait lu ?)
mais la tribune d’hier ne sert qu’à ajouter un élément au bruit fait par Nupes
(que
ne dément pas Mélenchon) qui continuent à avoir une large avance en termes de
temps de parole même si les militants essaient de nous convaincre du contraire.
Au boulot, bordel, et un peu de sérieux !
Je rappelle par ailleurs que les éléments économiques ne sont pas ceux qui pousse une grande partie de la gauche (mathématiquement au moins un bon tiers) à rejeter Nupes. Il y a le communautarisme et le non respect de la République, le rejet des règles européennes et le tournage de dos à des années de politiques de gauche sans oublier quelques bricoles comme le reste des aspects internationaux, le refus d'une politique environnementale contreproductive et celui du nucléaire alors que nous n'avons aucun remplaçant "non carboné" fiable (vive la Finlande, tiens !).
Sans compter ceux qui ne pensent pas que" la police tue"... ce qui fera pas mal de monde à l'arrivée. la nupes est une escroquerie intellectuelle au service du pitre mélenchon. le 19 au soir, elle n'existera plus.
RépondreSupprimerAussi.
SupprimerLes insoumis n'ont toujours pas compris la différence entre fraude fiscale et optimisation fiscale. C'est usant...
RépondreSupprimerS'ils veulent que la France teste à nouveau le système soviétique des kolkhozes et des sovkhozes, qu'ils le disent tout de suite, les Français comprendront mieux pour qui il ne vaut mieux pas voter.
Ca fait au moins deux raccourcis dans ton commentaire.
SupprimerPas compris... La lutte contre la fraude n'empêchera jamais l'optimisation. Si c'est un raccourci, je le prend pour moi. Et le second ?
SupprimerOn part d'une tribune d'économistes : ils connaissent parfaitement la différence entre l'optimisation et la fraude et, sans doute, les insoumis aussi. Par contre, ils oublient peut être qu'il y a des choses légales et d'autres pas et ce n'est pas simple (je travaille dans une banque et, même à l'informatique, on a des formations pour la détection de l'utilisation frauduleuse du pognon).
SupprimerLe coup des kolkhozes et sovkhozes est un autre raccourci. Le problème est tout autre et historique dans la gauche : ils ne veulent pas admettre qu'on est dans une économie de marché (ils ne refusent pas le principe mais ne comprennent pas. Par exemple, si tu vends une voiture d'occasion, ce que la plupart des gens font à l'occasion, tu espères une plus-value : c'est de la spéculation et de l'économie de marché). C'est une question de sémantique.
Je parlais dans mon commentaire des insoumis de base, qui font des amalgames sur différents sujets économiques. Pour le reste on est complètement d'accord.
SupprimerLe truc c'est surtout qu'on a passé les 35 dernières années (à gauche comme à droite), priver l'Etat de tout ses moyens d'intervenir sur l'économie (ce qui ne se résume pas uniquement à la redistribution, mais aussi à la planification stratégique, le contrôle de la monnaie, etc) et qu'aujourd'hui, dans une économie mondialisée telle que nous la connaissons, il est trop tard pour faire machine arrière. Le gros mensonge de la NUPES c'est de faire croire le contraire. Keynes c'est bien beau, mais ça a une chance de fonctionner dans une économie fermée.
RépondreSupprimerEntre le rasage gratis promis par la Méluche et les saupoudrages piteux de macrons, on sait bien qu'on est fait aux pattes.
Et pas la peine de de prendre le chou sur la définition exacte du Néo-libéralisme et de l'ultra-libéralisme (oui, la France est le pays qui prélève et redistribue le plus, mais c'est aussi un pays où les services publics sont bousillés depuis 35 ans, et pas uniquement pas la droite). Ce qui nous pend au nez, malheureusement, c'est le modèle de Friedman et ses Chicago boys.
Gadebois
Pourquoi 35 ans ? Ca fait pas loin de 50...
SupprimerJe ne sais pas ce qui nous pend au nez mais il ne faut pas oublier tout ce qui a bien fonctionné avec cette politique et ce qui n'est pas lié à la politique.