A moins que vous ne viviez dans une grotte sans internet dans le
fin fond de l’Eure, vous avez tous entendu parler du « Métavers », notamment
depuis que Marc Zuckerberg a renommé en Meta l’entreprise Facebook, il y a environ
un an. On essaie de comprendre à quoi cela correspond et j’imaginais une espèce
d’univers parallèle et virtuel. Je me demandais bien ce que cela voulait dire
et à quoi cela servait… Quel intérêt de boire des bières virtuelles payées avec
une monnaie du même métal et bues avec des copains de ce métal dans un comptoir
tout aussi étrange… ?
Cela ne prendrait jamais dans la population, à part chez
quelques geeks. Pourquoi, alors, nous le présenter comme l’avenir de l’informatique ?
Tout d’abord, il ne s’agit pas d’UN univers mais, disons, de multitudes d’espaces
virtuel. On voit par exemple des publicités dans Facebook qui nous expliquent
que les chirurgiens pourraient « répéter » les opérations compliquées
dans le Métavers. C’est de la pure bêtise. La vérité est qu’ils auront des
outils leur permettant de simuler ces opérations : masque de vision 3D,
gants avec dispositifs permettant de simuler le « toucher »… Sans
compter un logiciel gigantesque et performant permettant au toubib d’avoir des « vraies
sensations ».
On est bien loin d’un univers parallèle, non ?
On doit y ajouter un volet « social ». Notre
toubib, par exemple, devra travailler avec des anesthésistes, des infirmières
et des collègues à lui. Chaque professionnel de santé, dans son appartement,
pourra faire partie d’un groupe dans l’univers parallèle pour « rejouer »
tout ce qui concerne l’opération. Ils pourront discuter, compléter leurs
actions… et chacun verra l’autre dans le casque sous la forme d’un « avatar ».
Les avatars pourront correspondre à des personnes réelles, comme les différents
collègues, ou virtuelles (on n’imagine pas que la « répétition » aura
lieu sur une personne réelle).
Prenons un exemple dans le grand public. Vous assistez un
match de foot avec des copains, comme si vous étiez dans les tribunes, alors que
chacun n’a pas bougé de chez lui et a seulement mis un casque de « réalité
virtuelle » qui permet de voir le match, les tribunes, d’entendre les
bruits… Vous pourrez commenter le match avec vos potes et faire semblant de
partager des bières…
A partir de là, on peut tout imaginer. Vous – enfin votre
avatar – faisant la queue aux contrôles de sécurité (être palpé sur tout le
corps – ça te fait bander, hein – nécessiterait quand même d’avoir une
combinaison intégrale pour reproduire les sensations). Votre avatar pourrait aller
à la boutique – virtuelle – du club et acheter le maillot – virtuel – du club
ou, au moins, la casquette ! Dans votre casque, vous verriez vos copains
ainsi déguisés… Pour acheter votre place dans le stade, puis « le maillot »,
il vous faudra de la monnaie virtuelle.
Et on commence à voir l’arnaque ! Je ne suis pas prêt à
dépenser du pognon pour acheter des bières virtuelles tant que je ne pourrai
pas prendre une cuite avec… Pensez bien à cet exemple du match de foot en vous
mettant à la place de vrais fanatiques de ce sport. Pensez que les progrès
technologiques permettront de reproduire parfaitement ce que l’on peut
ressentir en assistant à un match.
Métavers ? « Vers » est la contraction de « univers ».
Selon Wikipédia :
« Méta est un préfixe qui provient du grec
μετά (meta) (après, au-delà de, avec). Il exprime tout à la fois la réflexion,
le changement, la succession, le fait d'aller au-delà, à côté de, entre ou
avec. » « Métavers » pourrait se traduire par quelque
chose du type « par-delà l’univers ». Un univers à côté.
Ces zozos créateurs de ce bastringue devaient bien trouver
un nom qui face vendre ou rêver ou, tout simplement, prouver qu’ils avaient
inventé quelque chose d’assez important pour qu’on y dépense du pognon. Quand
on voit la chute de la valorisation boursière de Facebook, en un an, on peut
rigoler (elle est passée de près de 1000 milliards à un peu moins de 400).
Cette semaine, on a tous entendu parler de la faillite de FTX.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. « Le
scandale provient plutôt du fait que FTX, plateforme d’échange de cryptos,
volait l’argent de ces clients afin de spéculer pour son propre compte sur des
actifs virtuels qu’elle avait elle-même créés et qui étaient adossés à du vent ».
Par très joli, tout ça… Tous ces gugusses vont avoir du mal
à s’en remettre ! Sans compter que le casque « 3D » dont je
parlais vaut environ 3000 euros : on est bien éloignés du grand public. D’ailleurs,
les industriels du secteur ont arrêté beaucoup de projets. Il y a quelques
années, on parlait encore de lunettes de réalité augmentée mais pourque cela
soit puissant, il faut de l’électronique et des batteries : ça pèse trop
lourd pour un simple nez.
Alors ils ont trouvé un nom, le Métavers. Le fonctionnement
s’appuie sur différentes notions ou technologies comme la réalité augmentée,
dont je parlais, la réalité virtuelle, la 2D, la 3D, le blockchain, le NFT et j’en
passe, comme le fameux « Cloud ». Sans oublier (j’espère), l’IA, l’intelligence
artificielle. Il va me falloir démystifier un peu ces trucs. Cela ne va pas
être simple… Je vais commencer par le pire, le blockchain car beaucoup de gens
font l’amalgame avec les cryptomonnaies dont le fameux bitcoin. Or, le
blockchain n’est que le support des cryptomonnaies.
Le blockchain n’est qu’une technologie permettant de
stocker ou de distribuer des blocs de données d’information tout en permettant
leur authentification, c’est-à-dire s’assurer de leur provenance, et la vérification
de l’intégralité (qu’elles n’ont pas été modifiées en route). En fait, le
commun des mortels n’en a rien à cirer. Désolé de vous décevoir mais je ne vais
pas vous donner une leçon d’informatique dans un billet de blog d’autant que,
moi-même, je n’y pige que dalle.
Le NFT – non-fungible token ou jeton non fongible,
pour vous dire – est un peu pareil. Ils utilisent, en fait, la technologie « blockchain »
et sont souvent présentés comme des titres de propriété (ce que je découvre en
lisant Wikipedia). On s’en fout aussi.
Je suis un peu hors sujet mais je vais parler du cloud.
On s’imagine à peu près savoir ce que c’est. Vous avez un smartphone, vous
prenez des photos, elles sont enregistrées dans l’appareil puis envoyées dans « le
cloud » et vous pouvez les récupérer ailleurs, par exemple sur un nouveau
smartphone, un ordinateur… Pour le grand public, c’est automatique. On imagine
des serveurs, quelque part, non pas dans les cieux mais dans des « datacenters »
qui stockent vos informations et les restituent indépendamment du matériel dont
vous disposez. Quand on bosse dans l’informatique, c’est un peu pareil. On le
formulera autrement : on produit des applications et on ne s’intéresse pas
à l’endroit où elles seront installées, on ne gère plus, physiquement, les
serveurs. Mais il y a un volet supplémentaire : la capacité à adapter la
puissance informatique (CPU) en fonction de l’usage. Par exemple, je travaille « dans »
les distributeurs de billets. Les machines ont une très forte activité les
samedis précédents Noël. Elles sont donc dimensionnées pour gérer ces fortes périodes
de pointe. On a donc un tas de « CPU » qui ne servent qu’un ou deux
jours parents : la puissance peut être restituée les autres jours. Avec
les technologies du « cloud », tout cela est automatique.
D’ailleurs, les blockchains et différentes technologies au cœur
du Métavers ont besoin de beaucoup de puissance de calcul : avec le cloud,
elles peuvent utiliser des « ordinateurs qui dorment » (par exemple,
le mien à de l’énergie à revendre pendant que je ne fais que l’utiliser pour
saisir un texte de billet de blog). Et c’est leur intérêt : les données se
déplacent d’ordinateur en ordinateur mais les mécanismes d’authentification
très forte, à base de cryptographie, permettent d’assurer leur viabilité.
Je ne vais pas parler de la 2D. Vous lisez ce texte
sur un écran… La 3D, on imagine ce que c’est. Par exemple, beaucoup d’entre
nous ont vu des films en 3D avec des lunettes spéciales. En revanche, la
représentation 3D n’est pas facile à mettre en œuvre. Pour un film, il y a
différentes caméras qui filment en parallèle et le système de projection, y compris
les lunettes, permettent de rendre un « effet 3D ». Par contre, pour
le temps réel, c’est très compliqué, voire impossible, à mettre en œuvre.
Imaginez mon match de foot retranscrit dans un métavers pour que vous puissiez le
regarder avec des copains comme si vous étiez dans les tribunes, ce n’est pas
demain la veille que vous en aurez une vision « 3D », même si, en fin
de compte, seule de la vision 2D peut être rendue en vous donnant une vague
sensation de relief.
On sait aussi ce qu’est la réalité augmentée. Vous
avez joué à Pokemon Go ? La caméra de votre smartphone « filme »
une scène que vous voyez sur son écran et l’informatique ajoute des objets sur
l’image, comme les fameux Pokemon (j’ai abandonné rapidement : ils sont
rares dans les bistros).
La réalité virtuelle est, avant tout, de la connerie :
on ne peut pas être virtuel et réel. Disons que l’informatique permet de
reconstituer en environnement, autour de vous, qui ressemble à la réalité. On
va retrouver ce machin, par exemple, dans beaucoup de jeux vidéo, dans lesquels
votre avatar se meut dans un paysage abscons avec des personnages débiles.
Ainsi, l’usage de ces technologies permettront de faire les
Métavers. Il n’y a pas grand-chose de neuf, vous me direz ! Un jeu comme Fortnite
existe depuis 20 ans. Le terme « Métavers » a lui-même été créé en
1992. Il faut bien, en revanche, que les industriels utilisent des mots « neufs »
pour se faire mousser et faire croire aux investisseurs qu’ils peuvent cracher
au bassinet. L’informatique progresse… progressivement ce qui permet, sans
cesse, de petites révolutions… Des progrès, quoi !
Prenez Internet. Dans le temps, il y avait le web normal
avec des pages plus ou moins statiques, des formulaires… Le web 2.0 est
progressivement apparu. Il a permis, par exemple, à des andouilles de diffuser
des pages web dans des blogs et à des abrutis d’y déposer des commentaires. Une
espèce de web participatif, quoi ! On appelait ça, aussi, le « web
social ».
Nous voila maintenant dans le Web3 ou « web 3.0 »,
aussi basé sur les blockchains et des cryptomonnaies et permettant de faire
transiter de « la valeur » mais aussi de générer un web « décentralisé ».
Prenez Mastodon qui voudrait remplacer Twitter. C’est un outil décentralisé.
Les différents serveurs ne sont pas hébergés par une seule société mais par
différents « particuliers » (ce n’est pas du Web3, j’explique la
décentralisation et si vous avez lu quelques trucs sur le sujet, vous aurez une
vision complémentaire). Ne vous focalisez pas sur le Web3, ça reste fumeux…
Commencez à imaginer ce que sont les blockchains (et pas les cryptomonnaies) et,
surtout, le Métavers ou les Métavers.
Le Métavers n’est pas l’avenir du web mais un des avenirs,
sans aucun doute, mais il n’y a pas que ça, dans la vraie vie. Il profite du
progrès, disais-je, sans avoir évoqué les progrès d’internet lui-même, de la
forte augmentation des débits de données (pensez-donc, pour faire entrer dans
votre casque, un match de foot personnalisé en fonction de votre emplacement
dans les tribunes !).
Mais il n’y a pas que ça. On parle souvent des cinq sens :
l’ouïe, le toucher, la vue, le goût et l’odorat. Il y en a, en fait, bien d’autres,
une bonne douzaine, je crois, comme la pression sur certaines terminaisons
nerveuses et tendons pour vous faire ressentir l’équilibre. Un jour, le Métavers
vous permettra de ressentir tout cela. La vue et l’ouïe, c’est évident. On
imagine très bien des gants ou des combinaisons vous faisant ressentir le
toucher. Mais le reste, on est loin !
L’avenir du web ou de l’informatique est aussi l’inverse du
Métavers. Les dernières années, on a beaucoup parlé des voitures autonomes (et
on évoque souvent les progrès de la robotique). Nous ne sommes pas du tout dans
un univers parallèle mais bien ancrés dans la vraie vie. La voiture, elle est
sur une route, avec d’autres usagers…
Enfin, je n’ai pas assez insisté directement sur l’aspect social
du Métavers. C’est comme dans Facebook, en gros. Vous côtoyez des gens de la
vraie vie et des parfaits inconnus, cependant bien réels. Je n’ai pas insisté
mais dans mes deux exemples : le toubib (comme je le disais) et le match de foot, on est bien
avec des personnes que vous connaissez… Avec l’aspect social, il y a bien sûr l’avatar.
Ce n’est plus simplement une « photo de profil » mais une
représentation assez proche de la réalité des utilisateurs…
Et on les imagine, comme dans les coulisses du stade, faire
le tour des magasins virtuels pour changer de fringues et regarder de la
publicité…
Il faut bien gagner de l’argent (ou faire croire aux
investisseurs que c’est juteux).